Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAUVE-SOURIS

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 493-494).
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CHAUVE-SOURIS. s. f. Petit oiseau nocturne, dont les aîles, au lieu de plumes, sont de peau & de cartilage. Il ressemble à une souris. Il n’a ni bec, ni plume. Vespertilio. La chauve-souris se sert des deux piés de devant pour voler ; c’est-à-dire, pour étendre ses aîles, qui y sont attachées. Elle ne s’apprivoise jamais. Elle vit de mouches & de choses grasses, comme de chandelles, de graisse & de chair. Elle a été ainsi appelée du mot chauve, à cause qu’elle n’a ni poil, ni plumes ; & pour cela on l’a appelée en plusieurs endroits, rat pennal. La chauve-souris n’a ni plume ni pattes ; elle a seulement deux petites griffes attachées au bas de ses aîles, lesquelles sont composées d’une pellicule ou membrane fort déliée. Elle a la tête comme une souris, & du poil de même. Il y a les deux sexes. Elles portent leurs petits ainsi que les bêtes à quatre piés, & les nourrissent à la mammelle. Les chauve-souris ne paroissent que la nuit, encore n’est-ce que quand il fait beau, & que le temps est chaud. Elles ne vivent que de mouches & d’autres insectes. On dit que son sang est bon pour la guérison des blessures. Elles ont beaucoup de diversité dans leurs figures. Les unes ont la tête de souris, les autres d’un chien. Les unes sont sans queue, ou n’ont du moins qu’une petite membrane entortillée de part & d’autre, comme l’ont presque toutes celles de l’Europe. Celles d’Afrique & d’Egypte ont une queue longue, & semblable à celles des souris, qui s’étend par delà leur membrane. Il s’en trouve qui ont quatre oreilles ; d’autres, en plus grand nombre, deux seulement. Quelques-unes sont noires, les autres fauves, les autres blanchâtres, d’autres cendrées. Quelques-unes ont vingt-quatre dents, douze à chaque mâchoire. Bellon rapport qu’il y en a qui en ont trente quatre ; savoir, dix-huit à la mâchoire d’en-bas, & seize à celle d’en haut.

Les chauve-souris ne bâtissent point de nid ; elles font leurs petits dans toutes sortes de fentes & de trous indifféremment, plus communement dans les ouvertures qu’elles rencontrent aux toits & aux couvertures des maisons. Elles allaitent leurs petits suspendus à leurs mammelles, ou attachés contre les murs, dont ils ne se séparent jamais quand ils y sont une fois attachés. Un jour ou deux après que la mere a mis bas ses petits, lorsqu’elle est contrainte d’aller chercher sa nourriture, elle les détache de ses mammelles, & les susprend ainsi à la muraille.

Bellon rapporte qu’en Île de Corse il y a une carrière qui en est toute remplie, & qu’il y en a quelques-unes qui ont deux dents en haut & deux en bas, qui sont longues comme les canines ; ce qui ne se rencontre point aux rats, ni aux souris.

Les aîles des chauve-souris, qui, comme on l’a dit, ne sont que des membranes, n’ont point de sang. Elles commencent depuis l’épaule, leur prenant tout le long des aîles, & environnant leurs jambes, qui ont quatre articulations dont elles se servent au lieu de piés, tant de celles de devant que de celles de derrière. Elles ont cinq doigts à chaque pié, assez bien munis d’ongles crochus : & une paume ouverte aux piés de derrière, qui ressemble à une main. Il y a à Madagascar, au Brésil & aux Maldives, des chauve-souris grosses comme des corbeaux, qui ont la tête comme celle d’un renard. Elles se pendent aux arbres pour se reposer par de petites agraffes qui sont aux nœuds de leurs aîles. Elles sucent le sang des hommes la nuit, s’attachant au premier membre qu’elles trouvent découvert. Hist. des Ind. Les chauve-souris des Îles de l’Amérique sont plus grosses que celles de France. Celles du Brésil impriment une petite morsure à l’oreille dont on a bien de la peine à étancher le sang. P. Du Tert. A la côte de Darien aux Indes occidentales, il y a des chauve-souris dont la piquure est venimeuse, & quelquefois mortelle. Elles ont cela de remarquable, que quand elles ont piqué un homme, les jours suivans elles le choisiront entre cent personnes pour le piquer encore dans le même endroit. Herrera. On les honore fort chez les Caraïbes. Ils les tiennent pour les bons Anges qui gardent leurs maisons pendant la nuit, & appellent sacriléges ceux qui les tuent. Il y en a d’autres à la Chine qui sont aussi grosses que des poules, & dont les Chinois mangent la chair, qu’ils ne trouvent pas moins délicate. Voyage de la Chine. Le P. Soucier, dans ses Observ. publiées en 1729, dit qu’il y a à Poulo-Condor de pareilles chauve-souris.

☞ Il paroît que la chauve-souris, que la plûpart des Auteurs prennent pour un oiseau, est un véritable animal quadrupède. Elle est vivipare, elle n’a ni bec ni plumes. Elle vole à la vérité par le moyen d’une membrane ; mais l’écureuil volant, vole aussi, & n’en est pas moins un animal quadrupède. Si la chauve-souris est imparfaitement quadrupède, elle est encore bien plus imparfaitement oiseau.