Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CIEL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 587-588).
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CIEL. s. m. Orbe azuré & diaphane, qui environne la terre ; région éthérée au dessus de l’élémentaire, dans laquelle se meuvent tous les astres. Cœlum. ☞ Dans l’ancienne Astronomie, le mot de ciel signifie un orbe particulier, l’espace que parcourt une planète dans toute l’étendue de son cours. Les Anciens ont admis autant de cieux solides, qu’ils ont observé de mouvemens différens : comme si cette solidité étoit nécessaire pour soûtenir les astres qui y sont attachés. Ainsi ils en ont mis sept pour les sept planètes. Le ciel, de la Lune, de Mercure, de Venus, du Soleil, de Mars, de Jupiter & de Saturne. Le huitième est pour les étoiles fixes, qui est le Firmament. Ptolomée ajouta un neuvième ciel, qu’il appela le premier mobile, ☞ lequel communiquoit le mouvement aux autres. Voy. Ptolomée. Ensuite Alphonse, Roi de Castille, ce Roi plus physicien que dévot, qui disoit qu’il auroit donné de bons avis à Dieu, s’il l’avoit appelé à son conseil, quand il créa le monde ; Alphonse, dis-je, imagina deux autres cieux de cristal, pour expliquer certaines irrégularités qu’il croyoit avoir observées dans le ciel, comme le mouvement de titubation ou de trépidation, c’est-à-dire, l’inclination de l’axe de la terre, &c. On faisoit ces cieux de cristal, afin qu’ils pussent donner passage à la lumière : on ajouta enfin un douzième ciel auquel on donna le nom d’empirée, dont on fit le séjour de Dieu. Quelques Astronomes en ont admis beaucoup d’autres, selon leurs différentes hypothèses. Eudoxes en a admis 23, Calippus 30 ; Regiomontanus 33, Aristote 47 Fracastor 78 ; comme témoigne Vitalis, après Jonston. D’ailleurs, il faut remarquer que les Astronomes ne se mettent pas fort en peine si les cieux qu’ils admettent sont réels ou non. Il leur importe peu que leurs hypothèses soient vraies, ou qu’elles ne le soient pas, pourvu seulement qu’elles servent à rendre raison de tous les mouvemens célestes, & qu’elles s’accordent avec les Phénomènes. Pour les systêmes nouveaux, voyez Descartes, Tycho, &c.

Le ciel a servi de corps à plusieurs devises. On en fit une sur le Cardinal de Richelieu, où le ciel étoit représenté ; ces mots Mens agitat molem, ou Mens sidera volvit, montroient que comme il y a une intelligence qui donne le mouvement au ciel, le génie du Cardinal Richelieu étoit l’ame de tout ce qui se faisoit dans le Royaume.

Ce mot n’est que d’une syllabe en vers, tant au pluriel qu’au singulier.

Ce mot vient du latin cœlum : quelques-uns le dérivent à cœlando, comme qui diroit gravé parce qu’il est marqué de diverses étoiles, ou opus cœlatum variis imaginibus, comme dit saint Ambroise dans son Hexaméron ; mais il vaut mieux le dériver du grec κοῖλως (koilôs), concavus, profundus. Quand nous regardons le ciel, il nous paroît comme une immense concavité, une grande voûte.

☞ On dit poëtiquement, la voûte des cieux ; pour dire, le ciel.

Ciel se prend aussi pour le paradis, le séjour de Dieu & des Bienheureux. On lui a donné le nom d’Empirée à cause de sa splendeur, du mot grec Εμπυρος (Empuros), qui est de feu, enflammé, brillant comme du feu. Dans ce sens nous disons, gagner le ciel ou le royaume des cieux. Quelques-uns un peu trop scrupuleux, ont cru qu’il valoit mieux dire le royaume de Dieu que le Royaume du ciel ou des cieux. L’Ecriture a fait ces mots synonymes. Nous disons à Dieu dans nos prières : Notre pere qui êtes dans les cieux.

☞ Les Anges rebelles furent précipités du ciel. La Vierge est la Reine du ciel.

Enfin je ne vois rien qui soit plus odieux
Que des gens que l’on voit d’une ardeur peu commune,
Par le chemin du ciel courir à leur fortune. Mol.

