Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAPEAU

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 439-440).
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CHAPEAU. s. m. Habillement ou couverture de tête, ☞ qui est ordinairement d’étoffe foulée, de laine ou de poil, & qui a une forme avec des bords. Petasus, causia. On met des bords au chapeau pour garantir le haut du corps de la pluie. Un chapeau de laine. Petasus laneus. Un chapeau de castor, de vigogne. Fibrinus. Un chapeau des sept sortes. Un chapeau de paille. Stramineus. La forme, les bords d’un chapeau. Testudo, cavum pilei, pilei margines. On a dit autrefois, un chapel orfroifié de bisettes d’or & de grosses perles, c’est à-dire, bordé de passemens & de perles. On a appelé aussi un heaume, chapel de fer à visière. Naudé appelle, dans son Mascurat, les anciens chapeaux des Espagnols, des chapeaux en pot à beurre.

On ne voit point de chapeau avant le règne de Charles VI. On commença de son temps à en porter à la campagne : on en porta sous Charles VII dans les villes en temps de pluie, & sous Louis XI en tous temps. Louis XII reprit le mortier. François I s’en dégoûta, & porta toujours un chapeau. Le Gendre. Quand Charles VII fit son entrée dans Rouen le 10 Novembre 1449, il avoit un chapeau de castor doublé de velours rouge surmonté d’une houpe de fil d’or. C’est dans cette entrée, ou du moins sous ce règne, qu’on commença à voir en France l’usage des chapeaux & des bonnets, qui s’introduisit depuis peu-à-peu, à la place des chaperons, desquels on s’étoit servi de tout temps P. Daniel, Tom. II, p. 1204.

On regardoit comme un très-grand désordre en 1495, que les Ecclésiastiques commençassent, à la manière des séculiers, de porter des chapeaux sans cornettes. Il fut ordonné qu’ils auroient des chaperons de drap noir avec des cornettes honnêtes ; & que s’ils étoient pauvres, ils auroient du moins des cornettes attachées à leurs chapeaux, & cela sous peine de suspension, d’excommunication, & de payer cent fois d’amende. L’usage des chapeaux étoit plus ancien en Bretagne de plus de deux cents ans parmi les Ecclésiastiques, principalement parmi les Chanoines : mais ces chapeaux étoient comme des bonnets, & c’est d’où sont venus les bonnets carrés des Ecclésiastiques. Un Evêque de Dol, du XIIe siècle, zélé pour le bon ordre, permit aux Chanoines seulement de porter de ces sortes de chapeaux, & voulut que si d’autres en portoient dans l’Eglise, l’Office divin cessât aussitôt. Lobineau, Tome I, p. 845.

Ce mot vient de cape & de capellum, selon Ménage, ou de capellut, que l’on trouve dans la basse latinité, synonyme de caputium, capuce, habillement de tête. Voyez Act. SS. April. T. II, p. 51. On a dit autrefois capel, que l’on dit même quelquefois encore en badinant, & dans le style burlesque :

Mais je jugeai portant sous mon capel,
Tout bien compté, qu’il étoit bon d’attendre.

D’autres le dérivent de l’allemand, schapel, signifiant un chapeau de fleurs. Joannes de Janua, dit que c’est parva capa, eò quod capillos tegat, & est quasi capitis pellis.

On dit, mettre la main au chapeau. Pasquier remarque en ses Recherches, qu’en beaucoup d’Universités d’Allemagne, lorsque les Professeurs nomment Turnèbe ou Cujas, tous les Auditeurs ne manquent jamais de mettre la main au chapeau ; tant est grand l’honneur & le respect qu’ils portent à leur mémoire. J’ai oui dire que dans l’Université de Bourges on fait la même chose pour Cujas. Donner un coup de chapeau, ôter le chapeau à quelqu’un, être devant lui chapeau bas. Caput aperire, petasum ponere ; pour dire, se découvrir, être tête nue devant lui, pour le saluer, ou lui témoigner du respect. Esse aperto capite.

On dit, mettre chapeau bas, pour dire, ôter son chapeau, & absolument, chapeau bas, pour dire, découvrez-vous, ôtez votre chapeau. Oter son chapeau à quelqu’un, pour dire, le saluer, en se découvrant la tête. Acad. Fr.

