Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMPLAISANCE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 746-747).
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COMPLAISANCE. s. f. déférence aux sentimens & aux volontés d’autrui. Obsequium, obsequentia. ☞ La complaisance est une condescendance honnête par laquelle nous plions notre volonté, pour la rendre conforme à celle des autres. Elle consiste à ne contrarier le goût de qui que ce soit, dans tout ce qui est indifférent pour les mœurs, à s’y prêter même autant qu’on le peut, & à le prévenir lorsqu’on l’a su deviner. Les mœurs.

☞ Il semble que l’esprit doux & l’humeur égale réunis, fassent l’homme complaisant. Il est vrai qu’ils y contribuent ; mais il est vrai aussi que la complaisance ajoûte à la douceur & à l’égalité. A l’esprit doux, à l’humeur égale, joignez l’envie de plaire & de petits soins, vous serez complaisant.

☞ L’homme égal & doux est celui qui, toujours le même, toujours tranquille & sûr, évite toute occasion de me faire de la peine. L’homme complaisant fait quelque chose de plus pour moi. Il est disposé à penser comme je pense, à agir comme j’agis ; il entre dans mes vues & dans mes goûts, & profite de la moindre occasion de me faire plaisir. Mais aussi il faut avouer que la douceur de l’esprit & l’égalité de l’humeur ne sauroient devenir des vertus suspectes ; à quelque usage qu’on les emploie, elles seront toujours des vertus. Il n’en est pas de même de la complaisance, qui n’est vertu que par l’usage qu’on en fait.

☞ Pour faire une définition un peu exacte de cette affection que quelques-uns ont de plaire à tout le monde, il faut dire avec la Bruyère, que c’est une manière de vivre où l’on cherche beaucoup moins ce qui est vertueux & honnête, que ce qui est agréable.

On se flatte les uns & les autres, & le monde ne subsiste que par cette complaisance mutuelle. Flech. Dans le monde, il faut avoir de la complaisance, même pour les sots ; ils sont le plus grand nombre. Les personnes qui hantent la Cour, reconnoissant combien les humeurs contredisantes sont incommodes, prennent une route, qui est de ne contredire rien, & de louer tout indifféremment ; c’est ce qu’on appelle complaisance. Cette humeur qui est plus commode pour la forme, est très-désavantageuse pour le jugement. Port-R. La complaisance qui sacrifie tout aux autres, semble être la destruction de l’amour propre, & n’est bâtie que sur ses ruines. M. Esp. La complaisance qui est une vertu paisible, & très-nécessaire à la société, devient un vice, quand elle n’a point de bornes. M. Scud. La véritable complaisance est celle qui compatit avec liberté, qui cède sans foiblesse, qui loue sans flatterie, & qui, sans affectation & sans bassesse, rend la société agréable, & la vie plus commode & plus divertissante. Id. Rien de plus ennuyeux que la fade complaisance de ces gens qui se récrient sur tour. Bell. La fausse complaisance de nos amis nous endort, & nous jette dans une confiance ridicule. Maleb.

Complaisance se prend aussi quelquefois pour un vain plaisir qu’on prend en soi-même, & qui naît de la plus grande opinion qu’on a de soi. Inanis de se cum sensu voluptatis opinio. Avec quelle complaisance ambitieuse Luther ne se regardoit-il point lui-même, faisant le personnage de Héros sur le théâtre de l’Eglise ! Boss.

Complaisances au pluriel, se prend pour l’effet & les marques de la complaisance. Ses complaisances pour un tel lui coûtent cher. Acad. Fr.

Complaisances, en termes de l’Ecriture ; signifie quelquefois amour, affection. C’est dans ce sens que Dieu dit qu’il a mis toutes ses complaisances en son Fils ; pour dire, que son Fils est l’objet de son amour.

Complaisance, terme de Palais. C’est le payement fait des loyaux aides ☞ par le vassal à son Seigneur, dans les quatre cas marqués ; savoir, au cas de chevalerie du fils aîné, de mariage d’enfans, de voyage d’outre-mer, & de rançon du Seigneur. Voyez Aides, terme de Jurisprudence féodale.