Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMMUNION

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 733-735).

COMMUNION, s. f. en termes ecclésiastiques, se dit pour croyance, unité de doctrine, union, uniformité dans la même foi & la même société. Communio. La Communion de l’Eglise Catholique en ce sens, est l’unité d’une même foi, la réunion des Fidèles dans la même croyance, la croyance des mêmes dogmes, ou des mêmes articles de foi sous un même Chef, qui est le Pape. Les Luthériens & les Calvinistes ne sont point de notre communion. Le S. Siège est le centre nécessaire de notre communion. Il n’est jamais permis de rompre la communion avec l’Eglise, pour quelque raison que ce puisse être. Le juste que l’on condamne injustement, est séparé de la communion externe, mais non pas de la communion des biens spirituels. Port.-R. Dès les premiers temps, le mot de communion est pris en ce sens. Par exemple, le Concile d’Elvire, qui le prend d’ordinaire pour la participation aux Sacremens & aux prières publiques, & pour la communication libre avec les Fidèles, le prend cependant aussi en quelques canons, comme au trente-septième, pour la participation à l’Eucharistie.

Outre cette communion générale de l’Eglise universelle, dont on ne peut se séparer, sans être au moins schismatique, ce mot se disoit encore dans les premiers siècles de l’Eglise, pour signifier l’union & le commerce que les Eglises particulières entretenoient entr’elles. Mais comme l’Eglise est répandue dans tout le monde, il étoit difficile qu’elles eussent toutes immédiatement & par elles-mêmes commerce entr’elles. Que faisoient-elles donc ? Elles s’unissoient entr’elles avec les principales Eglises, sur-tout les Eglises Apostoliques, ou fondées par les Apôtres. C’étoit-là une communion immédiate. Par l’union qu’elles avoient avec ces Eglises Apostoliques, elles étoient en communion avec toutes celles qui étoient unies à ces mêmes Eglises, & cela s’appelle une communion médiate. Il a toujours été permis aux Evêques de refuser leur communion à ceux qu’ils n’en jugeoient pas dignes. Les Papes ont quelquefois refusé ainsi la communion. Ce refus de communion ne se doit point confondre avec l’excommunication. L’excommunication emporte la privation de tous les biens spirituels de l’Eglise, & ce refus de communion n’est que la privation du commerce que l’on avoir où que l’on pourroit avoir avec une ou quelque è Eglises particulières. Le Pape même pourroit, pour de bonnes raisons, s’abstenir de communiquer avec un Evêque, sans pour cela l’excommunier.

Communion des Saints, terme dogmatique. C’est l’union, la communication, les relations qu’ont entr’elles l’Eglise triomphante, l’Eglise souffrante & l’Eglise militante ; c’est-à-dire, entre les Bienheureux qui sont dans le Ciel, les âmes qui sont dans le Purgatoire, & les Fidèles qui composent ici-bas la véritable Eglise. Communio Sanctorum. La Communion des Saints consiste respectivement dans les devoirs, les services, les secours que se rendent, & que reçoivent mutuellement les uns des autres, ces trois parties de la totalité des Fidèles morts & vivans. Elles consistent pour nous qui sommes sur la terre, dans l’honneur que nous leur rendons, les prières que nous leur faisons pour obtenir leur protection auprès de Dieu, la participation qui nous est donnée à leur mérite, & l’application qui nous en est faite. Elle consiste pour les âmes du Purgatoire, dans les prières & les sacrifices que nous offrons pour eux, & en conséquence desquels l’application des mérites des Saints leur est faite par manière de suffrage pour obtenir leur délivrance. Par rapport aux Saints, c’est la protection qu’ils nous accordent auprès de Dieu, & leur intercession, les prières qu’ils font pour nous, l’application qui nous est faite de leurs mérites & aux âmes du Purgatoire. La Communion des Saints est un dogme de foi, c’est un article du symbole des Apôtres : Je crois la communion des Saints. Est-il rien de plus raisonnable & de plus fondé que ce dogme ? L’Eglise est un corps, les Fidèles en sont les membres ; J. C. en est le Chef invisible, & le Pape, Vicaire de J. C. en est le Chef visible. Dans tout corps il doit y avoir des rapports mutuels, de la correspondance, de l’union entre tous les membres, ou ce ne seroit plus un corps ; ils doivent concourir, chacun en sa manière, & s’entraider pour la même fin. Cette correspondance & cette union consiste en ce que nous avons dit ci-dessus. L’Ecriture & la Tradition, l’usage constant de l’Eglise sont pleins de preuves de cette correspondance & de cette communion, comme on le peut voir dans nos Controversistes. Combien de grâces Dieu n’accorde-t-il pas à son peuple en considération d’Abraham, d’Isaac & de Jacob ? Judas Machabée ne fait-il point des oblations pour les Juifs morts dans la guerre contre les Infidèles ? L’Eglise n’a-t’elle pas de tout temps honoré, prié les Saints ? Combien dans l’Histoire Ecclésiastique de faveurs manifestement obtenues par l’intercession des Saints ? Les Conciles n’ont-ils pas condamné l’erreur contraire ? Sainte Monique ne prie-t elle pas en mourant que l’on prie pour elle après sa mort, en offrant le Sacrifice de l’autel ? &c.

