Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAUSSER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 492).

CHAUSSER. v. act. ☞ Ce verbe a différentes acceptions dans notres langue. Il signifie, mettre des bas, des souliers, des bottes, &c. Calceare, tibialia inducere.

☞ On le dit du Cordonnier qui fournit la chaussure. Quel est le Cordonnier qui vous chausse ? Pour dire, qui fait des souliers pour vous ? Calceos sacere, vendrere.

☞ On l’applique à l’ouvrage même. Ce bas, ce soulier vous chausse bien, c’est-à-dire, qu’il va bien sur la jambe, sur le pié. Congruere.

On disoit autrefois d’un certain homme à Paris, qu’il se chaussoit comme les autres se coiffent, & qu’il se coiffoit comme les autres se chaussent, parce qu’il portoit des souliers de castor, & des calottes de maroquin. Marv.

Chausser se dit non-seulement des souliers qu’on met à ses piés, mais aussi du pié que l’on met dans les souliers, ou que l’on couvre d’une chausse ou d’un bas. Inducere pedi calceum, ou tibiale. Chausser les deux piés l’un après l’autre. Chausser le pié droit, chausser le pié gauche. Pour l’autre pié qui se sentoit de sa blessure, & qui s’enfloit toutes les nuits, il jugea à propos de le chausser. Bouh.

Chausser est aussi v. n. & dans cette acception il n’a d’usage, au propre, que dans ces phrases : Chausser à six point, à sept points : chausser à tant de points, pour dire, porter des souliers d’une telle ou telle longueur. Acad. Fr.

Chausser les éperons, se dit d’une cérémonie qui se fait en recevant un Chevalier, quand le Roi ou le Grand-Maître de l’Ordre lui ceint lui-même l’épée au côté, & lui met aux piés les éperons. Astringere calcaria, adnectere.

On dit figurément, chausser les éperons aux ennemis ; pour dire, les poursuivre vivement après qu’on les a défaits les obliger à se servir de leurs éperons. Persequi viriliter, acriter, celeriter.

Chausser des arbres, terme de Jardinage ; c’est mettre aux piés des arbres de la terre nouvelle, du terreau, du fumier, pour les faire porter davantage. Arborem stercorare.

En termes de Fauconnerie, chausser la grande serre de l’oiseau, c’est entraver l’ongle du gros doigt, d’un petit morceau de peau. Unguem accipitris maximul induere.

Chausser les voix à leur point, terme de Musique. C’est proportionner l’étendue des chants, tant dans le haut que dans le bas, à l’étendue des voix qui les doivent chanter.

On dit figurément chausser le cothurne, ☞ d’un Auteur qui se met à composer des Tragédies. On le dit aussi de l’Acteur qui les représente. Coturnum induere.

☞ On le dit encore d’un Auteur qui enfle son style.

On dit encore figurément & bassement, que deux hommes chaussent à même point, pour dire que ce qui convient à l’un est propre à l’autre ; qu’ils sont de même humeur, de même génie. On dit aussi, chaussez vos lunette, pour dire, regardez la chose plus exactement, de plus près. Se chausser une opinion dans la tête, s’entêter d’une opinion : on le dit toujours en mauvaise part. Cet homme n’est pas aisé à chausser, pour dire, n’est pas aisé à persuader, à gouverner. Quand il a son bonnet chaussé, sa tête chaussée, pour dire, quand il est aheurté à une opinion, il y est ferme.

Chaussé, ée, part.

On dit au Manège, qu’un cheval est chaussé trop haut, quand ses balsanes & marques blanches montent trop haut sur ses jambes.

Chaussé, en termes de Blason, est le contraire de chapé, & se dit lorsqu’une espèce de chevron plein & massif est renversé, & touche de sa pointe celle de l’écu ; en sorte que le champ de l’écu lui sert comme de chausse ou de vêtement qui l’entoure de bas en haut. Insertus, immissus ; au lieu que, quand il est droit, il lui sert de chape ou de manteau. L’un & l’autre se forment sur un triangle sur le champ de l’écu. De gueules, à trois pals d’argent, chausse d’or.

Chaussé ou Chauchié signifioit autrefois, chemin ferré. Via ferrata, d’où est venu de le mot de chaussée, selon Borel.

On dit proverbialement & figurément : les Cordonniers sont les plus mal chaussés, pour donner à entendre que ceux qui en savent plus que les autres, & qui par conséquent devroient mieux faire, font le plus souvent beaucoup plus mal.

On dit d’une jolie femme, qu’elle est toute des mieux chaussées, ☞ & d’un jeune homme qui ne s’adresse, dans ses galanteries, qu’à des personnes jolies & de qualité, qu’il ne s’adresse qu’aux mieux chaussées.

On dit d’un homme qui se sauve à la hâte, qu’il est sorti un pié chaussé & l’autre nu. On dit aussi, le Diable l’a emporté tout chaussé & tout vêtu. On dit aussi, dès que les chats sont chaussés, pour dire, de bon matin : tout cela est bas & populaire.