On dit d’une querelle qui s’est passée sans beaucoup de désordre : tant de tués que de blessés, il n’y a qu’un chapeau de perdu.

On dit familièrement & populairement que le père d’un enfant nouveau né va tourner son chapeau, pour prier un parrein & une marreine.

Les Chapeliers appellent chapeau en blanc, un chapeau qui n’est pas encore teint. Petasus nullo coloro imbutus, tinctus.

Chapeau, signifie quelquefois un homme. Il y avoit plusieurs femmes à cette assemblée, mais il n’y avoit pas un chapeau. Cela est du style familier.

On appelle chapeau de fleurs, une couronne de fleurs qu’on met sur la tête des filles, lorsqu’on les épouse. Florea corolla.

Chapeau de roses, ou chapel de roses, signifie aussi un léger don que les peres & meres font à leur fille, quand ils la marient ; de manière qu’ils ne lui donnent pas tout son advenant & légitime portion.

☞ Il y a quelques coutumes où la fille mariée par ses pere & mère avec un chapeau de roses, ne peut plus venir à leur succession. Voyez la Coutume de Tours & celle d’Auvergne. C’est une disposition introduite en faveur des mâles, pour leur conserver les biens des familles. La Coutume de Normandie a une disposition semblable. Si rien n’a été promis à la fille, rien n’aura.

Cette disposition a aussi lieu entre nobles dans la Coutume de Touraine. Suivant toutes ces Coutumes, les filles doivent se contenter de ce qui leur a été donné en mariage par leurs peres & meres, fussent-elles mariées avec des chapeaux de roses ; en sorte qu’étant une fois mariées, elles ne peuvent plus prétendre à leurs successions.

Chapeau de fleurs, se dit aussi pour la couronne de fleurs que le Clergé porte sur la tête aux processions du saint Sacrement, ou dans d’autres cérémonies.

☞ On appelle chapeau de Cardinal, une sorte de chapeau rouge, qui a la forme très-plate & les bords très-grands, & d’où pendent de grands cordons de soie rouge.

Chapeau de Cardinal, & absolument chapeau, se dit aussi de la dignité de Cardinal & de la promotion à cette dignité. Prétendre au chapeau, attendre, recevoir le chapeau. Les Cardinaux portent le chapeau rouge à Rome dans les cérémonies. C’est Innocent IV qui établit cet usage l’an 1245, pour leur apprendre qu’ils doivent être prêts à répandre leur sang pour Jesus-Christ.

Le Roi ne put jamais se résoudre a permettre que l’Evêque reçut le chapeau. Bouh. Vie de S. Ign. L. IV. Le Cardinal Bellarmin fut le second de la Compagnie de Jésus, que le Pape Clément VIII obligea, sous peine de péché, à recevoir le chapeau. Id. L. VI.

Chapeau, en termes de Blason, se dit d’une marque de dignité ecclésiastique, petasus, & principalement de celui des Cardinaux, qu’on appelle absolument chapeau rouge. Petasus purpureus. Voyez Chapeau de Cardinal. Il est garni de longs cordons de soie entrelacés, qui pendent du dedans & aux côtés avec cinq rangs de houpes, que les Italiens appellent fiocchi, qui croissent en nombre à mesure qu’elles descendent, & font jusqu’à quinze houppes dans cet ordre, 1, 2, 3, 4 & 5. Ce chapeau leur fut donné par Innocent IV, l’an 1250, comme disent Volaterran & Polydore Virgile. D’autres disent que ce fut l’an 1246, au Concile de Lyon, mais on ne les a mis sur le timbre des Armoiries que depuis l’an 1300. Auparavant les Cardinaux étoient représentés avec des mitres. Les Patriarches & les Archevêques ont le chapeau vert, avec quinze houpes comme les Cardinaux. Les Eveques l’ont de même couleur, avec dix houpes.

