Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHASSE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 473-475).
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CHASSE. s. f. Ce mot a la pénultième brève. Action de chasser, de poursuivre ; course pour attraper quelqu’un. Cet escadron étoit plus fort que celui des ennemis, il lui a donné la chasse. Hostes fugare, hostes in fugam consicere, vertere, dejicere. Ce Prévôt donne bien la chasse aux voleurs.

Chasse, en terme de Marine, se dit en général de la suite. Donner la chasse, c’est obliger les vaisseaux ennemis à s’enfuir. Prendre chasse, c’est s’enfuir soi-même. Fugere, fugam capere. Soutenir chasse, c’est se battre en retraite. Cedendo pugnare. On appelle pièce de chasse ou chasse de proue, les canons qui sont logés sur l’avant du vaisseau, pour tirer sur les vaisseaux qui prennent chasse, & à qui on donne la chasse.

Chasse, se dit particulièrement de la poursuite qu’on fait du gibier gros & menu, à poil ou à plume. Venatus, venatio. La chasse est le plus ancien moyen d’acquérir, & le premier art que la nature ait enseigné aux hommes pour se nourrir. Delaunay. Les chasses sur terre sont de plusieurs sortes. La chasse royale est, aux chiens courans avec meute & équipages, où l’on force le gibier, tant les cerfs, daims, chevreuils & sangliers, que des lièvres & renards : & on appelle cela chasser à bruit. Venatio clamosa. Il n’y a que les François, Anglois & Polonois qui usent de cette chasse. La chasse des Gentilshommes se fait avec des lévriers, avec des chiens courans, pour prendre & forcer des lièvres. La chasse aux filets est défendue par l’Ordonnance d’Henri IV, du mois de Juin 1601, & de Louis le Grand, du mois d’Août 1699.

Un Poëte dit dans une Ode dégante sur la chasse.

Ces jeux, amis de la jeunesse,
Du vice écartent les assauts ;
Ils nourrissent la hardiesse,
Ils ont fait les premiers Héros.
Sous les yeux d’un Centaure habile,
De sa valeur le jeune Achille
Fit éclater les premiers traits.
Il prenait les cerfs à la course,
Il domptait la lionne & l’ourse,
Avant qu’il secourût les Grecs. De S. Gilles.

☞ D’un autre côté, la chasse endurcit le cœur aussi bien que le corps. Elle accoutume au sang & à la cruauté. On a fait Diane ennemie de l’amour, & l’allégorie est juste. Les langueurs de l’amour ne naissent que dans un doux repos. Un violent exercice étouffe les sentimens tendres.

Il y a un Traité du droit de la chasse par F. De Launay, Professeur du Droit françois. Sur les paroles de Dieu à Adam, Gen. I, 26 & 28, & à Noé, Gen. XI, 2, 3, on a considéré la chasse comme un droit acquis à l’homme. On a eu la même pensée dans les siècles suivans ; aussi les peuples les plus civilisés, comme les Perses, les Grecs & les Romains, ont fait de la chasse un de leurs plus honnêtes divertissemens ; & elle a fourni aux plus sauvages ce qui étoit nécessaire à leur entretien & à leur nourriture. La Jurisprudence Romaine, formée sur les mœurs des premiers peuples, en a fait une loi, & établit pour maxime, que de droit naturel les choses qui n’ont point de maîtres, appartenant au premier occupant, les bêtes sauvages, les oiseaux & les poissons, sont à celui qui les prend le premier. Dans le Droit François, la chasse est un droit royal, & personne n’en peut jouir que par la permission du Roi. De Launay prétend même, dans son Traité du droit de la chasse, que c’est un droit divin, fondé sur ce que Daniel dit à Nabuchodonosor, c. II, v. 38, que Dieu a mis entre ses mains les animaux de la terre, les oiseaux du ciel, & les poissons de la mer, & l’a établi Seigneur de toutes choses. Il est assez difficile de décider de l’antiquité de ce droit. On rapporte sur cela des Ordonnances du Roi Jean, de Charles Duc de Normandie & Dauphin de Viennois, de Charles le Bel, un décret du Concile de Tours de l’an 813, la Constitution de Frédéric I, appelé à l’Empire l’an 1152. Mais tout cela, selon De Launay, ne prouve rien moins que ce que l’on prétend. Il n’est pas non plus de l’opinion de ceux qui regardent Charles VI, comme le premier Législateur de cette défense. Il prétend que dès nos premiers Rois, le fait de la chasse étoit au nombre des crimes capitaux, & le prouve par Grégoire de Tours, qui rapporte que Gontran fit lapider Chondo ou Chandou, pour avoir tué un bufle dans sa forêt.

