Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHARGÉ

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 458-459).
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CHARGÉ, ÉE. part. Il a les significations de son verbe. On dit au figuré, un homme chargé de famille, d’enfans, de dettes, de crimes. Un Héros chargé de gloire. Ces deux premiers Ministres chargés des intérêts & du destin des deux nations, faisoient valoir leur habileté à disputer les droits des couronnes. Flech.

On appelle une couleur chargée, lorsqu’elle est forte, & tire vers le plus obscur de la même nuance. Color adstrictus, nubilus & prestus, austerus, satur. On dit aussi, une écriture trop chargée, quand il y a trop d’encre. Une feuille d’impression trop chargée, lorsqu’elle est trop pleine & trop grande.

☞ On dit populairement d’un homme fort gras, qu’il est chargé de cuisine ; de celui qui a de grosses mâchoires, qu’il est chargé de ganache : ce qui se dit figurément d’un homme épais de corps avec un esprit matériel. Chargé d’années, quand il est fort vieux. Gravis ætate, annis. En termes de Maréchallerie & de Manège. Un cheval chargé d’encolure, chargé de tête, c’est-à-dire, qu’il y a quelque chose de trop dans les parties du cheval que l’on nomme la tête, l’encolure, qu’elles sont trop grosses, trop épaisses.

Chargé, en termes de Blason, se dit quand sur le chef, sa croix, le pal, & sur toutes les autres pièces honorables de l’écu, il y a quelqu’autre figure, & quand sur cette dernière on y en a mis quelqu’autre, on dit surchargé. Onustus. Il porte d’or à la croix de gueule chargée de cinq coquilles d’argent.

Chargé, ée, se dit aussi en Peinture de ce qui est trop marqué, exagéré. Exaggeratus. Annibal Carache se plaisoit à faire des portraits chargés, & y réussissoit fort bien. Pour qu’une chose soit chargée il n’est pas nécessaire que le Peintre ait eu intention de la rendre ridicule, il suffit qu’elle soit outrée. Tout ce qui est chargé est hors du vrai… cependant il y a des contours chargés qui plaisent, parce qu’ils sont éloignés de la bassesse du naturel ordinaire. De Piles. On ne peut s’empêcher de louer dans quelques grands ouvrages les choses chargées, quand une raisonnable distance d’où on les voit les adoucit à nos yeux. Idem. Les Peintres appellent un portrait chargé, lorsqu’on représente un visage avec des traits marqués avec excès, & de telle manière qu’avec trois ou quatre coups de crayon ou autrement on connoît une personne, quoique ce ne soit pas un véritable portrait, mais plutôt des défauts marqués. Félibien.

On dit que le temps est chargé, quand il est couvert de nuages & disposé à la pluie.

On dit qu’un homme a les yeux chargés, pour dire qu’ils sont enflés, remplis d’humeurs.

On appelle des dez chargés, de faux dez, des dez pipés, dont se servent ceux qui veulent tromper aux jeu.

Ce sont des dez, dans les trous desquels ils mettent du plomb d’un côté, afin de les faire tomber de ce côté.

On appelle une pièce chargée, celle qu’on a affaibli de son propre métal, & à laquelle on a ajouté un morceau de métal étranger pour la rendre de poids. Nummus aureus cui pars metalli alicujus adjecta est, ad compensandam ejusdem levitatem ; ou addito pondere factus legitimus.