Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONCOURS

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 775-776).
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CONCOURS. s. m. Action réciproque des personnes, ou des choses qui agissent ensemble pour une même fin. Concursus. Le concours du Soleil & des Astres est nécessaire pour la production de toutes les choses sublunaires. Dieu prête son concours immédiat pour tous les événemens. Jur. C’est relever la Majesté de Dieu, que de mettre toutes les opérations des créatures dans une perpétuelle dépendance de son concours immédiat. Id. Si les causes secondes n’avoient pas besoin du concours immédiat de Dieu pour agir, elles auroient une espèce d’indépendance qui seroit injurieuse au Créateur immédiat. Quoique Dieu ait imprimé à toutes les créatures la vertu nécessaire pour la fin à laquelle il les a destinées, elles attendent néanmoins un concours particulier, & une nouvelle influence du Créateur pour chaque événement. Le concours de Dieu pour l’action des causes secondes suffit, sans les secours de la prédétermination. La matière aveugle peut-elle par un concours fortuit produire une machine aussi admirable que le corps humain ? Jacq.

CONCOURS, terme de Grammaire. Rencontre de voyelles. On appelle dans la versification françoise un vicieux concours de voyelles, lorsqu’on place de suite deux mots, dont le premier finit par une voyelle autre que l’e muet, & le second commence par quelque voyelle que ce puisse être. C’est à ce vicieux concours, ou vicieuse rencontre de voyelles, que l’on a donné le nom d’hiatus, parce qu’en effet on ne sauroit passer immédiatement d’une voyelle à l’autre sans une manière de baillement qui rend la mesure extrêmement languissante. Voyez Hyatus. Il faut remarquer que les mots qui commencent par une h douce, sont regardés comme n’ayant à leur tête que la voyelle qui suit cette H. Mourg. Nos anciens Poëtes n’évitoient pas avec soin ce concours des voyelles, qu’on ne peut souffrir aujourd’hui, que la versification est plus exacte. Marot a dit dans une épigramme,

Cy gist qui assez mal prêchoit.

C’est la même faute lorsqu’après une voyelle ou une diphtongue, il suit une h qui n’est point aspirée, comme dans ce vers,

Le vrai honneur n’est plus que bagatelle.

Mais on peut se dispenser de cette exactitude, quand on cite quelque proverbe, ou quand l’expression est heureuse & ingénieuse, comme a fait Ménage dans les vers suivans.

Cy dessous gist Monsieur l’Abbé
Qui ne savoit ni A, ni B.
Dieu nous en doint bientôt un autre,
Qui sache au moins sa patenôtre.

Le concours des voyelles n’est point vicieux aussi, lorsque le second mot connivence par une h aspirée.

Un clerc pour quinze sous sans craindre le hola,
Peut aller au parterre attaquer Attila. Despreaux.

Concours se dit aussi en parlant des Bénéfices, ou Cures, qui se donnent à ceux qui ont le plus de capacité & de mérite, dans les lieux où le Concile de Trente est reçu, conformément à la session 24, ch. 18 de reform. La Cure est exposée à la dispute entre ceux qui y prétendent, & cette dispute se fait devant des Juges préposés par l’Evêque, afin que le Bénéfice soit donné au plus digne. Digniori. Quoique cette coutume ne soit point reçue en France, à cause du Concordat, & parce qu’elle prive les Patrons & les Collateurs de leur droit, elle subsiste néanmoins encore dans les pays conquis par le Roi depuis le Concordat, où le Concile est reçu ; il y a eu néanmoins un Arrêt du Parlement de Paris en 1660, le 12 Janvier, par lequel les Cures de l’Artois, qui dépendent des Abbés Collateurs de plein droit en sont exemptes.

☞ Il n’y a pas long temps que le concours se faisoit à Rome pour les Cures de Bretagne. Depuis Benoît XIV, il se faisoit devant l’Evêque diocèsain & six Examinateurs par lui choisis.

Concours se dit aussi en matière bénéficiale, lorsqu’un Collateur a donné le même Bénéfice à deux personnes, le même jour de vacance, ou lorsque deux Collateurs différens ont pourvu en même temps.

Concours entre gradués, lorsque plusieurs gradués ont requis un même Bénéfice en vertu de leurs grades.

☞ Lorsque le même collateur a donné des provisions le même jour à deux personnes pour le même Bénéfice, sur le même genre de vacance, sans qu’on puisse justifier quelles sont les premières, alors les deux provisions se détruisent mutuellement, parce qu’on ne sait auquel des deux contendans le collateur a entendu donner le Bénéfice. C’est pour cela qu’on retient des dates en Cour de Rome, afin que dans le cas de concours on puisse enfin obtenir des provisions sur une date pour laquelle il n’y ait point de concours.

☞ Quand il y a concours entre le Pape & l’Ordinaire, il est de règle que le pourvu par l’Ordinaire est préféré.

☞ Entre deux pourvus, l’un par l’Evêque, l’autre par son Grand-Vicaire, le premier est aussi préféré.

Concours signifie aussi un amas de plusieurs choses, ou personnes qui sont assemblées. Concursus. Il y a eu un grand concours de peuple à ce sermon, à cette fête. On regarde le concours qui se fait dans les Eglises aux fêtes solennelles, comme des assemblées de cérémonie, plutôt que de dévotion. Fléch. Epicure croyoit que le concours des atômes avoit produit tous les êtres.

☞ Dans le premier cas, concours signifie affluence de monde en quelqu’endroit. Dans le second, choc, rencontre des atomes.

Concours en matière civile. Concurrence entre personnes qui prétendent avoir droit au même objet. Quand il y a concours de privilèges entre créanciers, les privilèges les plus favorables sont préférés. Dans le cas d’égalité, les créanciers viennent par contribution.