Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COLLATION

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 682-683).
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COLLATION, s. f. terme de matière bénéficiale. Prononcez les deux ll dans ce mot, & dans les deux qui suivent. Collatio. Titre, provision d’un Bénéfice ; acte par lequel le collateur confère un bénéfice. Si un Chanoine a eu la Collation du Pape, & sa partie la collation de l’Evêque, la question est de savoir quelle est la meilleure collation. En France la collation de l’Evêque est la plus favorable, & la plus conforme au droit commun. Par l’usage la collation, ou provision, qui est la première en date, l’emporte, parce qu’on prétend que le Pape a la prévention sur l’Ordinaire, du jour même de la vacance du Bénéfice pour la collation.

Collation signifie encore le droit de conférer un bénéfice vacant. Jus beneficii Ecclesiastici conferendi. Les Abbayes de Marmoutier, Cluni, S. Jouin-sur-Marne, sont les Bénéfices qui ont les plus belles collations. La collation du Pape est reconnue par toute l’Eglise Catholique. Il y a deux sortes de collations nécessaires. Les collations volontaires, sont celles qui dépendent de la seule volonté du Collateur, qui peut choisir qui bon lui semble pour remplir le Bénéfice vacant. Les nécessaires, sont celles que le Collateur ne confère point librement. Par exemple, si le Bénéfice a été résigné, ou permuté, & si la résignation, ou permutation a été admise par le Pape, alors le Collateur est obligé d’accorder des provisions au résignataire, ou au copermutant. De même si le Bénéfice est requis par un Indultaire ou par un Gradué, ou rempli par le Patron, en ce cas encore la collation devient nécessaire & involontaire. La collation nécessaire entre deux Patrons qui conferent alternativement, remplit le tour de celui qui est forcé à conférer. La collation des Bénéfices fait partie des fruits de l’Evêché vacant en Régale ; & elle appartient au Roi, qui les confére de plein droit, de même que l’Evêque auroit fait. Voyez Fleury.

Collation, en termes de Palais, signifie la représentation & confrontation d’une copie à son original, pour voir si elle est conforme, & l’acte qui en rend témoignage, que donne la personne publique qui a pouvoir de le faire. Collatio exscriptorum cum archetypis. Ainsi on met au bas d’une copie, collation a été faite de cette copie à son original, par moi Notaire soussigné ; ce fait, rendu. Quand le Notaire déclare qu’il a en la minute entre les mains, la collation vaut un original, pourvû que toutes les parties intéressées aient été appelées à la collation.

Collation est aussi le repas qu’on fait les jours de jeûne, au lieu de souper, & où l’on ne doit manger que des fruits. Cænula. Le P. Lobineau remarque, dans son Hist. de Bret. L. XXII, p. 847, qu’autrefois on ne mangeoit point de pain à la collation en Carême ; mais seulement quelques confitures & des fruits desséchés, & que cette coutume duroit encore en 1513. Le Cardinal Humbert, dans sa réponse à Nicetas, au milieu du onzième siècle, dit que les Latins observoient exactement le jeûne du Carême, & ne souffroient pas que personne le rompît, s’il n’étoit grièvement malade. Il ajoute qu’il n’étoit pas même permis, comme chez les Grecs, de prendre des fruits & des herbes les jours de jeûne après le repas unique que l’on faisoit ; ce qui montre que les collations ont commencé chez les Grecs vers le onzième siècle.

Collation est encore le repas qu’on fait entre le dîner et le souper, que les enfans appellent goûter, Merenda, ou un petit repas qu’on fait en passant à la hâte. Voulez-vous faire une petite collation ? En Languedoc & en Poitou, collation signifie le déjeûner.

Collation est pareillement un ample repas qu’on fait au milieu de l’après-dinée ou la nuit. Il y aura chez le Roi bal, ballet, & collation ; lautæ epulæ. On a servi une collation où il y avoit de la viande & des fruits, qu’on appelle autrement un ambigu. La nuit on l’appelle à la ville réveillon, à la Cour un médianoche.

Remarquez que quand ce mot est employé dans la signification d’un léger repas, on ne prononce les deux ll que comme une seule.

Ce mot vient de collatio, dont les Latins ont usé en cette signification, en parlant des sobres repas ecclésiastiques faits aux jours de jeûne, à l’issue des conférences qu’on faisoit dans les Monastères après Vêpres, avec des harangues à l’honneur du Saint dont on solemnisoit la Fête. Pasquier. Par la même raison du Cange le dérive de collocutio, ou conférence : car on prétend qu’originairement la collation n’étoit qu’une conférence de piété qui se faisoit dans les Monastères : dans la suite on introduisit la coutume de faire apporter quelques rafraichissemens ; & par l’excès où l’on porta ces sobres repas, le nom de l’abus est demeuré, & celui de la chose même s’est perdu. Ce mot s’est depuis étendu à tous les autres repas qu’on fait depuis dîner.

Collation lustrale. Impôt qui se levoit dans l’Empire Romain sur les marchandises. Collatio lustralis. Gratien exempta les Clercs marchands de la Collation lustrale. Fleury. On dit aussi, contribution lustrale.