Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONCUPISCENCE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 777-778).

☞ CONCUPISCENCE. s. f. C’est en général une passion déréglée de posséder quelque chose ; un penchant inhérent à l’homme depuis sa chute qui le porta au mal. Concupiscentia. Il est défendu par le Xe Commandement de la Loi de Dieu, d’avoir de la concupiscence pour le bien de son prochain, ni pour son bœuf, ni pour son âne. Il faut bien remarquer la pente de la concupiscence, pour la diminuer par le retranchement de tout ce qui la peut fortifier. Nicol. Aimer Dieu par rapport à notre félicité propre, c’est l’aimer d’un amour de concupiscence. Fen.

☞ On le dit plus particulièrement du penchant que nous éprouvons pour les plaisirs illicites, qui nous entraîne à l’amour deshonnête, que S. Jean appelle la concupiscence des yeux, la concupiscence de la chair. La concupiscence, qui est l’effet du péché originel, sollicite sans cesse l’ame au péché. Avec quelles pointes & quels aiguillons ne savons nous pas réveiller la concupiscence endormie & languissante ? Balz.

Quoique ce mot se prenne ordinairement au mauvais sens dogmatique, cependant il a un sens plus étendu, & de soi indifférent. La concupiscence, en ce sens & en général est le penchant, l’inclination naturelle vers le bien sensible. Cette inclination de soi n’est point mauvaise : elle est bonne, & a été donnée à l’homme pour la conservation de sa nature. Mais l’objet de cette inclination, le bien sensible auquel elle se porte est quelquefois défendu, & quelquefois permis. Quand elle se porte à un bien permis, elle n’est point mauvaise ; si elle nous porte vers un objet ou un bien sensible défendu, ou l’on consent à ses mouvemens ou l’on n’y consent point. Si l’on y consent, le consentement est un péché & la rend mauvaise. Si l’on n’y consent point, ses mouvemens qui s’appellent premiers mouvemens, ne sont point des péchés, ou ce sont des péchés seulement matériels, & la résistance qu’on y apporte, le refus de consentement est méritoire. Quand Dieu nous défend la concupiscence, il ne nous défend pas de sentir ses mouvemens, mais d’y consentir. Quoique la concupiscence, dans l’état présent, soit une suite du péché, elle est néanmoins naturelle à l’homme, & un apanage de sa nature. Elle lui est donnée, comme on l’a déja dit, pour sa conservation.