Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHEMINÉE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 502-503).
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CHEMINÉE. s. f. Lieu où l’on fait le feu dans les maisons. Camini spiraculum. La cheminée a plusieurs parties. L’âtre est précisément le lieu où on fait le feu, qui est garni de carreaux de brique, ou de pavés. Caminus, focus. Le contre-cœur de la cheminée est une plaque de fer de fonte pour conserver la muraille qui est auprès de l’âtre. Camini lamina ferrea arrectaria. Les piés droits de la cheminée qui soutiennent le manteau. Parastatæ. L’enchevêtrure de la cheminée. Funda. Le manteau de la cheminée, est la partie du tuyau qui est dans la chmbre, & qui a souvent divers ornemens d’architecture & de menuiserie, & sur-tout des corniches sur lesquelles on met des vases, des bustes & autres ornemens. Adversa spiraculi quod supra forum est lorica, ou, adversa camini lorica. La partie de dedans d’appelle la hotte de la cheminée. Camini fauces. Le tuyau de la cheminée est le canal de pierre, de brique ou de plâtre, par où s’élève la fulée, qui est divisée souvent en plusieurs languettes ou petits tuyaux. Canalis, spiraculum. On dit, qu’une cheminée fume, lorsque la fumée entre dans la chambre, au lieu de s’écouler par le tuyau, ou languette.

☞ Ce mot se dit quelquefois de la partie seulement de la cheminée qui avance dans la chambre. Cheminée de plâtre, de marbre : quelquefois aussi de la partie du tuyau qui s’élève au-dessus du toît. Un grand vent abat les cheminées.

Octavius Ferrarius prouve que les cheminées ont été en usage chez les Anciens, contre l’opinion de plusieurs. Il rapporte sur cela l’autorité de Virgile.

Et jam summa procul villarum culmina fumant.

Celle d’Appien Alexandrin, qui, racontant de quelle manière se cachoient ceux qui étoient proscrits par les Triumvirs, dit, L. IV des Guerres Civiles, que les uns descendoient dans des puits, ou des cloaques ; les autres se cachoient dans les toîts & dans les cheminées, & il croit que le mot grec καπνώδεις ὑπωρόφιας, fumaria sub tecto posita, ne peut s’expliquer autrement. Aristophane, dans une de ses Comédies, introduit le vieillard Polycléon enfermé dans une chambre, d’où il tâche de se sauver par la cheminée. Cependant le peu d’exemples qui nous en reste des Anciens, & l’obscurité des préceptes de Vitruve sur ce sujet, font juger que l’usage des étuves, dont ils avoient des appartemens entiers échauffés par des poëles, leur faisoit négliger cette partie du bâtiment, que le froid de notre climat nous a contraint de rendre un des principaux ornemens de nos habitations.

Il est certain que les Anciens avoient des cheminées dans leurs cuisines ; mais, selon quelques savans, ils échauffoient leurs chambres ou par des poëles, ou avec une espèce de charbon de terre qui brûloit sans faire de fumée, & que Suétone nous apprend que la chambre de Vitellius fut brûlée, parce que le feu prit à la cheminée. Nec antè in Prætorium rediit, quàm flagrante triclinio ex conceptu camini. Horace écrit à son ami de faire bon feu dans la cheminée.

Dissolve frigus, ligna super foco
Largè reponens.

Cicéron demande la même chose à son ami Atticus : Camino luculento, dit-il, tibi utendum censo. Cette question n’est pas décidée. Ce qu’il y a de constant, c’est qu’ils avoient des fourneaux pour échauffer leurs chambres & les autres appartemens de leurs maisons ; on les appeloit fornaces, vaporaria ; ils avoient aussi des poëles appelés hypocausta. Ces fourneaux, selon Philander, étoient sous terre : on les plaçoit dans le gros mur, d’où, par différens tuyaux qui traversoient chaque étage, ils échauffoient toute la maison. Dict. de Peinture & d’Architecture.

Il parut en 1713, à Paris, un livre intitulé La Méchanique du feu, ou l’Art d’en augmenter les effets, & d’en diminuer la dépense, dans lequel on examine quelle est la disposition des cheminées la plus propre à augmenter la chaleur ; & on démontre géométriquement que la disposition des jambages parallèles, & la hotte inclinée des cheminées ordinaires’, ne sont par propres pour réfléchir la chaleur dans les chambres ; que les jambages en lignes paraboliques, & la situation horizontale du dessous de la tablette, sont les plus propres à répandre la chaleur. Il enseigne sept différentes constructions de ses nouvelles cheminées, & les manières de les exécuter. L’Auteur est M. Gauger. On prétend qu’il n’est pas le premier inventeur de la cheminée qu’il décrit ; & qu’on trouve la description d’une cheminée semblable dans un Livre allemand imprimé à Leipsick en 1699. Journ. des Sav. 1714, p. 544.

Cheminée isolée, est une cheminée au milieu d’un chauffoir. Caminus insularius. Elle consiste en une hotte soutenue en l’air par des soupentes de fer, ou portée par quatre colonnes. On nomme aussi cheminée isolée, celle qui étant adossée contre une cloison, laisse un espace entre le contre-cœur & les poteaux, de peur du feu. Cheminée adossée, est une cheminée posée contre un mur. Parieti incumbens, applicatus. Cheminée angulaire, est une cheminée dont le plan est circulaire, & qui est située dans l’angle d’une chambre. Angulo applicatus. Cheminée en saillie, est une cheminée dont le contre-cœur affleure le nu du mur, & dont le manteau est en dehors. Prominens, eminens. Cheminée à l’angloise, est une cheminée à trois pans par son plan, & fermée en anse de panier. Cheminée affleurée, ou à la romaine, est celle dont l’âtre & le tuyau sont pris dans l’épaisseur du mir, & dont le manteau est en saillie. Cheminée en hotte, est celle dont le manteau est fort large par le bas, & s’élève en figure pyramidale, & est soutenu par des corbeaux de pierre. Il y avoit une cheminée en hotte dans la Grand’-Chambre du Parlement de Paris.

Les Organistes appellent tuyaux à cheminée, des tuyaux bouchés, au haut desquels on applique un petit cylindre en forme de cheminée, dont la circonférence est la quatrième partie du tuyau qui est au dessous.

On dit figurément & bassement de ceux qui ont une inflammation de gorge, pour avoir mangé des choses salées, ou de trop haut goût, qu’ils ont mis le feu à la cheminée.

On dit aussi, qu’un arrêt est donné sous la cheminée ; pour dire, qu’il a été rendu en cachette, & sans observer les formes. On le dit de même de tout ce qui est fait en cachette & contre les formalités requises.

On dit qu’un homme est noir comme la cheminée, comme un ramoneur de cheminée, pour exagérer, & dire qu’il a le visage brun. On dit aussi, qu’il faut faire une croix à la cheminée ; pour dire, qu’on est surpris de la visite d’une personne, qui avoit négligé long-temps de venir dans en une maison.

Ce mot, cheminée, s’est formé de caminata, qui se trouve souvent dans la basse latinité, non pas pour une chambre où il y a une cheminée, une chambre à feu. Caminata vient de caminus, qui vient du grec κάμινος, & signifie l’un & l’autre une cheminée ; & κάμινος vient de καίω, je brûle.