Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHARCUTIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 450-451).

CHARCUTIER. s. m. On écrivoit & on disoit autrefois Chaircutier, ou plûtôt Chaircuitier, comme fait M. de la Mare dans son Traité de la Police. Dans les Statuts qui leur furent donnés en 1475, on écrit Charcutier. On devroit dire & écrire chaircuitier ; car ce mot est composé de chair & de cuire, & signifie un Cuitier de chair, c’est-à-dire, un homme qui cuit de la chair, qui vend de la chair cuite, & non pas crue, comme les Bouchers. Mais l’usage y est contraire. Carnium coctarum propola. C’est un Marchand de chair de pourceau. C’est aussi celui qui la sale, qui la hache, qui l’assaisonne, & qui en fait divers ragoûts, comme saucisses, saucissons, cervelas, boudins, andouilles, &c. Il est ainsi nommé, parce qu’il fait cuire les chairs, & qu’il vend non-seulement de la chair de pourceau cuite, mais aussi des langues de bœuf, & autres. Les Bouchers faisoient autrefois le débit de la chair de porc. Les Charcutiers ont depuis été dispensés d’acheter des porcs chez les Bouchers. Ils ont eu la permission d’en débiter eux-mêmes la chair crue ; mais sous les mêmes conditions que les Bouchers, c’est-à-dire, de passer l’examen des Languayeurs, des Tueurs & des Courtiers ou Visiteurs de chair. De la Mare, Traité de La Police, Liv. IV, T. V, cap. 2. Il est défendu aux Charcutiers de vendre les chairs d’aucun porc ladre. Id.

Ce qu’on appelle aujourd’hui Charcutier, ne faisoit autrefois qu’un même métier & un même corps avec ceux que l’on nomme Rotisseurs, & les mômes gens apprêtoient & vendoient la chair de porc avec toutes sortes d’autres viandes cuites, & on les nommoit Oyers. Il y a beaucoup d’apparence que ces Oyers retranchèrent de leur profession le droit des chairs de porc, & de toutes les chairs bouillies ou assaisonnées, & celui du poisson & des légumes. D’autres particuliers prirent ce qui avoit été retranché de la profession des Oyers, ou ce qu’ils en avoient eux-mêmes abandonné, & l’on en forma ensuite une autre Communauté, sous le nom de Charcutiers, par Lettres Patentes du 17 Janvier 1475. Ces Lettres, qui sont du Prévôt de Paris, contiennent les premiers statuts qui aient été donnés aux Charcutiers en dix-sept articles. On en ajoûta 8 ou 9 en 1477, en donnant entrée dans ce métier à un plus grand nombre de gens qu’on n’avoit fait deux ans auparavant : & ainsi se forma la Communauté des Charcutiers à Paris. Ces Réglemens & ces statuts se trouvent dans le Traité de la Police, de M. de la Mare, Liv. V, T. XXI, c. 5, où il traite des Charcutiers, & ils y sont appelés Chaircuitiers & Saucissiers. Ces statuts reçoivent sans apprentissage & sans chef d’œuvre ceux qui exerçoient actuellement ce métier dans Paris ; mais ils demandent pour la suite quatre ans d’apprentissage & chef d’œuvre. D’autres réglemens leur permettent d’ouvrir les Dimanches, & les obligent à remplir chacun à leur tour les quarante places de la Halle le Mercredi & le samedi. Voyez tous ces réglemens de Police dans l’endroit cité, & ch. 6.