Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMMENDE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 717-718).

COMMENDE, s. f. est originairement dans le Droit, la garde, le dépôt, le régime, & l’administration des revenus d’un Bénéfice qu’on donnoit à un séculier, pour un jouir par œconomat pendant six mois, pour le réparer ; ou à un autre Evêque, ou à un simple Ecclésiastique, pour faire les fonctions Pastorales, en attendant qu’on en eût pourvu un Titulaire. Beneficii Ecclesiastici administratio dum cuipiam illud conferatur. On croit que c’est le Pape Leon IV qui fut auteur des commendes, en faveur des Ecclésiastiques qui avoient été chassés de leurs Bénéfices par les Sarrazins. On leur confioit la garde & l’administration des Eglises vacantes : S. Grégoire en avoit usé de même pendant que les Lombards désoloient l’Italie. Sous la II Race, l’abus des commendes devint fort fréquent ; on donna même les revenus des Monastères à des Laïques, pour les faire subsister. Les Evêques aussi se faisoient donner plusieurs Bénéfices, ou Evêches en commende, & c’étoit un prétexte pour les retenir tous sans violer directement les Canons. On a retranché une partie des abus ; mais on n’a pû abolir absolument la commodité & l’usage des commendes. C’est un expédient qu’on a trouvé pour lever l’incompatibilité de la personnes avec la nature du Bénéfice.

Pour ce qui est de l’origine & de l’usage des Commendes en Orient. Voyez le mot Caristicaire.

Commende, en France, est un vrai titre de Bénéfice, que le Pape donne à un Ecclésiastique nommé par le Roi pour un Bénéfice régulier, avec permission de disposer des fruits pendant sa vie. On ne peut donner en commende un Bénéfice à charge d’ames ; c’est-à-dire, ni une Cure, ni un Evêché. Le Pape ne peut refuser un Bénéfice en commende après trois collations du même Bénéfice en commende.

La Commende, de la manière qu’elle est établie aujourd’hui, plutôt pour la commodité des personnes, que pour l’utilité de l’Eglise, est entièrement contre les anciens Canons. C’est pourquoi il n’y a que le Pape qui puisse conférer les Bénéfices en commende, parce qu’il n’y a que lui seul qui puisse dispenser les Canons, tant pour ce qui regarde l’inhabilité des personnes à qui l’on donne les commendes, que pour l’incompatibilité à l’égard des Bénéfices dont les Commendataires sont revêtus. Lorsque la commende vaque par la mort du Commendataire, elle n’est pas censée vaquer par sa mort, mais comme elle vaquoit avant la commende, laquelle n’apporte aucun changement aux choses. Cependant le Pape donne encore le même Bénéfice en commende par un privilège qu’il continue toujours ; de sorte que le privilège, ou la dispense, a dérogé entièrement au droit commun. Cependant, quoique ceux qui possèdent des commendes, ne les ayent obtenues que par privilège, ou dispense, ils ne laissent pas d’en jouir, & d’avoir tous les titres, fruits & droits honorifiques, comme s’ils étoient véritablement titulaires.

Par les Bulles de la commende, les Commendataires sont subrogés aux droits des titulaires. L’on y emploie toujours des termes qui marquent que le pouvoir du Commendataire est le même que celui du Titulaire auquel il est substitué. Curam Monasterii ac regimen & administrationem tibi in spiritualibus & temporalibus planè committendo. Le Pape donne donc par ses Bulles aux Abbés Commendataires l’administration, tant pour le spirituel, que pour le temporel. C’est pourquoi on emploie dans les mêmes Bulles qu’il sera Prêtre, ou que s’il n’a pas encore atteint l’âge de la Prêtrise, il la perdra aussi-tôt qu’il l’aura atteint ; mais cela ne s’exécute point, ce n’est qu’une formalité de style. Les Prieurs claustraux gouvernent l’Abbaye pour le spirituel pendant qu’elle est en commende ; les Abbés Commendataires n’ayant aucun pouvoir sur les Religieux. Ils ne peuvent pas même instituer, ni destituer des Prieurs claustraux qui sont nommés Administrateurs du spirituel dans les Bulles, où l’on ajoute cependant cette restriction, jusqu’à ce que l’Abbé soit parvenu à l’âge de 25 ans, afin de prendre la Prêtrise. Voici ce que porte la Bulle donnée au Prince de Neubourg pour l’Abbaye de Fécan. Et ne ob defectum ætatis primo dictum Monasterium aliquod in spiritualibus patiatur detrimentum, Priorem claustralem pro tempore existentem primo dicti Monasterii in spiritualibus, donec tu ad quintum & trigelimim tuæ ætatis annum perveneris, duntaxat constituimus ac deputamus.

Févret, dans son Traité de l’abus, partie I, L. 2, Ch. 6, remarque que l’Abbé de Citeaux, Claude Vaussin, obtint d’Innocent X un bref par lequel il étoit défendu aux Abbés Commendataires de se mêler de la discipline régulière : le même Auteur ajoute que les Cardinaux Abbés Commendataires ont été excepté de cette règle, à cause de l’éminence de leur dignité, nonobstant les Bulles de Pie V, & de Grégoire XIII, qui défendoient à tous Abbés, même aux Cardinaux, sous peine d’excommunication encourue par l’effet, de jouir de la dépouille des Moines : mais il dit qu’à présent cette distinction est levée, & que tous Abbés Commendataires Cardinaux, ou autres, jouissent de la dépouille des Moines à l’exclusion du Monastère. Voyez sur cette matière Févret à l’endroit marqué, & les Auteurs qu’il cite, savoir, Chopin, de Polit. L. 2, tit. 8, n. 13, Mornac. ad. L. 3, §. Et si heres dig. de minoribus, &c. M. Louet & son Commentaire, litt. R. n. 42.

Les Papes n’accordent pas seulement des Bénéfices en commende à des Clercs, en les dispensant de l’âge & des autres qualités requises ; ils dispensent aussi de la Cléricature des enfans qui sont dans le berceau, jusqu’à ce qu’ils aient l’âge de prendre la tonsure. Il suffit d’exposer à Rome que l’enfant est destiné à l’état Ecclésiastique ; & là-dessus on lui accorde des Bulles, dans lesquelles on nomme un Œconome qui a soin du temporel seulement jusqu’à ce que l’enfant ait été tonsuré. N. Administratorem Monasterii in temporalibus solum donec prædictus infans charactere clericali insignitus fuerit. Ce sont les termes de ces sortes de Bulles.

☞ Bénéfices en commende, sont des Abbayes & Prieurés tant simples que conventuels, qui sont données par le Pape, avec dispense de la régle, Regularia regularibus, sæcularia sæcularibus.

☞ Quelques Cardinaux & Abbés conférent aussi en commende des bénéfices réguliers dont ils sont collateurs ; mais ce n’est qu’en vertu d’indults particuliers des Papes revêtus de lettres patentes enregistrées.

☞ Il y a des commendes libres, & des commendes décrétées. Les commendes qu’on appelle décrétées sont celles dont les provisions contiennent le décret irritant, ou la clause que le Bénéfice retournera en regle ; c’est-à-dire, qu’il sera conféré à un régulier lors du décès de la démission ou résignation du titulaire pourvu en commende.

☞ Les commendes libres sont celles qui ne contiennent point cette clause irritante, & par lesquelles le Bénéfice est conféré purement & simplement avec dispense de la règle, regularia, regularibus, &c.

☞ Celui qui possède un Bénéfice en commende décrétée, ne peut résigner en commende libre. Si le séculier qui possede en commende, se fait religieux, son Bénéfice devient vacant par sa profession.