Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMMUN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 728-729).
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COMMUN, UNE. adj. Ce qui appartient à tous également, à quoi tout le monde participe, ou droit de participer. Communis. La terre est notre commune mere. Dans le siècle d’innocence tous les biens étoient communs, aussi-bien que le Soleil & les élémens. Le Pape dans l’Église est le Pere commun des Chrétiens. Il se fait dans l’Église un amas de nécessités, & de fragilités communes ; & par conséquent il faut qu’il y ait un trésor commun d’assistance & de charité. Fléch. L’Écriture est le principe commun sur lequel disputent les diverses sectes qui partagent les Chrétiens. S. Evr.

Commun se dit, en un sens plus étroit, des choses que quelques personnes possèdent ensemble par indivis, dont les uns & les autres ont également droit de se servir. Les murs mitoyens sont communs à deux maisons. Une allée, un passage commun, un puits commun. Il n’y a eu que les Sauvages & Platon, qui aient voulu que les femmes fussent communes. Une femme commune se dit aussi d’une femme prostituée. Prostibulum.

☞ COMMUN se dit aussi de ce qui est propre à différens sujets. La vie végétative est commune aux animaux & aux plantes : péril commun, intérêt commun.

Nos périls sont égaux, nos craintes sont communes,
Seigneur, associons nos cœurs & nos fortunes.

Commun, se dit aussi d’une Société, &c. Capistr. Commun, se dit aussi d’une Société que l’on contracte ensemble par quelque intérêt d’honneur ou de gain. Les Commissaires, les Huissiers, font bourse commune pour éviter la jalousie de leur emploi. Ils se sont associés en une telle affaire, pour la poursuivre à frais communs, & en partager le profit.

☞ COMMUN se dit aussi de ce qui est en général, universel, le plus universellement reçu. C’est le bruit commun, l’opinion commune. Res pervulgaris, pervulgata fama. Les plus communes opinions ne sont pas les plus certaines. Vulgaris opinio.

Le goût de l’amitié ne se sauroit éteindre :
Chacun sent qu’il est doux d’en observer les loix,
Et de tous les mortels c’est la commune voix.

Vill.

Cette grande roideur des vertus des vieux âges
Choque trop notre siécle, & les communs usages.

Mol.

Les soupçons importuns,
Sont d’un second hymen les fruits les plus communs.

Racine.

☞ En ce sens on attribue à l’ame une faculté particulière qu'on nomme sens commun, faculté par laquelle le commun des hommes juge raisonnablement des choses : ou jugement qu’on porte par la seule lumière naturelle commune à tous les hommes.

☞ Lieux communs, ou de Réthorique ; on appelle ainsi les propositions générales, les principes généraux d’où l’on prend les argumens & les preuves. Loci communes.

☞ Dans l’usage ordinaire, on appelle lieux communs, des matières triviales & rebattues. Son livre est rempli de lieux communs. Ses sermons ne sont que des lieux communs.

Commun signifie aussi ce qui est trivial, ordinaire, qu’on troue par-tout. Vulgaris, tritus, communis. Cet Orateur dans son discours n’a rien dit que de commun, rien de recherché, son style est fort commun, c’est un esprit fort commun. C’est un axiome commun, une notion commune. Le peuple souffre plus aisément un vice commun, qu’une vertu extraordinaire. Voit. La prononciation est bien trompeuse, elle fait valoir les choses les plus communes. P. Rap. On ne nous a servi en ce repas que des viandes fort communes. En ce sens il signifie, ce qui n’est pas rare, & qui est au plus vil prix. Ce Curieux n’a que des tableaux communs, de peu de valeur. Il ne s’habille que de l’étoffe la plus commune. Les diamans sont estimés, parce qu’ils ne sont pas communs.

☞ Le fréquent usage, dit M. l’Abbé Girard, rend les choses ordinaires, vulgaires, & triviales : mais il y a à cet égard un ordre de gradation entre ces mots qui fait que le trivial dit quelque chose de plus usité que vulgaire, qui à son tour enchérit sur commun, & celui-ci sur ordinaire.

