Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHRISTIANISER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 564).

CHRISTIANISER. v. a. Rendre Chrétien. Christianum efficere ; ex Christi lege constituere. Ce ne sont point deux choses qu’on soit en pouvoir de séparer, le Chrétien d’avec le Négotiant, le Chrétien avec l’Ouvrier & l’Artisan, le Chrétien même d’avec l’Officier de guerre, le Chrétien d’avec le Prince & le Monarque ; parce que tout cela & tout autre état, si j’ose m’exprimer de la sorte, doit être christianisé dans nos personnes. Bourdal. Exh. II, p. 411. C’est là un de ces mots nouvellement inventés, novata verba, qui ont de la grace & de l’énergie, quand on les place bien, mais qu’il faut se permettre sobrement. Il me semble que la charité épure, raffine & perfectionne la justice : elle la rend plus complette, & en même temps christianise, si j’ose faire un terme, des actions bonnes par elles-mêmes, mais qui n’ont souvent d’autre principe que l’humanité. Traité du vrai mérite par M. De Claville. Cet Auteur n’est pas le premier qui ait employé ce mot. On le trouve dans le Journal des Savans de 1716. M. Dacier, y est-il dit, n’oublie pas de se justifier sur le reproche que quelques Auteurs lui ont fait d’avoir Christianisé les Payens. Il signifie dans ce passage, attribuer des sentimens Chrétiens. M. Dacier répond à ce reproche dans la Préface de son second tome du manuel d’Epictete. Cotgrave avoit déjà mis christianiser dans son Dictionnaire imprimé à Londres en 1673. On y trouve aussi chrétienné, ée, & chretienner. Ce dernier est dans Nicot, qui a dit Christienner un enfant, le baptiser. Monet a placé le même mot dans son Dictionnaire, où l’on voit se Chretienner, se faire Chrétien. Mais chretienner est aboli entièrement, & christianiser se met en vogue.