Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHINE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 543-544).
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CHINE. Grand Royaume de l’Asie, qui occupe la région la plus orientale de notre continent. Sina, Sinarum regio, China. La Chine, selon le P. Le Comte, dans ses nouveaux Mémoires, T. I, p. 36, s’étend du Sud au Nord depuis le 23e degré jusqu’au 4e. C’est 18 degrés, qui font 450 lieues communes. Son étendue d’Orient en Occident n’est guère moindre. D’ailleurs la Chine est presque ronde, de sorte qu’elle a près de quatorze cens lieues de tour. Ces mesures sont justes, dit ce Pere, & fondées sur des observations exactes. Au reste, on ne comprend point dans ce que nous venons de dire plusieurs Îles de la Chine, qui seules feroient un grand Empire, ni le Leauton, qui est hors de la grande muraille. Pour la Corée, le Tunquin & Siam, ils doivent à la vérité un tribut réglé à l’Empereur, qui outre cela en nomme les Rois, ou les approuve, quand ils prennent possession de la couronne ; mais néanmoins tous ces Etats ont leur gouvernement particulier, & sont très-différens de la Chine. Abulpharage, dans sa première Dynastie, compte les Chinois parmi les six premières nations du monde. Il les appelle Sin, & dit qu’ils habitent le plus Oriental de la terre habitable, & qu’ils s’étendent depuis la ligne équinoctiale, jusqu’au dernier des sept climats vers le Septentrion ; il ajoute qu’ils surpassent toutes les autres nations dans les Arts méchaniques & la Peinture. Telle est l’idée qu’on en avoit en Orient dans le XIIIe siècle qu’Abulpharage écrivoit.

La Chine est si bien cultivée par l’industrie & le travail de ses habitans, qui ont applani toutes les campagnes, converti des montagnes mêmes en plaines, par les terrasses qu’ils t ont faites jusqu’au haut, comme en amphithéâtre, par les canaux qu’ils ont conduit dans toutes les Provinces ; qu’il n’y a presque pas un pouce de terre inutile, & que les campagnes ressemblent à des jardins. D’ailleurs, outre que la Chine produit tous nos fruits d’Europe, à la réserve des amandes, elle e a beaucoup d’autres que nous ne connoissons point en ce pays-ci. Malgré tout cela, la terre suffit à peine à la nourriture de ses habitans, tant elle est peupéle, & les peres & meres exposent tous les jours une infinité d’enfans, après qu’ils sont venus au monde, parce qu’ils ne pourroient les nourrir.

Les Provinces de la Chine sont au Nord, le Pekeli, le Xansi, le Xenzi, Xatung ou Xanton, le Honan & le Suchuen ; & au Sud le Huquang ou Huquam, le Kiangsi, celle de Nankin, le Chekiang, le Fokien, le Quantung, le Quandsi, le Queicheu & Junnan ou Yunnan. Les fleuves de la Chine les plus considérables sont le Hoangs, ou la rivière jaune, le Kiang, ou la rivière bleue, & le Canton, ou le Ta. Les villes de la Chine sont ou villes de guerre, ou villes de police. Chaque espèce de ces villes est distinguée en plusieurs ordres. Il y a plus de mille villes de guerre du premier ordre, & beaucoup plus du second & du troisième. Pour les villes du premier ordre, il y en a plusieurs plus grandes, ou aussi grandes que Pekin. Le P. Le Comte dit qu’il en a vû lui seul plus de sept ou huit. Il y en a plus de quatre-vingt du premier ordre, qui sont comme Lyon & Bourdeaux. Parmi deux cens du second ordre, il y en a plus de cent, comme Orléans ; entre douze cens du troisième, on en trouve plus de six cens aussi considérables que la Rocemme & Angoulême ; sans parler d’un nombre prodigieux de villages, qui surpassent en grandeur & en nombre d’habitans les villages de Marene & S. Jean de Luz.

L’Empereur de la Chine est absolu, & les loix lui donnent une autorité presque sans bornes. Il a deux Conseils, l’un ordinaire, composé des Colaos, qui sont les Ministres d’Etat ; l’autre extraordinaire, composé des Princes du sang. Il y a six Tribunaux souverains à Pekin ; le Lipou, pour ce qui regarde les Officiers de l’Etat, que nous nommons Mandarins, le Houpou, pour les finances ; le Lipou, pour la religion, les anciennes coutumes, les sciences, les arts, les affaires étrangères ; le Pinpou, pour la guerre ; le Himpou, pour les affaires criminelles ; le Compou, pour les ouvrages publics. Les Mandarins sont tous Docteurs. Il y en a 13647 de neuf ordres différens.