Les Peres donnent différens noms à la Communion des Saints. Saint Cyprien, dans sa trentième Lettre, l’appelle Privilegium societatis, le privilège de la société ; dans le Livre de l’Oraison Dominicale, il la nomme Jus communicationis, le droit de la communication. S. Augustin dans sa cinquantième Lettre, lui donne le nom de Societas Catholica ; Saint Léon, dans sa quatre-vingt neuvième Lettre, anciennes éditions, l’appelle Gratia communitatis.

Communion est un mot latin qui veut dire la même chose que liaison, communication, union. On désigne par ce mot l’union qui est entre tous les membres de l’Eglise, parce qu’ils ne sont tous qu’un même corps dont J. C. est le Chef ; ensorte qu’il est vrai de dire qu’ils sont tous les membres du corps mystique de J. C. & les membres de J. C.

☞ On la nomme Communion des Saints, parce que tous les membres de l’Eglise ont été sanctifiés par le Baptême, que tant qu’ils en conservent la grace, ou lorsque l’ayant perdue, ils l’ont recouvrée par la Pénitence ; ils sont saints, & que toujours ils sont appelés à la sainteté. C’est pour cela que quand S. Paul parloit des Fidèles de son temps, ou qu’il leur écrivoit, il leur donnoit toujours le nom de Saints.

Communion est aussi l’action par laquelle on reçoit le corps & le sang de Jésus-Christ au très-auguste Sacrement de l’Eucharistie. Christi corporis & sanguinis sumtio, accessio ad sacrum corporis epulum. Origene, dans une homélie, p. 285, de l’édition de 1619, marque qu’avant la communion on disoit dès lors, comme nous faisons encore, les paroles du Centenier, Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit, &c. On ne sauroit faire avec trop de respect la sainte communion. Saint Cyprien appelle les communions précipitées, un poison mortel. On retranchoit de la communion les personnes scandaleuses avec une extrême sévérité dans l’ancienne Eglise, & elle ne les y admettoit qu’après avoir subi les loix de la pénitence. Port.-R. Le quatrième Concile de Latran ordonne que chaque fidèle reçoive la Sainte communion, au moins à Pâques : ce qui montre qu’il souhaite qu’on le fasse même plus souvent : & en effet on le faisoit beaucoup plus souvent dans les premiers siècles. Gratien même & le Maître des Sentences donnoient pour règle aux laïques de le faire trois fois l’année, à Pâques, à la Pentecôte & à Noël ; mais l’usage s’étoit introduit au treizième siècle de n’approcher de l’Eucharistie qu’à Pâques ; & le Concile jugea à propos d’en faire une loi, de crainte que le relâchement & la tiédeur n’allassent encore plus loin dans la suite. Il n’y eut jamais plus de communions, & moins de changemens de vie. P. Rap. Une communion indigne est celle qui se fait en état de péché mortel. La communion Paschale est d’obligation. Il y a des oraisons pour dire avant & après la communion. Les Orientaux se servent d’une cuillier pour administrer aux laïques la communion sous l’espèce du vin. C’est une preuve de leur foi sur la présence réelle. voyez Cuiller. Autrefois on s’est servi d’un chalumeau pour la même chose en Occident, comme B. Rhenanus l’a remarqué sur Tertullien.

Communion sous les deux espèces, c’est-à-dire sous l’espèce du pain & sous l’espèce du vin. L’Eglise a retranché pour de grandes raisons la communion sous les deux espèces. Dans la primitive Eglise on administroit souvent la communion sous une seule espèce ; & on n’a jamais cru que la communion sous les deux espèces fût nécessaire aux laïques, ou ordonnée par Jesus-Christ pour tout le monde. M. Bossuet & P. Doucin Jésuite ont fait des livres de la communion sous les deux espèces. Dans le neuvième siècle on donnoit encore la communion sous les deux espèces, ou plutôt on donnoit l’espèce du pain trempée dans celle du vin. Acta SS. Bened. Sæc. III, p. I, Præf. p. LIII. On la recevoit aussi d’abord dans la main. M. de Marca, Hist. de Bearn., liv. 5, c. 10. §. III. croit que la communion sous une seule espèce a commencé en Occident sous le Pape Urbain II, l’an 1096, & à la conquête de la Terre Sainte, avouant cependant que dès le commencement de l’Eglise on le faisoit souvent ; car il ne parle que de l’introduction de l’usage général, qu’il attribue au vingt-huitième Canon du Concile de Clermont, qui ordonne à la vérité que l’on communie sous les deux espèces séparément, mais qui fait cependant deux exceptions, l’une de nécessité & l’autre de cautèle, nisi per necessitatem & cautelam : la première pour les malades, & la seconde en faveur des abstemes ou de ceux qui auroient horreur du vin.

