Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CIGALE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 590).
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CIGALE. s. f. Insecte qui vole & fait en été dans la campagne un bruit aigre & importun que l’on prend mal-à-propos pour une sorte de chant. Cicada. Il y a deux espèces de cigale, dont les premières ne chantent point, qui sont les moindres, qui meurent les dernières, & qui ont le corps tout d’une venue, ce sont les femelles. Les secondes sont celles qui chantent, qui viennent les dernières, & qui meurent les premières : ce sont les mâles. Celles-ci ont le corps presque coupé par le milieu. Elles font leurs petits dans les terres qui se reposent, & sont en grande abondance quand la saison est pluvieuse. Elles ne viennent point dans les lieux où il n’y a point d’arbres ; mais elles haïssent pourtant les forêts froides & ombrageuses. D’abord elles naissent comme un petit ver en terre, d’où sont faites les meres cigales, qui sont bonnes à manger avant qu’elles sortent de la coquille dont elles sont environnées. Les Orientaux en vivent. Les cigales seules n’ont point de bouche ; mais au lieu de bouche, elles ont à l’estomac une pointe semblable à une langue, qui leur sert à lécher la rosée. Elles ont l’estomac creux comme un tuyau, qui leur sert à former leur chant. Dioscoride dit que les cigales roties & mangées sont bonnes pour les douleurs de la vessie ; & Galien ajoute que quelques-uns ordonnent trois, ou cinq, ou sept cigales sèches, avec pareil nombre de grains de poivre, contre la colique, & qu’il faut prendre par intervalle & au fort de la maladie. D’autres se servent de leur cendre pour faire uriner, & rompre la pierre.

Les cigales sont des mouches à quatre aîles. Elles sont réellement gastrimythes ou ventriloques. L’instrument qui exécute leur prétendu chant, est une espèce de tambour ou de tymbale qui se trouve sous le ventre. Le chant n’appartient qu’aux mâles, ains que chez les oiseaux. Voyez-en la méchanique, dans l’Hist. de l’Académie des Sciences, 1740, page 8.

Ménage dérive ce mot françois du mot latin cicada. Charleton le dérive de citò, & cado, parce que les cigales tombent & disparoissent bientôt, ou de Κιου (Kiou), αδων (adôn) comme si on disoit l’insecte qui chante, Κιου (Kiou), kit, ou qui fait Κιου (Kiou) en chantant.

Le chant des cigales est fort importun.

La cigale ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue,
Quand la bise fut venue. La Font.

La cigale étoit dédiée à Apollon, comme au Dieu de la voix & du chant. Il ne semble pourtant pas que ce fût pour la beauté de son chant, car on appeloit un mauvais Poëte une cigale ; mais c’étoit parce qu’elle a beaucoup de voix, qu’elle chante continuellement. Voyez sur les cigales Vossius, de Idol. L. IV, c. 67, 85.

Une cigale, avec ce mot de Virgile, Sole sib ardenti, Ec. II, 13, ou avec ce vers de Petrarque,

Infin al’ hora estrema,

Est la devise d’un travail infatigable & d’une persévérance constante.

Cigale de rivière. Cicada fluvialis. Petite mouche qui a six piés, qu’on voit sur l’eau, qui ne diffère de la cigale de terre, que parce qu’elle a la tête plus avancée.

Cigale de mer. Cicada marina. Poisson crustacé, ressemblant à la langouste, mais plus petit. Elle a une queue comme l’écrevisse ; & sa chair a le même goût que l’écrevisse de mer. Elle rougit en cuisant.

☞ On appelle cigale aux Îles Antilles les bouts de tabac que l’on fume sans pipe. Ce sont des rouleaux de tabac de la grosseur du petit doigt, dont on allume un bout pendant qu’on tient l’autre dans la bouche. Les Espagnols le nomment cigarros. Le tabac dont on les fait, se cultive principalement dans l’Île de Cuba.