Il y a quatre principales religions à la Chine. L’ancienne qui est celle de l’Etat, & qui ne reconnoît qu’un dieu, souverain maître du ciel & de la terre, sans idoles, ni statues. L’Idolâtrie est la seconde. Elle y fut apportée par Fohe, ou Fohi, Philosophe Indien, 32 ans avant la naissance de Jesus-Christ. Il y a aussi un fort grand nombre d’Athées. Enfin, la Religion Chrétienne y a pénétré. S. Xavier dit dans la 3e Epitre du Livre II de ses Lettres, que bien des gens croient que saint Thomas y avoit prêché l’Evangile, qu’avant que les Portugais connussent les Indes, l’Eglise Grecque y envoyoit des Evêques ; & que leur tradition étoit que ce saint Apôtre y avoit converti bien du monde. Le P. Le Comte a rapporté les preuves de cette tradition, T. II, p. 196. Ce qu’il y a de certain, c’est que des Missionnaires Syriens de Mosul & de Bassora, qui suivoient les Caravanes de Samarcand, de Bochara & des autres grandes villes de la Tartarie, prénétrèrent jusques à la Chine vers l’ans 737 de J. C. & y portèrent le Christianisme. Fleury.

Dans ces derniers temps S. Xavier tâcha d’y entrer, & mourut à la porte de ce vaste Empire en 1552. Depuis le P. Roger y entra en 1581, & le P. Ricci ensuite, & après bien des peines & des travaux, ils obtinrent des Magistrats en 1584, la permission de s’y établir. La Religion y a fait de grands progrès, depuis sur tout que l’Empereur qui régnoit en 1715, par un Edit très-honorable & très-favorable à la Religion, a permis qu’on la prêchât & qu’on l’embrassât librement. En 1625, on trouva proche de Signanfou, capitale de la Province de Chensi, un monument qui contient un abrégé de la Doctrine Chrétienne, & qui marque que ces Missionnaires venoient de Judée, que l’un s’appeloit Olopouen, & l’autre I-ho ; qu’Olopouen, après bien des dangers courus sur mer & sur terre arriva à la Chine l’an 636 de J. C. que les Empereurs favorisèrent fort la Religion en dépit des Bonzes qui excitèrent de grandes persécutions : & qu’enfin ce monument fut érigé l’an 782 de J. C. Ce sont les Bonzes qui gardent ce monument dans une Pagode proche de la ville de Signanfou. Le P. Kirker rapporte & explique ce monument dans son China Illustrata. Toph. Spizelii de Re Litteraria Sinensium Commentarius.

Porcelaine de la Chine, encre de la Chine, vernis de la Chine. Voyez ces mots en leur place. Un cabinet de la Chine, du papier de la Chine. L’Empereur de la Chine. L’Empire de la Chine. Les Missionnaires & les François qui sont à la Chine, disent, aller en Chine, demeurer en Chine : mais en France nous disons, aller à la Chine, être à la Chine.

Nous avons sur la Chine, le China Illustrata du P. Kirker, l’Atlas Sinicus de Martinius, qui fait le VIe Tome du Grand Atlas de Blaeu, Spizelius De Re Litteraria Sinensium, le P. Nic. Trigault Jesuite. Regni Chinensis Descriptio, la Relation de Semedo ; le Sina & Europa de Preyelius ; & une Relation de la Chine par un Moscovite nommé Nikiposa, les Mémoires du P. Le Comte ; la nouvelle Description de la Chine par le P. Duhalde, &c.

Le nom Chine n’est point en usage à la Chine, & ce n’est point celui que les Chinois donnent à leur patrie. Ils l’appellent Chungoa ; c’est-à-dire, Royaume du milieu, & Chunque, Jardin du milieu ; parce qu’ils disent que la Chine est au milieu du monde. Les Tartares appellent la Chine Mangin, nom qui signifie Barbare. Ils lui donnent aussi le nom de Han ou Catay ; d’autres disent que le Catay ne renferme que les Provinces du Nord, & le Mangin celles du Midi. A Siam & à la Cochinchine, &c. la Chine est appelée Cin, du nom de la famille Impériale Cin, qui régnoit vers le temps de Crésus, 550 ans environ avant J. C. C’est de-là que s’est fait le nom de Chine, & celui de Sina en latin, parce que, selon la conjecture de quelques Savans, la Chine commença alors à être connue.

CHINE. s. f. Idole des Chinois. Idolum Sinicum. Les Chines ou Idoles des Chinois, sont faites en forme de pyramides ouvragées. Moréri, Edit. de 1712. Les naturels du pays craignent fort ces Chines. Id. Je ne sais si ce mot se trouve ailleurs, jusqu’ici je ne l’ai vpu dans aucun autre Auteur françois.

CHINE. s. f. Voyez Squine. Chine n’est pas françois. Il y a une fausse racine de Chine qui croît dans les Antilles. P. du T. T. I, p. 96.