Ce mot vient, en ce sens, de chacea, chasea, ou chacia, ou cassa, qu’on a dit dans la basse latinité au lieu de venatio. On dit aussi caciare & chaciare ; pour dire, chasser. Du Cange. On a dit aussi fuga & fugare ; pour dire, chasser.

La chasse du sanglier se fait à force, aux accours, aux chiens courans, lévriers, & avec des limiers & abboyeurs, en routillant avec des amorces, des arquebuses & des toiles. Le vautrait est un équipage entretenu pour courre le sanglier.

La chasse au loup se fait par le trictrac ou battues, quand on assemble plusieurs Paysans qui font du bruit pour effaroucher le gibier, & le faire passer devant des Arquebusiers qui le tirent. On la fait aussi avec des pièges & des amorces.

Les chasses meurtrières, sont les chasses qu’on fait en Allemagne & en Italie, où l’on abat grande quantité de gibier, qu’on ne force point à la course, mais qu’on enferme dans des toiles ou filets, & qu’on tue avec des épieux ou des arquebuses.

La chasse aux lapins le fait avec des bassets & des furets, qui les font sortir de leurs terriers, où l’on tend quelquefois des bourses, panneaux & alliers. On chasse aussi de même les bêtes puantes, les renards, chats-harets, fouines, putois, bléreaux, & les porc-épics.

La chasse qui se fait de nuit au feu s’appelle fouée, ou à la foie, quand la nuit en hiver on va avec un feu de paille battre les haies, tandis que de l’autre côté il y a des hommes qui avec des ravaux abattent tout le gibier qui le lève. On appelle aussi la chasse du rabat, celle où l’on va la nuit avec des filets pour rabattre sur le gibier, qu’on pousse dedans par le moyen des chiens secret.

On fait aussi des chasses aux chiens couchans, braques, épagneuls, bassets & barbets, ou avec des traîneaux, alliers, panneaux, rets saillans, bricoles, tentes, éraingues, colets, piéges, amorces, broyons, &c. On en fait aussi à l’affût, qui sont en usage chez les roturiers, qui y vont clandestinement ; elles sont défendues par l’Ordonnance.

On appelle équipage de chasse, des chiens, des chevaux, des Piqueurs, & tout ce qui sert à la chasse. Venatoria suppellex. L’Ordonnance des Chasses veut que l’on condamne au fouet tous tendeurs de lacs, tirasses, tonnelles, traîneaux, bricoles, pans de rets, colliers ou alliers, &c. On fait des chasses générales au loups, aux renards & autres bêtes nuisibles. On dit aussi, en termes de chasse, des bottes de chasse, de demi-chasse, c’est-à-dire, de grosses bottes.

La Chasse & l’Agriculture sont appelés des exercices serviles chez Salluste. Le Concile de Tours défend aux Ecclésiastiques d’aller à la chasse, aussi-bien qu’au Bal & à la Comédie. Fouillons, Salnove, Selincourt, ont écrit de la chasse, ou vénerie. On donne à Pollux la gloire d’être le premier qui a dressé des chiens à la chasse ; & à Castor, d’être le premier qui a dressé des chevaux pour courre le cerf.

Chasse, se dit aussi de la troupe des Chasseurs. Venatores. La chasse est à une lieue d’ici. Ce cerf a mené la chasse bien loin.

