Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONCUBINAGE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 776-777).
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CONCUBINAGE. s. m. Ce mot signifie toute conjonction illicite, & comprend les adultères, les incestes & les simples fornications : on restraint quelquefois la signification de ce mot, & parmi nous il signifie le commerce charnel d’un homme & d’une femme libres, c’est-à-dire, qui ne sont point mariés ensemble ni avec un autre. Concubinatus. Le concubinage a été autrefois toléré ; mais chez les Chrétiens il est défendu & scandaleux. Quand cette expression se trouve dans les constitutions des Chrétiens, elle signifie ce que nous appelons aujourd’hui mariage de conscience ; en ce sens, le concubinage a été permis, & l’est encore aujourd’hui. Le concubinage, qui a été toléré chez les Romains du temps de la République & des Empereurs Payens, étoit un concubinage entre deux personnes qui pouvoient contracter mariage ensemble. On ne refusoit pas même l’hérédité paternelle aux enfans sortis de ce commerce toléré. Les Romains regardoient le concubinage entre deux personnes libres comme une espèce de mariage ; c’est pourquoi ils lui ont accordé des privilèges. Mais il falloit que ce concubinage fut réduit à l’unité, parce qu’en le permettant à la fragilité humaine, l’on ne prétendoit pas autoriser cette passion brutale, qui ne se satisfait que dans le nombre des femmes débauchées. Ainsi le concubinage avoit la figure, & l’ombre du mariage. Hotman dit que les loix Romaines permettoient le concubinage long temps avant que Jules César eût fait une loi, qui permettoit à chacun d’épouser autant de femmes qu’il voudroit. L’Empereur Valentinien permir d’en épouser deux, comme disent Socrate, Paul Diacre & Nicéphore. Un Evêque a appelé la pluralité des Bénéfices, un concubinage spirituel.

Concubinage, en parlant de l’antiquité, signifie un mariage fait avec moins de solennités, que celui qu’on appeloit solennel ; mariage avec une femme d’une condition trop basse, & à laquelle le mari ne donne point son rang ; mariage de la main gauche. Matrimonium cum femina inferioris conditionis. Voyez au mot Concubine. Le plus grand Jurisconsulte que la France ait vû (Cujas ad cap. Inhibendum est, de cohabit. Cleric. & mulier. Idem Paratitl. in leg. 5, cod. de concub. Idem L. VII, respons. In commentar. ad leg. 3, cod. de natural. liber. & quib. caus. just. fiant. Leg. si uxor. 13. ff. ad leg. Juliam de adulter.) dit que le concubinage étoit une conjonction si légitime, que la concubine pouvoit être accusée d’adultère, comme la femme ; que les loix permettoient d’épouser à titre de concubine certaines personnes, que l’on considéroit comme inégales, par le défaut de quelques qualités qu’il falloit avoir pour soûtenir le plein honneur du mariage ; & qu’encore que le concubinage fut au dessous du mariage pour la dignité & pour les effets civils, le nom de concubine étoit pourtant un nom d’honneur, bien différent de celui de maîtresse ; mais qu’enfin le Vulgaire en France avoit confondu ces deux noms, faute d’entendre ce que c’étoit que le concubinage, quoiqu’il soit encore fort en usage en quelques endroits, où il s’appelle le demi-mariage, & en d’autres mariage de la main gauche. Cordemoy. C’étoit un vrai mariage ; mais qui se faisoit sans solennités, par lequel la femme portoit le nom de concubine, & non pas celui d’épouse, faute de dot, ou de naissance. P. Dan. T. I, p. 772.