Ciel se prend aussi pour Dieu même, pour sa providence & pour sa justice. Ce mot est souvent employé dans l’Ecriture, Deus, cœli Deus. Le ciel est offensé, c’est-à-dire, que Dieu est offensé. Pour soûtenir l’honneur de la Religion, souvent nous nous dispensons de ses loix, & liés d’intérêts avec le ciel, nous nous imaginons que les injures que nous recevons sont les siennes. Les Tyrans ne sont que les ministres des vengeances du ciel, qui veut châtier les hommes dans sa colère. S. Evr.

De l’intérêt du ciel pourquoi vous chargez-vous ?
Pour punir le coupable a-t-il besoin de nous ? Mol.

On peut impunément, pour l’intérêt du ciel,
Etre dur, se venger, faire des injustices ;
De la dévotion c’est là l’essentiel. Des Houl.

On sait assez ce que l’on entend ici par le mot de dévotion.

Prends ton glaive & fondant sur ces audacieux,
Viens aux yeux des mortels justifier les Cieux. Boil.

Le ciel a pour nos vœux une bonté cruelle,
Il devroit être sourd aux aveugles souhaits. La Font.

On dit, graces au ciel ; pour dire graces à Dieu. Le ciel m’est témoin ; pour dire, Dieu m’est témoin. Lever les yeux au ciel ; pour dire, implorer le secours divin. Ô terre ! ô ciel ! est aussi une invocation, une admiration. C’est un coup du ciel, un effet extraordinaire de la bonté de Dieu.

On dit figurément, voir les cieux ouverts ; pour dire, avoir une grande joie, se trouver dans un grand bonheur.

On dit, les mariages sont faits au ciel ; pour dire, qu’ils sont résolus par la Providence.

On dit, en termes de l’Ecriture, un ciel d’airain ; pour dire, une grande sécheresse. Et on s’en sert aussi pour dire, un ciel inéxorable, un ciel sourd aux vœux. Acad. Fr.

Ciel, en Mithologie. Le ciel étoit une divinité particulière, que les grecs appeloient Οὔρανως (Ouranôs), Uranus, & les latins, Cœlus. Selon Platon dans son Timée, le Ciel & la Terre enfantèrent l’Océan & Thétys, & par eux tous les autres Dieux. Hésiode dit la même chose, Théog. v. 45, & 106. Le même Poëte v. 126 dit que ce fut la Terre qui mit le Ciel au monde, afin qu’il la couvrît, & qu’il fût la demeure des Dieux. Il fut aussi son mari, & ils eurent ensemble plusieurs enfans, entr’autres l’Océan, Cœus, Crius, Ypérion, Japet, Thoas, Rhéa, Thémis, Mnémosyne ou la Mémoire, Phœbé ou la Lune, Thétys, Saturne, les Cyclopes, Cottus, Briarée & Gygès. Hésiod. Theog. v. 133 & suiv. Les Anciens ont souvent confondu le Ciel, ou Cœlus, avec Saturne son fils, & même avec Jupiter son petit-fils, n’en faisant qu’une même divinité. La plûpart des choses qu’ils disent du Dieu Cœlus, ou du Ciel, sont prises de l’histoire de la création décrite par Moïse au commencement de la Ganèse, ou de la tradition des peuples sur cela, qui dans la suite s’est mêlée de fables.

Varron de ling. Lat. L. IV, dit que les Dieux sont le Ciel & la Terre, & que ce sont les mêmes que Sérapis & Isis en Egypte. Philon de Bérite dit dans Eusèbe que le Ciel étoit fils du Dieu Elion עליון, en hébreu, c’est-à-dire, très-haut ; & qu’il eut quatre fils, Ilus ou Saturne, Bérule, Dagon & Atlas. Voyez, sur ce Dieu, Vossius, de Idol. L. I, c. 33. L. II. C. 36 & 38.

Chez les Athéniens le Ciel & la Terre présidoient aux mariages ; c’est pour cela qu’on leur faisoit un sacrifice avant les nôces.

Selon le P. Kirker, Œd. Æg. T. II, p. I, p. 100. Le Ciel, Cœlus, n’est autre chose que la première cuase. Saturne sont fils est le premier esprit, ou le premier entendement, Prima mens, & Jupiter fils de Saturne, étoit l’ame du monde.