Chasse, se dit aussi du gibier qu’on a pris ou tué. Præda venatica. Il lui a envoyé un présent de sa chasse. Voulez-vous venir manger de ma chasse ?

Chasse, signifie aussi, le lieu où est le gibier, où l’on chasse. Regio, tractus, solum prædæ venaticæ ferax. Cette terre est dans un beau pays de chasse. Un Capitaine des Chasses a une certaine étendue de pays dans sa Capitainerie.

Chasse, (Garde de) est un Garde qui court les plaines & les bois pour conserver le gibier qui est dans le pays. Silvarum custos & agrorum.

On appelle huitres de chasse, les huitres qui viennent sur des chevaux de chasse-marée en plus grande diligence que celles qui viennent par batteau, & qui sont par conséquent plus fraîches. Ostrea celeriter terrestri itinere vecta.

En termes de Chimie, on appelle feu de chasse, un feu violent, quand on a ouvert tous les régistres d’un fourneau. Ignis ardentior.

Chasse, terme de Méchanique, se dit en général d’un espace libre qu’il faut accorder à la machine entière, ou à quelqu’une de ses parties, pour en augmenter ou faciliter l’action. Par exemple, une scie pour scier du marbre ou de la pierre, doit avoir depuis un pié jusqu’à 18 pouces de chasse ; c’est-à-dire, plus de longueur au-delà du bloc qui est à scier.

On dit d’une chaise de poste, d’un carosse, & de plusieurs autres machines, qu’elles ont plus ou moins de chasse, pour dire, qu’elles ont plus ou moins de disposition à se porter en avant. Acad. Fr.

Chasse, en termes de Musique, se dit de certains airs, de certaines fanfares de cors & d’instrumens qui réveillent l’idée des tons, que ces instrumens donnent à la chasse.

Chasse, est aussi une espèce de niveau dont se servent les Maçons, qui consiste en une planche percée par le bas, pour recevoir un plomb au bout d’une corde attachée en haut, qui est conduit par une ligne tracée dans le milieu. Libella.

Chasse carrée, Chasse ronde, & demi-ronde, sont des outils d’Artisans, & sur-tout de ceux qui travaillent en fer, qui servent à percer & à enlever les pièces en carré, rond ou demi-rond. Ce sont des marteaux ou poinçons de fer fort acérés.

Chasse. Terme d’Artificier. On appelle ainsi toute charge de poudre grénée, ou grossièrement écrasée, qu’on met au fond d’un cartouche, pour chasser & faire partir les artifices dont il est rempli, en leur communiquant le feu en même temps.

Chasse-volante. Terme en usage en bien des endroits, où l’on appelle chasse-volante, la poursuite prétendue que les démons font des ames après leur mort, ou plutôt après leur séparation du corps qu’elles animoient. La chasse-volante est un conte de vieille. Le peuple, & sur-tout les paysans, croient en quelques endroits que les démons poursuivent les ames après la mort, & qu’ils aboient après elles, comme des chiens qui courent un bête. C’est ce qu’ils nomment chasse-volante.

Chasse. Les Raffineurs de sucre se servent d’une chasse pour cercler leurs formes neuves, ou pour capper leurs formes cassées ; elle n’est guère différente du chassoir des Tonneliers.

Chasse, en termes de Joueurs de Paume, ☞ est le lieu où la balle finit son premier bond au-delà duquel il faut que l’autre Joueur pousse la balle pour gagner le coup : ce qui se fait tant à la longue qu’à la courte paume. Il y a des Marqueurs pour marquer les chasses. Chasse au pié de la muraille, ou simplement chasse au pié. Gagner une chasse.

On dit proverbialement, marquez cette chasse ; pour dire, souvenez vous bien de ce que vous venez de faire, vous vous en repartirez en temps & lieu. On appelle chasse-morte, un coup perdu, une action qui n’a aucune suite, dont on ne se ressentira point. Irritus conatus.