Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CLERC

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 634-636).
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CLERC. s. m. (Le c final ne se prononce point.) Vieux mot qui signifioit autrefois sçavant, Doctus, peritus, litteratus, aussi-bien que Clergie, Doctrine. Ainsi Pasquier dit que les Officiers des Comptes ont été créés sous le titre de Clercs des Comptes ; & que les Secrétaires d’Etat s’appeloient Clercs du Segré, ou Secret. Les Secrétaires du Roi s’appeloient aussi Clercs & Notaires du Roi. On donnoit ce nom en général à tous ceux qui faisoient profession de science, ou qui sçavoient manier la plume. Les Secrétaires des Princes ou grands Seigneurs, s’appeloient Clercs. Ce nom appartenoit originairement aux Ecclésiastiques. Comme la Noblesse s’appliquoit entièrement à l’exercice des armes, il n’y avoit que le Clergé qui s’attachât à cultiver les Sciences : en sorte qu’Alain Chartier se mocque des Courtisans qui prétendoient que Noble homme ne doit point sçavoir les Lettres, & qui tenoient à reproche de gentillesse de bien lire, & bien écrire. Ainsi, comme ceux du Clergé étoient les seuls qui fîssent profession des Lettres, on appela un homme sçavant, un grand Clerc, & Mauclerc, un homme stupide & malhabile. Illitteratus, imperitus, Litterarum rudis.

C’est en ce sens qu’on dit encore, c’est un homme habile & un grand Clerc ; cet homme n’est pas grand Clerc ; & que Regnier a dit :

N’en déplaise aux Docteurs Cordeliers, Jacobins,
Ma foi, les plus grands Clercs ne sont pas les plus fins. Regnier.

Un loup quelque peu Clerc prouva par sa harangue,
Qu’il falloit dévouer ce maudit animal. La Fontaine.

En prose hélas ! les plus grands Clercs
Disent souvent mainte sotise ;
Comment n’en dire pas en vers ? P. Du Cerc.

Ronsard, dans son vieux langage, a dit Clergesse, pour sçavante :

Mais trop plus est à craindre une femme clergesse.

On a dit aussi autrefois Clergeresse, aussi-bien que Clergesse, pour signifier sçavante. Il n’a plus d’usage aujourd’hui que parmi les Lingères ; pour signifier celle d’entr’elles qui a soin des affaires de la Communauté.

Ce mot & ses dérivés viennent du grec κλῆρος (klêros), qui signifie Clergé, mais principalement sort, héritage, parce que le sort & le partage des Clercs ou des Ecclésiastiques, est de servir Dieu, de s’attacher à son service : car le mot Clérus s’est dit d’abord de ceux qui étoient attachés à Dieu d’une manière particulière, soit qu’on l’entende des Chrétiens en général, par comparaison au reste des Chrétiens, suivant ces paroles de S. Pierre, Neque ut dominantes in Cleris, 1. Pet. V, 3. La première origine de cette expression vient de l’ancien Testament, où la Tribu de Lévi est appelée le sort, le partage, l’héritage du Seigneur, κλῆρος (klêros) en grec ; & Dieu est appelé réciproquement son partage, parce que cette Tribu étoit toute consacrée au service de Dieu, sans avoir de grands fonds de terre, comme les autres Tribus. Il y en a qui dérivent le mot de Clergé de Clergie, vieux mot, qui signifie science, littérature, parce que les gens d’Eglise étoient autrefois les seuls qui fussent lettrés & sçavans, & qui fussent regardés comme tels. Voyez Clergie.

Clerc étoit autrefois un jeune Gentilhomme qui apprenoit les exercices militaires, & qui étoit un Novice de Chevalerie. Tiro ac rudis in re militari. C’est en ce sens qu’on dit : il en parle comme un Clerc d’armes, comme un homme qui n’est pas expérimenté au fait de la guerre.

Clerc, signifie aujourd’hui celui qui a pris au moins le premier caractère de l’État Ecclésiastique ; c’est-à-dire, la tonsure. Clericus. Un Clerc, qui n’a pris que les Ordre mineurs, peut se marier ; mais son mariage l’exclut des privilèges & des fonctions de la Cléricature. On peut prendre la tonsure, & être Clerc à sept ans, ou à six par dispense du Pape. Un Clerc tonsuré. On appelle Clercs de Chapelle, dans les Maisons Royales, ☞ des Officiers de la Chapelle, dont la charge est de servir à certaines fonctions ecclésiastiques sous les Aumôniers & les Chapelains.