☞ Il me paroît aussi qu’ordinaire est d’un usage plus marqué pour la répétition des actions ; commun pour la multitude des objets ; vulgaire pour la connoissance des faits, & trivial pour la tournure du discours. La dissimulation est ordinaire à la Cour ; les monstres sont communs en Afrique ; les disputes de Religion ont rendu vulgaires bien des faits qui n’étoient connus que des savans. De tous les genres d’écrire, il n’y a que le comique où les expressions triviales puissent trouver place.

☞ Ces mêmes mots considérés, non par rapport au fréquent usage, mais relativement au petit mérite des choses, ont encore un ordre de gradation, de façon que le dernier de ces mots, est celui qui ôte le plus au mérite. Ce qui est ordinaire, n’a rien de distingué : ce qui est commun, n’a rien de recherché : ce qui est vulgaire, n’a rien de noble : ce qui est trivial, a quelque chose de bas.

On dit, en terme de Palais, & en Généalogie, le pere commun des parties, quand on parle du pere de deux freres, ou sœurs, qui plaident ensemble. On dit que par la Coutume de Paris, le mari & la femme sont uns & communs en biens ; pour dire, qu’ils ont contracté société ensemble, & qu’ils partagent le gain & les pertes l’un de l’autre. On dit aussi, qu’un arrêt ou jugement est déclaré commun avec un tel, qui n’avoir pas été partie, ou avec le défaillant ; pour dire, qu’il sera aussi-bien exécutoire contre lui que contre ceux avec qui il a été rendu. On dit aussi, qu’une chose est du droit commun, par opposition aux privilège qui en exempte. On dit aussi, faire preuve, suivant la commune estimation, suivant la commune renommée. En cas d’estimation de fruit, on dit, faire une année commune ; pour dire, prendre le milieu entre une année fertile où les denrées sont à bon marché, & une année stérile, où elles sont cheres, pour en faire un prix commun & mitoyen, & compenser l’une avec l’autre : ce qu’on appelle autrement bon an, mal an. Communis.

On dit aussi, en matière bénéficiale, qu’une provision est expédiée en forme commune ; pour dire, qu’elle est expédiée sans grâces, sans privilèges.

Commun. (délit) Voyez Délit.

Commun. (droits) Voyez Droits.

Commun. (Dieux) terme de Mythologie. Dii communes. On donnoit ce nom chez les Romains aux Dieux qui étoient révérés par plusieurs nations, ainsi qu’à ceux qui protégeoient indistinctement l’ami & l’ennemi ; du nombre des premiers étoient Jupiter, Vénus, le Soleil, &c. du nombre des derniers, Mars, Bellone, la Victoire, &c.

Commun, en terme de Philosophie, se joint aux termes généraux, qui conviennent à diverses choses, ou qui renferment diverses espèces particulières. Le nom d’animal est commun à l’homme & à la bête. Celui de substance est commun au corps & à l’esprit. Il signifie aussi, pareil, ou analogue ; ces deux choses n’ont rien de commun ensemble.

Commun, en termes de Grammaire, est le genre qui convient aux deux sexes, au mâle & à la femelle.

☞ Ainsi un nom est du genre commun lorsqu’il a une terminaison qui convient également au mâle & à la femelle, auteur est du genre commun. On dit également un homme, une femme auteur, notre qui est de même du genre féminin ; un homme qui, une femme qui, &c.

☞ A l’égard des verbes, on appelle verbes communs, ceux qui, sous une même terminaison, ont la signification active & passive.

Commun, en termes de Poësie Françoise, se dit des vers de dix syllabes, qu’on appelle vers communs, tels que sont ceux-ci de Scarron.

Tel d’un Sénèque affecte la grimace,
Qui feroit bien le Scarron à ma place.

On se sert de vers communs pour les Epitres, les Balades, les Rondeaux, les Contes, & rarement pour les Poëmes, les Elégies, les Odes, les Sonnets ; ils doivent avoir le repos à la quatrième syllabe, quand elle est masculine, ou à la cinquième, quand elle a un e muet qui se perd dans la syllabe suivante.

Commun, en termes de Géométrie, se dit d’un angle, d’un côté, ☞ d’une base ou de quelque chose de semblable, qui appartient également à deux figures, & qui fait une partie nécessaire de l’une & de l’autre.