Les Abbés & les Protonotaires le portent noir avec deux rangs de houpes : 1, 2. Ces chapeaux se mettent par ornement au-dessus de l’écu, comme les mitres & les couronnes. Le P. Menestrier, dans l’Origine des Ornemens des Armoiries, dit que l’usage du chapeau pour tous les Prélats vient d’Espagne, où on le voit dès l’an 1400, & que Tristan de Salazar, Espagnol de nation, Archevêque de Sens, semble être le premier qui l’a introduit en France pour les Archevêques.

Il y a des Ecus qui portent aussi des chapeaux de divers émaux. Dans un des bas-reliefs de la tour située au côté méridional de l’Eglise Cathédrale de Nantes, il y a un écusson d’hermines, ou de Bretagne moderne, couché & timbré d’un casque fermé, couvert d’un lambrequin d’hermines, & d’un chapeau fourré & rebrassé de même. On croit qu’il est de Jean V, Duc de Bretagne, qui fit construire la façade de cette Eglise, où il posa la première pierre au mois d’Avril 1434.

Les Anciens ont pris le chapeau pour un symbole de liberté, comme on voit dans plusieurs médailles, avec cette légende, Libertas publica. La raison est que les Romains, en affranchissant leurs Esclaves, leur donnoient le chapeau.

☞ Les Armuriers appellent chapeau à l’épreuve du mousquet, une espèce de coëffe de fer que les Soldats mettent dans la coëffe de leur chapeau. Cassis ferrea plumbo missili impervia.

Chapeau, en termes de Charpenterie, se dit d’une espèce de petit fronton qui fait la couverture d’une lucarne sur un pan de bois. On le dit aussi de la plus haute pièce de charpente qui assemble des poteaux corniers dans un clocher, ou un pan de bois, &c.

Chapeau se dit aussi de la pièce de bois qu’on met au-dessus des étaies pour soutenir des poutres & des solives. On l’appelle chapeau d’étaie.

On appelle encore chapeau, la pièce de bois qui sert d’appui tout au haut d’un escalier de charpente.

En Mâçonnerie, l’on appelle chapeau, le couronnement, le chaperon, ou le haut d’une muraille en talut, pour donner l’égoût aux eaux.

Chapeau, terme d’Horlogerie. C’est une pièce faite en cône, dont la baie couvre, par exemple, une roue que l’on veut serrer sur un des arbres d’une machine à fendre : le sommet du chapeau entre dans un petit trou fait au bout d’une vis qui le serre fortement contre la roue.

Chapeau. On nomme ainsi en Hollande une certaine mesure de compte, sur laquelle s’évaluent les droits d’entrée & de sortie qui se payent pour le thon.

Chapeau. C’est encore une mesure pour les grains, dont on se sert à Delft. Le chapeau contient treize viertels de Breda, ou quatorze d’Anvers.

Chapeau de Maure, en termes de Commerce de mer, signifie un certain droit, ou présent, que les Maîtres des vaisseaux marchands se font donner pour chaque tonneau de marchandise qui se charge dans leurs bords. Ainsi un Maître de navire dit : Il me faut tant pour le fret, & tant pour mon chapeau.

Chapeau de fil de pieux. C’est une pièce de bois que des chevilles de fer tiennent attachée sur les couronnes d’un fil de pieux, soit dans un batard’eau, soit dans une chaussée.

Chapeau de roses. Terme de Pharmacie, qui se dit des roses amassées en forme de gâteau au fond d’un alembic, après en avoir fait distiller l’eau. On s’en sert en fomentation, en le faisant bouillit dans du vin pour fortifier.

☞ On donne en général le nom de chapeau, au marc qui reste au fond des alembics, après certaines distillations de végétaux.

Chapeau, chez les Tireurs d’or, espèce de bobine, sur laquelle ils roulent l’or avant qu’il soit dégrossi, ainsi nommée à cause de sa ressemblance avec un chapeau dont les bords seroient abattus.

On dit proverbialement d’une personne à qui il est arrivé quelque sujet de honte, ou de qui on a fait quelque médisance : voilà un beau chapeau que vous lui mettez sur la tête ! On dit aussi, qu’elle a perdu la plus belle rose de son chapeau, pour dire, qu’elle a fait quelque perte considérable, sur-tout en ce qui regarde l’appui & la protection.