Clerc se prend plus généralement pour tous ceux qui sont de l’État Ecclésiastique, depuis les tonsurés jusqu’aux Prélats. Ainsi on dit, que les Canons excommunient ceux qui mettent la main sur les Clercs. Le privilège des Clercs est de plaider devant leurs Juges Ecclésiastiques. Une charge de Conseiller-Clerc est celle qui ne peut être possédée que par un Ecclésiastique. Le Pré aux Clercs de Paris étoit un pré où les Ecoliers de l’Université prenoient leurs récréations. Un Concile d’Afrique avoit défendu que personne ne fît un Clerc Tuteur ou Curateur par son testament. S. Cypr. Ep. I, Pamel. 66. Le Concile d’Elvire, can. 33, ordonne la continence, généralement à tous les Clercs, Evêques, Prêtres, Diacres, sous peine d’être privés de l’honneur de la Cléricature. Saint Jean l’Aumônier éleva à la Prêtrise un Lecteur de grande vertu, qui faisoit des souliers, & de son travail nourrissoit ses enfans, sa femme, son pere & sa mere ; par où l’on voit qu’il y avoit à Alexandrie des Clercs mariés & artisans. Fleury. La vie de S. Jean, d’où cela est pris, Ch. XIII, n. 87, dans Bollandus ; Janv. tom. II, p. 515, marque même deux Clercs Cordonniers ; mais elle ne dit point que celui qui avoit femme & enfans, usât du mariage depuis qu’il étoit Clerc, ni après qu’il fut Prêtre.

Dans les vieux Titres, on a appelé aussi Clercs, plusieurs petits Officiers des Maisons Royales, comme Clercs de Cuisine, Clercs de Panneterie, d’Echansonnerie, Clercs de livrées de la Maison du Roi. Ce nom est demeuré seulement aux Clercs d’Office, qui sont les petits Contrôleurs.

En parlant de la Cour de Rome, on appelle Clerc de la Chambre, Clericus cameræ, un Prélat Officier de la Chambre Apostolique. On y donne aussi ce nom à douze Prélats qui ☞ font partie du Tribunal qu’on appelle la Chambre Apostolique, où simplement la Chambre, dont le Cardinal Camerlingue est le chef. Voyez Chambre Apostolique.

Clerc Acéphale. Au sixième siècle on donna ce nom aux Clercs, qui se séparèrent de l’Evêque, & ne voulurent pas vivre en communauté avec lui.

Clerc Chanoine. On donna ce nom au sixième siècle aux Clercs, qui ne se séparèrent point de l’Evêque, & continuèrent à vivre en communauté avec lui, selon les Canons. Voyez Chanoine.

Clerc Régulier du bon JESUS. Voyez au mot Jesus.

Clerc Réguliers, Ministres des Infirmes. Voyez Ministre.

Clercs Réguliers de la Mère de Dieu. Nom d’une Congrégation, dont la fin principale est d’enseigner la Doctrine Chrétienne, & qui eut pour Fondateur le P. Jean Léonardi, vers l’an 1574. Il n’eut d’abord que deux Compagnons. Leur nombre s’étant augmenté, ils le prièrent de leur donner une règle. Pour toute règle, il leur écrivit ce mot, Obéissance. C’est à Luques, sa patrie, qu’il commença sa Congrégation. L’Evêque de Luques, par commissions de Sixte V, l’approuva, leur permit de faire des Constitutions, d’élire un Supérieur, & de recevoir des Sujets. Clément VIII approuva cette Congrégation, & leurs Constitutions, & Grégoire XV ordonna qu’ils feroient des vœux solennels, & approuva leur Congrégation comme Régulière, par un Bref du 3 Novembre 1621.

Clercs Réguliers Mineurs. Nom d’une Congrégation établie sur la fin du seizième siècle par les PP. Augustin Adorno, & François & Augustin Caraccioli. Sixte V l’approuva en 1558, par un Bref du premier Juillet. Il leur permit de faire des vœux solennels, d’élire un Supérieur, & de prescrire des Règlemens pour le maintien de cette Congrégation ; & comme il avoit été Frère Mineur, il leur donna le nom de Clercs Réguliers Mineurs. Grégoire XIV leur accorda en 1591 tous les privilèges des Théatins. Clément VIII les confirma, & Paul V les fit participans de tous les privilèges accordés aux autres Ordres Religieux.

Clercs Réguliers de Saint Mayeul. Nom d’un Ordre de Religieux appelés plus communément Somasques. Voyez ce mot.

Clercs de Saint Paul. Nom que portèrent les Barnabites. On prétend que ce nom leur fut donné, parce qu’ils s’appliquoient fort à la lecture de S. Paul.