En parlant des termes ordinaires de la langue, on dit, les mots communs de la langue, par opposition aux termes qui ne sont en usage que dans les arts & dans les sciences. On dit d’un homme mort en peu de temps entre les mains de plusieurs mauvais Médecins, qu’ils l’ont expédié en forme commune. Cela n’est que du style familier. Acad. Fr.

Commun, au substantif, signifie le général, la plus grande partie des hommes. Ce bourgeois s’est distingué du commun du peuple. C’est un grand Philosophe, & qui est hors du commun. Non unus est è multis, non unus de vulgo, de populo, non vulgaris notæ. Il faut, pour bien raisonner, élever son esprit au dessus du commun. Il y a des gens qui n’étant pas les premiers dans pas une des sciences, passent en toutes l’ordinaire & le commun. Boil. Le Héros d’un Poëme ne doit être ni au dessus du commun des hommes par sa vertu, ni au dessous par ses vices. P. le Boss. Un Prince au comble des grandeurs, est au-dessus des afflictions qui font soupirer le commun des hommes. S. Evr. Les Héros les plus fameux qui se signaloient dans les combats, étoient dans la vie civile des hommes du commun qui se retrouvoient confondus dans la foule. Id.

Il penseroit paroître un homme du commun.
Si l’on voyoit qu’il fût de l’avis de quelqu’un. Mol.

Soyez plutôt Maçon, si c’est votre talent,
Qu’Ecrivain du commun, & Poëte vulgaire. Boil.

☞ On dit figurément qu’une personne, qu’une chose est du commun ; pour dire, qu’elle n’est pas de grand prix, de grand mérite, qu’elle n’a rien de recherché.

Commun, chez le Roi, les Princes & les Grands, est un nom collectif, qui signifie les Officiers les moins considérables d’une maison. Principis, Magnatum administris gradûs inferioris. Il a mangé à la table du commun, dans la salle du commun. On nous a servi du vin du commun. Il est couché sur l’état en qualité de Chirurgien du commun.

Commun, en Architecture, se dit chez le Roi, d’un bâtiment avec cuisines & offices, où l’on apprête les viandes pour la bouche du Roi & les Officiers de Sa Majesté.

☞ Dans un hôtel, c’est une ou plusieurs pièces où mangent les Officiers & les Domestiques.

☞ Chez le Roi, on appelle grand commun, les offices & cuisines destinées à la nourriture de la plupart des Officiers de la Maison du Roi.

☞ Et petit commun, quelques Officiers détachés du grand commun, pour la nourriture de quelques Officiers privilégiés de la Maison du Roi.

☞ On appelle aussi grand commun, un vaste corps de bâtiment où les Officiers travaillent, & qui est destiné pour leur logement. Pars ædium regiarum Officinis destinata. Il est logé au grand commun.

Commun, en termes de Bréviaire, se dit d’un Office général institué pour tous les Saints d’un même Ordre, d’une même classe, pour y prendre les Pseaumes, Leçons, Hymnes, Antiennes & Oraisons, quand l’Eglise n’a point réglé d’Office particulier. Officium commune. Le Commun des Saints, le Commun des Apôtres, des Evangélistes, des Martyrs, des Vierges, des Docteurs, des Confesseurs.

Commun de paix, terme de Coutume. Droit qui appartient au Roi, comme Comte de Rhodes, dans le Comté de Rouergue. Ce droit se lève sur les hommes, sur les bêtes, sur les moulins : il a été établi pour maintenir la paix, & empêcher les guerres privées qui désoloient le pays, & qui ne purent cesser que par l’autorité & la puissance du Roi.

Commun, en se dit adverbialement, pour dire, en communauté. Communiter. Ils possèdent cette terre en commun, par indivis. Ils ont mis tout leur bien en commun, ils vivent en commun.

Commun se dit proverbialement en ces phrases. L’âne du commun est toujours le plus mal bâté ; pour dire, que personne n’a soin que de ce qui lui appartient en propre, & néglige le bien public. On dit aussi par la même raison, qui sert au commun, ne sert à pas un. On dit, entre amis tous biens sont communs : & on dit plus généralement, en ce monde tous les biens sont communs ; il n’y a que les moyens de les avoir. On dit aussi qu’un homme vit sur le commun, lorsqu’il est écornifleur, qu’il n’a point d’ordinaire, & qu’il vit sur le tiers & sur le quart.