Communion, prise pour la participation au Sacrement de l’Eucharistie, est ou réelle ou spirituelle. La Communion réelle est celle où l’on reçoit effectivement le Corps de Notre-Seigneur en la sainte Eucharistie. La communion spirituelle est lorsque, sans recevoir le Corps de Notre-Seigneur, on excite en soi un grand desir de le recevoir, on fait tous les actes que l’on feroit si l’on communioit effectivement, & l’on prie Notre-Seigneur de nous faire participans des fruits de ce Sacrement.

Communion laïque. C’est la communion telle que le peuple la reçoit, c’est-à-dire, sous une seule espèce. Etre réduit à la communion laïque, c’étoit anciennement une peine canonique pour les Clercs coupables de quelque faute.

Communion Etrangère, autre peine à laquelle plusieurs Canons condamnent les Evêques & les Clercs qui ont fait quelque faute. Cette peine n’est ni excommunication ni une déposition, mais une espèce de suspense des fonctions de l’Ordre avec la perte du rang que l’on tenoit. En effet le Concile de Rièz, après avoir déclaré nulle l’ordination d’Armentarius d’Embrun, permet à quelqu’autre Evêque de le recevoir dans son diocèse, de lui confier une Paroisse avec le rang de Chorévêque, & la communion étrangère. Le second Concile d’Agde veut qu’un Clerc qui refuse de fréquenter l’Eglise soit réduit à la communion étrangère, & que, s’il se corrige, il soit inscrit de nouveau dans la matricule de l’Eglise. Le Concile de Lérida ordonne de ne recevoir au plus qu’à la communion étrangère les Clercs qui se sont emparés des biens de l’Eglise après la mort de l’Evêque.

Ce nom de communion étrangère vient de ce qu’on n’accordoit la communion à ces Clercs que comme on la donnoit aux Clercs étrangers. Un Evêque, par exemple, qui se trouvoit dans une Eglise, dont il n’étoit point Evêque, n’y faisoit point les fonctions Episcopales ; mais il avoit la première place après l’Evêque & avant les Prêtres. Si un Prêtre étoit réduit à la communion étrangère, il avoit le dernier rang parmi les Prêtres, & avant les Diacres, comme l’auroit eu un Prêtre étranger, qui auroit passé avec des lettres testimoniales de son Evêque.

Le mot de communion peut encore avoir d’autres significations. Il se prend quelquefois pour la participation aux prières des fidèles ; d’autre fois aussi pour l’union que les Eglises entretenoient ensemble.

On donnoit encore autrefois le nom de communion aux offrandes pour les Morts, comme il paroît par le second Concile d’Arles, Can. 12.

On le donnoit aussi à la réunion, à la réconciliation à l’Eglise ; & l’on disoit, donner la communion, rendre la communion.

Tous ces termes sont encore en usage aujourd’hui quand on écrit l’Histoire Ecclésiastique, ou que l’on traite de ces matières.

La communion de la Messe, c’est l’endroit où le Prêtre communie & consume les espèces. Tempus illud sacrificii quo sacra Hostia a Sacerdote absumitur. En ce sens, on dit non seulement : le Prêtre est à la communion, mais encore la Messe en est à la communion. Il faut élever son cœur à Dieu pendant la communion de la Messe ; & communier en esprit. On le dit aussi du moment où le Prêtre donne la communion aux fidèles.

Communion se dit encore de l’Antienne que le Prêtre dit après avoir communié ; & les oraisons qui suivent s’appellent Postcommunion.

Communion. (Lettres de) C’étoient des lettres que les Eglises s’écrivoient anciennement pour communiquer ensemble, & entretenir l’union dans une même croyance. Mutuæ ad fovendam inter Ecclesias caritatem ac communionem litteræ. Comme il étoit impossible que toutes les Eglises communiquassent directement, on choisissoit les villes les plus considérables desquelles on recherchoit la communion, & par elles on étoit censé avoir communion avec les autres. Mais toutes étoient en communion avec le S. Siège.

Communion, terme de Jurisprudence. A Dijon, c’est la partie de la dot qui entre dans la Communauté.

☞ On appelle aussi communion la Communauté de biens entre mari & femme ; & elle n’est guère connue dans cette Province que sous ce nom. Communia bonorum. In communionem bona referre.

☞ Enfin c’est le nom que l’on donne aux Associations qui ont lieu en certaines Provinces entre toutes sortes de personnes, & singulièrement entre mainmortables. C’est une espèce de Société de tous les biens. Encyc.

☞ On appelle communiers ceux qui ont fait une telle Société.