Clerc de la Vie Commune. Congrégation de Clercs Réguliers, ou de Chanoines Réguliers, nommés aussi Frères de la vie commune. Clericus, ou Frater vitæ communis. Ils furent établis par Gérard Groot ou le Grand, de Deventer, au quatorzième siècle. Il les assembla dans sa maison ; & hors des heures de la prière, de l’oraison, & des autres exercices qu’il leur prescrivit, il leur faisoit transcrire les Livres des SS. Pères, & les leur faisoit corriger sur les anciens manuscrits. Après sa mort, qui arriva en 1384, Ravidius, un de ses Clercs, les mit en règle, & en Congrégation. Eugène IV en 1431, & en 1444, & Pie II en 1462, leur donnèrent plusieurs privilèges, auxquels leurs Successeurs en ont encore ajouté d’autres. L’Hist. des Ordr. Mon. & Relig. en parle, part. II, ch. 51.

Clerc, en termes de Palais, est une espèce de Commis ou de Scribe, qui sert à écrire chez les Gens de Justice ou de Pratique. Scriba. Un Clerc de Conseiller ou de Rapporteur. Un Clerc d’Avocat, de Notaire, de Procureur, d’Huissier, de Greffier. Le Maître Clerc d’un Notaire, d’un Procureur, est le premier, le principal Clerc. Primarius Scriba. Le Clerc des Requêtes est celui qui a soin d’instruire les Instances des Requêtes du Palais, ou de l’Hôtel. Les petits Clercs sont les Copistes. La Basoche est une Juridiction établir entre les Clercs, pour juger les différens qui surviennent entr’eux.

Ce mot a signifié originairement trois choses ; un homme Ecclésiastique, un homme de Lettres, & celui qui écrit sous autrui, comme prouve Loyseau. Mais sa plus ancienne signification ☞ paroît être dans ce premier sens. Dans les siècles d’ignorance, conne nous l’avons dit, les Clercs seuls avoient quelque teinture des Lettres, savoient lire & écrire, & pouvoient seuls remplir les places où ces connoissances étoient nécessaires. Par abus du terme, on appela dans la suite Clercs, des Laïcs lettrés qui remplissoient les places qui étoient auparavant occupées par des Ecclésiastiques. On nomma aussi Clercs tous ceux qui faisoient profession d’écrire sous l’autorité d’un autre, même ceux qu’on nomme aujourd’hui Secrétaires d’État, étoient appelés Clercs & Notaires.

☞ Il y a des Clercs commis aux audiences de Chancellerie.

Clerc se dit aussi des Commis pour faire les affaires & les courses nécessaires dans les Communautés. Præpositus, Præfestus societatis cujusvis negotiis. On appelle dans les Paroisses le Clerc de l’Œuvre, le Clerc d’une Confrérie, celui qui fait les affaires & le recouvrement des deniers dûs à l’Œuvre & à la Confrérie. Dans les Corps des Marchands & des Artisans, le Clerc' des Orfèvres, le Clerc des Fripiers, celui qui a soin de convoquer les assemblées du Corps, de porter des billets pour trouver les choses perdues, &c. Il y a aussi un Clerc parmi les Sergens.

Clercs. On donne ce nom en Turquie à des Sous-Commis qui sont chargés du recouvrement des deniers de l’État.

Clerc du Guet, en termes de Marine, est celui qui a soin d’assembler le guet sur les ports de Mer & sur les côtes, & qui en fait le rapport à l’Amirauté, suivant le titre VI du Liv. IV de l’Ordonnance de la Marine. Præfectus vigilum.

Clerc se dit aussi en ces phrases. On dit qu’un homme a fait un pas de Clerc ; pour dire, qu’il a fait une fausse démarche, une faute par ignorance ; ce qui ne se dit pas seulement des Clercs, mais aussi de toutes autres personnes qui se méprennent, & qui font des choses dont ils se repentent. On appelle aussi Vice de Clerc, une faute d’écriture qu’on ne peut pas imputer à celui qui a dressé ou fait l’acte, qu’on peut aisément corriger par ce qui précéde, ou qui suit. On dit aussi, compter de Clerc à Maître. (Dans cette phrase le C final se prononce.) Quand un Commis compte seulement de ce qu’il a reçu & déboursé de son mandement, sans être responsable d’autre chose. On dit aussi, parler latin devant les Clercs, parce qu’autrefois on appeloit Grand Clerc, un habile homme, & Mauclerc, un ignorant. On dit encore le premier en style familier, ou badin & comique. Ce n’est pas un grand Clerc que cet homme-là.