Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONCEVOIR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 767-768).
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CONCEVOIR. v. a. Je conçois, j’ai conçu, je conçus, je concevrai. Que je conçoive, je concevrois, que je conçusse. ☞ Ce mot se dit particulièrement des femmes, & signifie devenir grosse d’enfant. Filium, fœtum concipere. La Sainte Vierge a conçu Notre-Seigneur dans ses entrailles. On le dit d’ordinaire absolument. La Sainte Vierge a conçu par l’opération du Saint-Esprit. Suivant le cours ordinaire de la nature les femmes ne sont en état de concevoir qu’après la première éruption des règles ; & la cessation de cet écoulement à un certain âge les rend stériles pour le reste de leur vie.

☞ On le dit aussi des femelles des animaux, mais seulement en parlant de l’espèce en général. Les brebis conçoivent plus ordinairement au printemps qu’en autonne. Les biches conçoivent vers la fin de l’autonne. On ne diroit pas qu’une brebis, qu’une biche a conçue ; mais qu’elle est devenue pleine.

☞ On le dit aussi de la plupart des passions qui naissent dans le cœur. Concevoir de l’amour, de la haine, de l’horreur, du dépit, &c. On lui a fait concevoir de belles espérances. Il a conçu de l’amour pour cette fille. Il en est devenu amoureux. Il a conçu de l’ambition, il est devenu ambitieux.

Concevoir se dit aussi figurément de la simple vue que nous avons des choses qui se présentent notre esprit, sans en former aucun jugement. Log. Il signifie aussi, avoir l’intelligence prompte, facile, se former des idées justes relativement à l’ordre & au dessein de ce qu’on se propose. Aliquid animo concipere, cogitatione capere. Pour croire les choses qui sont de la foi, il n’est pas nécessaire de les concevoir. Une chose est avilie auprès de bien des gens dès qu’elle est facile à concevoir. Font. Le Lecteur prend d’ordinaire pour galimatias ce qu’il ne conçoit pas. Boil.

Peux-tu bien concevoir, dans ces tristes momens,
La rigueur de mon sort, mes craintes, mes tourmens ? Capistron.

Concevoir, dit M. l’Abbé Girard, exprime une conformité d’idées, avec les objets présentés, comme entendre & comprendre ; & c’est-là leur signification commune ; mais celle qu’exprime le mot de concevoir, regarde plus particulièrement l’ordre & le dessein de ce qu’on se propose. On l’emploie avec grâce pour les formes, les arrangemens, les projets, les plans ; enfin tout ce qui dépand de l’imagination se conçoit. On entend les langues, on comprend les sciences ; & l’on conçoit ce qui regarde les arts. Il est difficile de concevoir ce qui est confus. Pour concevoir, il faut un esprit net & méthodique.

☞ L’architecture conçoit le plan & l’Economie de ses édifices. Il faut mettre, autant que la conversation le permet, de l’ordre dans son discours, afin d’aider l’idée des autres à concevoir la nôtre.

☞ Mais souvent nos Auteurs n’y regardent pas de si près, & emploient indifféremment ces mots l’un pour l’autre.

Concevoir, en style de Pratique, signifie exprimer d’une certaine manière. La clause du testament qui fait le procès, est conçue en ces termes. Il faut concevoir ainsi la pensée, le jugement des arbitres. La commission étoit conçue en ces termes. Maucroix. Il reçut des Lettres de Darius conçues en des termes si superbes, qu’il s’en offensa. Vaug.

Concevoir, infinitif, s’est dit autrefois pour pensée, conception. Cogitatio, intelligentia.

CONÇU, UE. part. pass. & adj. Conceptus. L’Homme est conçu dans le péché. Conçu signifie quelquefois exprimé ; un ordre conçu en ces termes, c’est-à-dire, exprimé en ces termes. Cette phrase est mal conçue.