Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHANVRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 436-437).
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CHANVRE. s. m. Cannabis sativa. Plante qui porte le chénevis, & dont l’écorce sert à faire la filasse. Elle est annuelle, & on en sème des champs entiers dans plusieurs endroits du Royaume. La récolte du chanvre est d’un grand profit pour certaines Provinces, & la culture est beaucoup plus utile que celle du lin. Sa racine est longue d’un demi-pié, blanchâtre, ligneuse, fibreuse, épaisse de demi-pouce au plus à son collet, d’où part une tige carrée, velue, rude au toucher, creuse, ligneuse & tendre, couverte d’une écorce verdâtre & filamenteuse. Cette tige est rarement branchue, si ce n’est à son extrémité. Elle est haute ordinairement de 5 à 4 piés : dans les bonnes terres elle devient plus grande : elle est chargée de feuilles coupées en quatre ou cinq segmens longs de deux à trois pouces, sur un demi-pouce de largeur, disposées en main ouverte ; rudes, d’un vert brun, relevé de quelques veines sur la surface, dentelées à leurs bords, & d’une odeur forte & qui entête. Ses fleurs naissent sur des piés séparés de ceux qui portent les semences. Elles sont disposées en manière de grappe, & opposées en manière de croix de S. André. Chaque fleur est penchée en bas, & composée de cinq étamines jaunâtres, entourées de cinq feuilles longues de deux à trois lignes sur moins d’une ligne de largeur, purpurines en dehors & blanches en dedans. Ces fleurs ne sont suivies d’aucun fruit. Ce n’est que sur les individus femelles, appelés mâles improprement, qu’on trouve les fruits qui naissent par paquets le long des tiges. Ce fruit est terminé d’un style fourchu lorsqu’il n’est qu’embryon, & il est enveloppé d’une membrane qui le garantit jusqu’à ce qu’il ait acquis sa maturité. Pour lors il est arrondi, un peu comprimé, lisse & glabre, & composé d’une coque grisâtre qui renferme une semence tendre, douce & d’un goût d’amande. La même semence donne les deux individus mâles & femelles.

On se sert en Médecine principalement de la semence, dont la décoction faite dans du lait est très-bonne contre la toux & contre la jaunisse. Les feuilles sont bonnes aussi contre la brûlure : on en tire un suc qui est propre pour la surdité.

Chanvre bâtard. Galeopsis. Sa fleur est une espèce de tuyau découpé par le haut en deux lèvres, dont la supérieure est exposée en cueilleron & l’inférieure, divisée en trois parties, dont celle du milieu est la plus grande : son calice est comme un entonnoir fendu en cinq pointes. Boerhaave fait mention de quatorze espèces différentes de galeopsis, entre lesquelles il n’y en a que quatre qui aient des propriétés médicinales connues. Voyez le Dict. de James, au mot Galéopsis.

L’huile de chanvre est recommandée pour les pommades dans les petites véroles. Sa graine, qu’on nomme chénevis, sert à nourrir les oiseaux. Les feuilles de chanvre sèches, ou sa farine mêlée dans la boisson, rendoient ceux qui en usoient ivres, stupides & hébétés. Les Arabes néanmoins s’en servent ; ils en font une espèce de vin qui enivre. De la Mare, Traité de la Police, L. V, T. II, c. 3, où il cite Siméon Sethi, de aliment. facult. Cœlius Apitius, de re culinar. L’Auteur du Traité de la Police appelle chénevis, plante d’où l’on tire le chanvre : mais cela est contre l’usage constant & universel. Il n’y a que la semence de cette plante qui s’appelle chénevis, la plante se nomme chanvre. Chanvre mâle, cannabis sativa mas fructifera, sæcunda. Chanvre femelle, cannabis sativa femina, florifera, sterilis.

Teiller ou tiller, broyer le chanvre. Voyez ces mots. Rouir le chanvre, c’est le faire tremper quelque temps dans l’eau pour le faire sécher & tiller plus facilement. Cannabim rivo macerare, aquâ subigere. Il est défendu de faire rouir le chanvre dans des eaux vives où il y a du poisson. L’eau où a croupi le chanvre pour se rouir, est très-pernicieuse pour la santé ; & l’on remarque que les fièvres en automne sont fort fréquentes dans les pays où le chanvre est commun. Aussi l’on y défend de mettre tremper les chanvres dans les rivières & les eaux courantes qui sont bonnes à boire. On fait avec le chanvre de la toile & des cordes. Le plus gros chanvre, dont l’écorce est plus rude, est employé aux cordes ; & celui qui est plus fin fait du linge fin.

On nomme chénevotte les fragmens des tiges du chanvre dépouillées de leur écorce. On dit, j’en fais autant de cas que de chénevottes, pour dire, j’en fais peu de cas : il n’est bon qu’à brûler.

Chanvre. s. m. se prend souvent en françois pour la filasse qu’on tire des tiges de la plante du chanvre après qu’elles ont été rouies. On dit, voilà du chanvre, du chanvre peigné, du chanvre fin prêt à filer. Cannabini corticis filamenta. Des cordes de chanvre. Funes cannabini. Il a vendu tant de chanvre. De la toile de chanvre. Tela cannabina.

Chez les Romains, le chanvre nécessaire aux emplois de la guerre, s’amassoit par les ordres des Empereurs, seulement en deux villes de l’Empire d’Occident, à Ravenne en Italie, & à Vienne dans les Gaules. Celui qui en avoit l’Intendance au deçà des Alpes, étoit appelé le Procureur du Linifice des Gaules, & avoit son établissement à Vienne.

Κάνναϐις, cannabis, chanvre, vient du celtique Canab. Pezron.