Ciel, en termes d’Astrologie, signifie seulement les influences des astres. Siderum vis, cœli defluvium. Les Astrologues, pour duper le monde, ont tâché de persuader que les cieux sont un livre où Dieu écrit l’histoire du monde, & qu’il n’y a qu’à en savoir lire l’écriture, qui n’est autre chose que l’arrangement des étoiles. Ainsi on dit, il eut en naissant, le ciel favorable, le ciel contraire, selon que les astres bénins ou malins, ont présidé à sa naissance. Les Astrologues appellent aussi le milieu du ciel, la maison qui est la plus haute, où est le Zénith ; & le plus bas du ciel, celle qui est la plus basse.

Ciel, en Chimie, est la partie la plus pure, la plus parfaite, la plus épurée des corps ; c’est la quintessence des minéraux, des végétaux, des animaux.

Ciel se prend aussi pour un climat éloigné, un pays différent de celui où l’on est, & surtout quand a passé la Ligne. Cœlum. Il est allé voyager vers le Midi, habiter sous un autre ciel & sous d’autres astres ; sous un ciel plus doux. J’ai enfin quitté ces climats où la neige couvre la surface de la terre, & me voilà sous un ciel pur & serein. Le Ch. de M. Je viens chercher le repos sous un ciel étranger. S. Evr. On a beau changer de ciel, on ne change point d’esprit. Cœlum non animum mutant qui transmare currunt.

Ciel se prend aussi quelquefois pour l’air. Aer, Cœlum. Le Ciel est serein ; pour dire, il n’y a point de nuée dans l’air. Le feu du Ciel, c’est la foudre qui se forme dans les nuées. La rosée du ciel. L’arc-en-ciel qui paroît dans une nuée pluvieuse. La manne du ciel. Les oiseaux du ciel, qui volent dans l’air.

Sur la mer on dit, que le ciel se hausse ; pour dire, que le ciel s’éclaircit. Gros ciel ; pour dire, qu’il y a de gros nuages en l’air. Obscurum, nubilum. Ciel fin, c’est-à-dire, que le ciel est clair. Clarum, purum, nitidum. Ciel embrumé ; pour dire, que l’horison est couvert de nuages. Obscurum, nubilum.

Ciel se dit aussi du dais sous lequel on porte le S. Sacrement le jour de la Fête-Dieu. Il portoit le ciel à la Procession. Voyez dais.

☞ On le dit aussi du haut d’un lit. Le ciel de ce lit est trop bas. Superius lecti tegmen. dans cette acceptation & les suivantes, on dit ciels au pluriel, & non pas cieux.

Ciel, en termes de peinture, se dit d’un tableau qui représente le ciel pris pour l’air. Ainsi l’on dit faire peindre un ciel au plafon d’un cabinet. Ce Peintre fait bien les ciels. Un ciel doit être léger, vague & fuyant, afin que les objets qui le cachent en partie, paroissent en être détachés. On le dit de même des ciels représentés dans des tapisseries. Il ne faut pas trop de ciel dans une tapisserie.

☞ On le dit aussi des plafonds de l’Opéra, quand le théâtre représente un lieu découvert.

On appelle dans les carrières, le banc de ciel, celui qu’on laisse au dessus de la tête, & sous lequel on tire la pierre. C’est le premier banc qui se trouve au dessous des terres en fouillant les carrières, & qui leur sert de plat-fond dans sa continuité à mesure qu’on les fouille. Lapidicinæ camera.

Dixième ciel. Dans l’histoire des modes. Les femmes donnoient ce nom à un ornement de tête qui faisoit partie de la coëffure qu’elles nommoient commode.

Ciel se dit proverbialement en ces phrases. On dit : si le ciel tomboit, il y auroit bien des alouettes prises, pour se mocquer de ceux qui cherchent des précautions contre des accidens qui n’arriveront jamais. On dit de deux choses bien différentes, qu’elles sont éloignées comme le ciel l’est de la terre. On dit qu’on élève un homme jusqu’au ciel, jusqu’au troisième ciel ; pour dire, qu’on le loue excessivement. Qu’on ne voit ni ciel ni terre, lorsqu’on est aveugle, ou qu’on est dans une grande obscurité. Il a remué ciel & terre ; pour dire, il a fait tous ses efforts, il a employé toutes sortes de moyens pour faire réussir cette affaire. On dit encore, le ciel rouge au soir, & blanc au matin, c’est la journée du Pélerin ; pour dire, que cela présage une belle journée. On dit aussi, que les mariages sont faits au ciel ; pour dire, qu’ils ne se font que par l’ordre de la Providence.