Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMBATTRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 703-704).
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COMBATTRE. v. a. Donner un combat, se battre contre l’ennemi pour le défaire, attaquer son ennemi, ou soûtenir ou repousser l’attaque. Certare, decertare, pugnare, depugnare. Ces deux champions ont combattu corps à corps. Les escadrons ont combattu de pié ferme. Il a combattu son ennemi, il l’a désarmé.

Jupiter avoit couvert d’une épaisse obscurité l’armée des Grecs, pour les empêcher de combattre. En cet endroit Ajax, ne sachant plus quelle résolution prendre, s’écria

Grand Dieu, chasse la nuit qui nous couvre les yeux,
Et combats contre nous à la clarté des Cieux !

Boileau.
.

Voici la traduction de M. de la Motte.

Ah ! faut-il, dit Ajax, que je perde mes coups !
Grand Dieu, rends-nous le jour, & combats contre nous !

C’est aux connoisseurs à décider, qui de lui ou de M. Despréaux a le plus heureusement atteint le sublime de cet endroit de l’Iliade. Journal des Savans 1714. La chose n’est pas problématique ; & il n’y a personne, quelque prévenu qu’il soit, qui donne la préférence à M. de la Motte.

Combattre se dit aussi en parlant du choc de deux armées. Confligere, dimicare, &c. Alexandre combattit trois fois les Perses en trois fameuses batailles. Les Princes combattent pour la victoire, les soldats pour le Prince. Ablanc. Si Enée combat, c’est pas nécessité, & moins pour vaincre, que pour achever la guerre. P. le Boss.

Combattre se dit figurément des choses spirituelles & morales. Il faut combattre pour la Foi. Vous avez long temps combattu contre l’injustice, & contre la mauvaise fortune. P. d’Orl. L’esprit combat contre la chair. Il faut combattre les opinions erronnées. L’Evangile est un langage qu’on n’entend plus dès qu’il combat notre attachement. Je me fortifie d’autant plus contre un ennemi que j’aime, que je sens bien que mon cœur me veut trahir, & ne combat qu’à regret. M. Scud. Qu’il est dut d’avoir à combattre son devoir contre son inclination !

Il est des momens de foiblesse,
Ou la nature peut tomber ;
On court risque de succomber,
Quand on est obligé de combattre sans cesse.

Nouv. choix de vers.

Il est ridicule de combattre sérieusement les rafinemens & les illusions d’une dévotion mélancolique. Boss. Elle avoit assez de vertu pour combattre sa passion ; mais elle n’en avoit pas assez pour en triompher. Vill.

Ce n’est qu’en ces assauts qu’éclate la vertu,
Et l’on doute d’un cœur qui n’a point combattu.

Corn.

Haï de tous les Grecs, pressé de tous côtés,
Me faudra-il combattre encor vos cruautés ? Rac.

Combattre avec quelqu’un de civilité, de politesse, & disputer à qui sera plus civil, plus poli, &c.

On dit encore, combattre contre la mer, les vents, l’orage. Pugnare cum mari, ventis, tempestate, &c. Combattre contre la faim, le froid, &c. Et dans un style plus soûtenu combattre la faim, la soif, &c. On dit, qu’un homme se forge des chimères pour les combattre ; pour dire, qu’il se forge de vaines difficultés dans l’esprit. Les gens de Collège s’agitent jusqu’à la fureur, & combattent à outrance pour des syllabes & pour des virgules. Bel.

On dit proverbialement : en combattant le secours vient ; pour dire, qu’il ne faut pas abandonner certaines affaires, & que le temps apporte quelquefois du changement aux choses les plus désespérées.

COMBATTU, UE. part. & adj. Il a l’esprit combattu ; pour dire, agité de diverses pensées. Agitatus, fluctuans.

Les hommes destinés à gouverner la terre,
Loin de porter un cœur de remords combattu,
Au poids de leur grandeur mesurent leur vertu.

Capistr.