Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CIRCULATION

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 603-604).

☞ CIRCULATION, s. f. se dit en général de tout mouvement périodique ou non, qui ne se fait point en ligne droite. Circulatio.

Circulation, terme de Chimie ☞ Opération par laquelle les vapeurs ou liquides que la chaleur a fait monter, sont obligées de retomber perpétuellement sur la masse dont elles ont été dégagées. Circulatio. La circulation se fait au feu de lampe, ou à celui de cendres, ou de sable modérément chaud, ou dans le fumier, ou au soleil. Elle demande le plus souvent une chaleur continuée pendant plusieurs jours, & quelquefois plusieurs semaines, ou même plusieurs mois. Par la circulation, la matière la plus subtile monte au haut du vaisseau, & ne trouvant point d’issue, est contrainte de retomber en bas pour se rejoindre de nouveau à la matière qui se trouve au fond du vaisseau, d’où elle avoit été élevée ; & ainsi en continuant de monter, & de descendre alternativement dans ce vaisseau, elle fait une espèce de circulation, dont l’opération porte le nom ; & par les diverses pénétrations & agitations des parties spiritueuses avec les grossières, les premières deviennent plus tenues & plus en état de produire leur action, lorsqu’elles sont séparées des dernières.

Circulation se dit aussi en Médecine du mouvement que fait le sang, qui plusieurs fois dans un jour est porté du cœur dans toutes les parties du corps par le moyen des artères, & qui retourne de ces mêmes parties au cœur par le moyen des veines. Circulatio sanguinis. Harvey est un Docteur moderne d’Angleterre qui a le premier découvert la circulation du sang en l’année 1628, qui est maintenant reconnue par tous les Médecins. Mais Théodore Janson d’Almeloveen, dans un Traité des inventions nouvelles imprimé en 1684, rapporte plusieurs endroits d’Hippocrate pour justifier qu’il l’a connus ; Valæus, Ep. ad Thom. Bartholin. De chyly & sanquinis motu, & Charleton, Œconom. Animal. Exercit. VI, prétendent qu’Aristote & Platon, comme Hippocrate, l’ont connus aussi. On dit encore que les Médecins Chinois l’enseignoient 400 ans avant qu’on en parlât en Europe. Il en est même qui remontent jusqu’à Salomon, croyant en trouver des vestiges dans le Chap. XIIe de l'Ecclésiaste. Bernardin Genga, dans un Traité d’Anatomie en italien, rapporte des passages de Realdus Colombus, & d’Andreas Césalpinus, par lesquels il prétend montrer qu’ils admettoient la circulation. Il dit encore que c’est Fra-Paolo Sarpi, qui ayant exactement considéré la structure des valvules dans les veines, a inséré, dans ces derniers temps, la circulation de leur construction & de plusieurs autres expériences. Janson cite aussi le passage d’André Césalpinus, qui contient fort clairement la doctrine de la circulation dès l’an 1593. Jean Léonicénus ajoute que Fra-Paolo avoit découvert la circulation du sang, & les valvules des veines ; mais qu’il n’osa pas en parler, de peur de l’Inquisition, & qu’il communiqua seulement son secret à Aquapendente, qui, après sa mort, mit le livre qu’il en avoit composé en la bibliothèque de S. Marc, où il fut long temps caché ; mais que Aquapendente découvrit ce secret à Harvey, qui étudioit sous lui à Padoue, lequel le publia, étant de retour en Angleterre, pays de liberté, & s’en attribua la gloire. Les Jésuites disent que leur P. Fabri a enseigné la circulation avant que Harvey, en eut rien écrit. Voyez Cœur, Sistole & Diastole.

Circulation se dit aussi des esprits. Il parut en 1682 un Livre de la circulation des esprits animaux, circulation qui s’opère de la même manière que celle du sang, parce que le cœur poussant hors de sa capacité 3000 drachmes de sang par heure, quoiqu’il n’y en ait qu’environ 2000 dans tout le corps, c’est une nécessité que ce sang poussé hors du cœur y revienne, pour qu’il y en ait à jeter. Donc il s’ensuit de-là qu’il se forme en une heure une grande quantité d’esprits, qui ne sont que les parties les plus subtiles de ce sang poussé hors du cœur ; d’où l’on conclut qu’il faut donc aussi que ces esprits circulent. 2°. C’est que les nerfs portent la chaleur jusqu’aux extrémités du corps, aussi bien que les artères. 3°. On le prouve par la disposition & la nature des nerfs & des esprits animaux. 4°. Par l’œconomie & les ressorts dont la nature remue les corps. 5°. Par la conduite avec laquelle la nature prépare les alimens, & fait la distribution du chyle. Voici donc la route que cet Auteur fait tenir aux esprits. Les parties du sang artériel les plus subtiles, & les plus agitées ayant été portées du cœur au cerveau par les artères carotides, se jettent avec violence dans les tissus qui couvrent le fond des ventricules du cerveau, d’où elles poussent les vertus les plus déliées dans les filamens des artères choroïdes, dans lesquelles elles continuent la rapidité de leur mouvement, jusqu’à ce que rencontrant les pores, qui terminent ces filamens autour de la glandule pinéale, elles sortent par ces pores comme un vent subtil & impétueux, ou comme les parties de l’eau les plus subtiles d’un éolipile. De là elles entrent dans la glande pinéale, & y forment une source continuelle d’esprits animaux, qui sortant de là après s’y être entiérement épurés, entrent dans les cavités du cerveau comme une vive flamme ; ensuite pénétrant dans les pores de sa substance, ils s’écoulent de-là dans les nerfs, d’où ils sont reçus dans les vaisseaux lymphatiques. Au sortir de ces vases, ils sont portés au cœurs par deux voies. Ceux qui partent des endroits les plus élevés du corps, comme de la tête, pénètrent jusqu’au cœur par les veines souclavières, & quelques autres vaisseaux voisins, ceux qui viennent des parties inférieures étant déchargés dans le réservoir de Pecquet, s’y rendent par le canal thorachique, & enfin par les veines descendantes au cœur. De là ils recommencent encore, & continuent leur route.

Circulation se dit encore du suc des plantes, dont on a fait l’expérience sur quelques-unes qui ont beaucoup de suc, comme sur le tithymale. On y a fait les mêmes observations que celles qu’on a faites sur les veines & les artères par le moyen des ligatures. La circulation de la seve des plantes a été proposée à l’Académie des sciences en 1667 pour la prémière fois par M. Perrault, Médecin, & presque en même temps par M. Mariotte, & par M. Major, Médecin de Hambourg, qui ont écrit sur la même matière.

Malgré tout cela l’Auteur des Réflexions sur l’Agriculture, C. XVIII, T. II, de la Quintinie, p. 548, se déclare contre cette circulation. 1°, parce qu’il ne peut s’imaginer quand commence cette circulation, ni en quel endroit elle commence. 2°, parce qu’il ne voit ni sa nécessité, si son utilité. 3°, parce que supposé qu’il y en eut, il ne sait s’il faut dire qu’il n’y en a qu’une générale dans chaque arbre, ou qu’il y en a autant qu’il y a de branches, &c. Tout cela ne vaut pas les raisons du sentiment contraire. Voyez Seve & Végétation.

On dit figurément, la circulation de l’argent, le mouvement de l’argent qui passe d’une main à l’autre, & qui le fait rouler dans le commerce.