Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAMEAU

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 411-412).

CHAMEAU. s. m. ☞ Animal quadrupède, haut de jambes, qui a le cou fort long, & qui rumine, propre pour la charge, & non point pour tirer. Camelus. Il est fort commun en Orient. Le chameau arabesque a une grosse bosse sur le dos : le médois en a deux. Sa charge ordinaire est de mille livres pesant. Le chameau a cela de particulier, qu’on l’accoutume, dès qu’il est né, à se baisser pour recevoir sa charge : on lui plie les quatre pieds sous le ventre, on lui met sur le dos un tapis, dont les bords sont chargés de pierres, afin qu’il ne se puisse relever pendant vingt jours. Il a le pié large & solide, & non pas dur : car il est couvert d’une simple peau. Le poil de chameau sert à plusieurs ouvrages & étoffes. Le chameau est dix à douze jours sans boire ni manger. Quand il est en chaleur, il se retire à part avec sa femelle, & la couvre tout le jour. ☞ Pendant qu’il est en rut, il est furieux : cela dure quarante jours. La femelle s’accroupit pour recevoir le mâle. Elle porte onze mois & ne fait qu’un petit à la fois. Les mâles coupés sont plus forts. On n’en laisse qu’un entier pour dix femelles. On ne se sert point d’etrille pour le panser. On le frappe seulement avec une petite baguette comme sur un tapis pour en ôter la poussière. Le maître le suit en chantant & en siflant. Plus il chante fort, & mieux il marche. Il est sujet à s’écarter : c’est pourquoi lorsque les caravannes passent dans des terres glissantes, on étend des tapis sous les chameaux, quelquefois jusqu’au nombre de cent. Tavernier. Voyez Dromadaire.

Les chameaux gardent de l’eau dans leur estomac fort long-temps pour se rafraîchir, par le moyen d’un grand ventricule qu’ils ont, autour duquel on trouve un nombre considérable de sacs enfermés entre ses tuniques, dans lesquels il y a apparence que ces animaux mettent leur eau en réserve. On prétend même que c’est la dernière ressource des Caravannes, d’ouvrir le ventre de ces animaux pour se servir de cette eau. Mais par les Observations Physiques, &c. que les Jésuites ont faites à la Chine, il paroît que ces réservoirs prétendus ne se trouvent point dans les chameaux ; ils ont vérifié le fait par la dissection de divers chameaux. P. Gouye. Mais on ne doit pas regarder ces observations comme bien exactes : il est certain que les chameaux, outre les quatre parties du ventricule qu’on trouve dans tous les animaux ruminans, ont une cinquième poche d’une capacité assez considérable, qui ne le trouve point dans les autres : c’est dans cette espèce de réservoir qu’ils mettent une grande quantité d’eau qui s’y conserve sans se corrompre, parce que les autres liqueurs du corps ne peuvent s’y mêler. C’est de ce reservoir que le chameau, par la seule contraction des muscles fait remonter dans sa panse, & jusqu’à l’œsophage, une partie de cette eau, quand il en a besoin. C’est à cette conformation particulière qu’on doit attribuer la facilité qu’a le chameau de s’abstenir de boire pendant plusieurs jours.

Le chameau qui porte l’étendard d’or, que la Caravanne de Pélerins va offrir tous les ans sur le tombeau de Mahomet à la Mecque, est exemt de porter aucun fardeau pendant le reste de sa vie. La Croix. Ils prétendent même que cet heureux chameau ressuscitera, & jouira des félicités du Paradis. Chevr. Ils ont de l’aversion pour le cheval, le lion, & le thon. Ils vivent, selon quelques-uns, jusqu’à cinquante ans ; & selon quelques autres jusqu’à cent. Le lait de la femelle du chameau est un souverain remède pour guérir l’hydropisie. Il faut en boire tous les jours une pinte pendant trois semaines. Au printemps, tout le poil tombe au chameau en moins de trois jours ; la peau lui demeure toute nue, & les mouches l’importunent fort ; il n’y a point d’autre remède que de lui gaudronner le corps. Tavernier.

On dit chameau mâle, chameau femelle.

Sur les médailles, le chameau est le symbole de l’Arabie. P. Jobert. Et s’il se trouve sur les médailles de quelqu’autre peuple, comme sur celles de la famille Plautia, sur laquelle on voit une tête de femme avec une couronne murale, A Plautius aed. cvr. s. c. Et au revers dans le champ Ivdæus & dans l’exergue Bacchius, & pour type un homme à genoux qui tient de la main gauche un chameau par la bride, & qui tient de la droite une palme ; c’est une marque de société avec l’Arabie. Beger.

Ce mot vient de l’hébreu gamal, selon Nicot ; d’où l’on a formé κάμηλος en grec, camelus en latin, & ensuite chameau en françois. Mais selon Iso Magister, il vient du grec καμπύλον, qui signifie curvum, à cause des bosses qu’il a sur le dos. Charleton dit qu’il peut venir de κάμνω, je travaille, parce que cet animal porte de grands fardeaux ; mais cette étymologie est forcée.

Chameau moucheté. Autre espèce d’animal ressemblant au vrai chameau par la tête ; mais par le reste du corps, au cheval & au bœuf. Camelopardalis. Pomey.

On appelle aussi chameau, le poil de chameau filé en forme de laine fort déliée, du quel se servent les Ferrandiniers dans leurs ouvrages. Filus camelinus.

En termes de Blason, on appelle un chameau emmuselé, qui est représenté avec une muselière. Camelus os obstrictum habens, ou capistratus.

Il y a une herbe qu’on appelle pâture de chameau, à cause que les chameaux en sont fort friands. On l’appelle autrement juncus odoratus, ou scœnantum.

Chameau se dit d’un gros & grand bâtiment qu’on voit en Hollande, & qui n’a été inventé que vers la fin du siècle passé. Le chameau sert à enlever un vaisseau d’un lieu où il y a peu d’eau, & à le transporter dans un autre où il y en a davantage, par le moyen des machines dont est rempli le vaisseau qu’on appelle chameau.

☞ On a donné à cette machine le nom de chameau à cause de sa grandeur & de sa force.