Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAMÆRHODODENDROS

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 403-404).
CHAMÆSYCE  ►

CHAMÆRHODODENDROS. s. m. Nom d’une plante. Chamærhododendros pontica folio laurocerasi, flore cœruleo purpurascente. Cet arbrisseau s’élève ordinairement à la hauteur d’un homme. On en trouve quelquefois de plus grands, dont le principal tronc est presque aussi gros que la jambe. Sa racine trace jusqu’à cinq ou six pieds de long, partagée d’abord en quelques autres racines grosses comme le bras, distribuées en quelques subdivisions qui ne sont pas plus épaisses que le pouce. Celles-ci diminuent insensiblement, & sont accompagnées de beaucoup de chevelu. Elles sont dures, ligneuses, couvertes d’une écorce brune, & produisent plusieurs tiges de différences grandeurs, qui environnent le tronc. Le bois en est blanc, cassant, revêtu d’une écorce grisâtre, qui tire en quelques endroits sur le brun. Les branches sont assez touffues, & naissent souvent dès le bas ; mais elles sont mal formées, inégales & garnies de feuilles, seulement vers les extrémités. Ces feuilles, quoique rangées sans ordre, sont d’une grande beauté, & ressemblent tout-à-fait à celles du laurier-cerise. Les plus grandes ont sept ou huit pouces de long, sur environ deux ou trois pouces de large vers le milieu ; car elles se terminent en pointe par les deux bouts. Leur couleur est vert-gai, leur surface lisse & presque luisante, leur consistance ferme & solide. Le dos en est relevé d’une grosse côte arrondie ; ce n’est qu’un allongement de la queue, laquelle a presque deux pouces de long, sur une ligne de large. Cette côte qui est sillonnée en devant, distribue des vaisseaux de part & d’autre, qui se répandent & se subdivisent sur ces côtes dans un ordre comme alterne. Les feuilles deviennent moindres, à mesure qu’elles approchent des sommités ; cependant on y en apperçoit assez souvent, qui sont plus grandes que leurs inférieures. Depuis la fin d’Avril jusqu’à celle de Juin, ces sommités sont chargées de bouquets de quatre ou cinq pouces de diamètre, composés chacun de vingt ou trente fleurs, qui naissent chacune des aisselles d’une feuille longue d’un pouce & demi, membraneuse, blanchâtre, large de quatre ou cinq lignes, pointue, creusée en gouttière, & posée en écaille avec ses voisins. Le pédicule des fleurs a depuis un pouce jusqu’à quinze lignes de long ; mais il n’est épais que d’environ demi-ligne. Chaque fleur est d’une seule pièce, longue d’un pouce & demi ou deux, rétrécie dans le fond, évasée & découpée en cinq ou six quartiers. Celui d’en haut, qui est quelquefois le plus grand, est large d’environ sept ou huit lignes, arrondi par le bout, ainsi que les autres, légèrement frisé, orné vers le milieu de quelques points jaunes, ramassés en manière d’une grosse tache. Les quartiers d’en bas sont un peu plus petits, & découpés plus profondément que les autres. A l’égard de leur couleur, le plus souvent elle est violette, tirant sur le gris de lin. On trouve des piés de cette plante à fleurs blanches. Toutes ces fleurs sont marquées de points jaunes, dont on vient de parler, & leurs étamines, qui naissent en touffe, sont plus ou moins colorées de purpurin, mais blanches & cotonneuses à leur naissance. Ces étamines sont inégales, crochues, & entourent le pistil. Leurs sommets sont posés en travers, longs de deux lignes, sur une ligne de large, divisés en deux bourses pleines d’une poussière jaunâtre. Le calice des fleurs n’a qu’environ une ligne & demie de largeur, légèrement cannelé en six ou sept pointes purpurines. Le pistil est une espèce de cône de deux lignes de long, relevé à sa base d’un ourlet verdâtre & comme frisé. Un filet purpurin, & long de quinze ou dix-huit lignes, termine ce pistil, & finit par un bouton vert pâle. Les bouquets des fleurs sont très-gluans, avant qu’elles s’épanouissent. Lorsqu’elles sont passées, le pistil devient un fruit cylindrique, long d’un pouce à quinze lignes, épais d’environ quatre lignes, cannelé, arrondi par les deux bouts. Il s’ouvre par le haut en cinq ou six parties, & laisse voir autant de loges qui le partagent en sa longueur, & sont séparées les unes des autres par les aîles d’un petit pivot qui en occupe le milieu. C’est ce pivot qui est terminé par le filet du pistil, & bien loin de se dessécher, il devient plus long, tandis que le fruit est vert, & ne tombe point. Les graines sont très-menues, d’un brun clair, longues de près d’une ligne. Les feuilles de cette plante sont stiptiques, sans autre saveur. Les fleurs ont une odeur agréable, mais qui se passe facilement. Cette plante aime la terre grasse & humide. Elle vient sur les côtes de la mer Noire, le long des ruisseaux. Tournef.

Il y a une autre espèce de Chamærhododendros, qui s’élève quelquefois plus que la précédente. Chamærhododendros Pontica maxima, mespili folio, flore luteo. Elle produit un tronc de même grosseur, accompagné de plusieurs tiges plus menues, divisées en branches inégales, foibles, cassantes, blanches en dedans, couvertes d’une écorce grisâtre & lisse, si ce n’est aux extrémités, où elles sont velues & garnies de bouquets de feuilles assez semblables à celles du néflier des bois. Ces feuilles sont longues de quatre pouces, sur un pouce & demi de largeur vers le milieu, pointues par les deux bouts, & sur-tout par celui d’enbas, vert-gai, légèrement velues, excepté sur les bords, où les poils forment comme une espèce de sourcil. Leur côte est assez forte, & se distribue en nervure sur toute la surface. La queue des feuilles n’a souvent que trois ou quatre lignes de longueur, sur une ligne d’épaisseur. Les fleurs naissent dix-huit ou vingt ensemble, ramassées en bouquets à l’extrémité des branches, soutenues par des pédicules d’un pouce de long, velues, & qui naissent des aisselles des petites feuilles, membraneuses, blanchâtres, longues de sept ou huit lignes, sur trois lignes de large. Chaque feuille est un tuyau de deux lignes & demie de diamètre, légèrement cannelé, velu, jaune, tirant sur le verdâtre. Il s’évase au-delà d’un pouce d’étendue, & se divise en cinq quartiers, dont celui du milieu a plus d’un pouce de long, sur presque autant de largeur, réfléchi en arrière aussi-bien que les autres, & terminé en arcade gothique, jaune-pâle, quoique doré vers le milieu. Les autres quartiers sont un peu plus étroits & plus courts, d’un jaune pâle aussi. Cette fleur est percée par sa partie postérieure, & s’articule avec le pistil qui est pyramidal, cannelé, long de deux lignes, vert blanchâtre, légèrement velu, terminé par un filet courbe, long de deux pouces, lequel finit par un bouton vert-pâle. Des environs du trou de la fleur sortent cinq étamines plus courtes que le pistil, inégales, courbes, chargées de sommets longs d’une ligne & demie, remplie de poussière jaunâtre. Les étamines sont de la même couleur, velues dès leur naissance, jusque vers le milieu : toutes les fleurs, ainsi que celles de l’espèce précédente, sont penchées sur les côtés, de même que celles de la fraxinelle. Le pistil devient dans la suite un fruit d’environ quatre lignes de long, du diamètre de six ou sept lignes, relevé de cinq côtes, dur, brun & pointu. Il s’ouvre de la pointe à la base en sept ou huit parties, creusées en gouttière, lesquelles assemblées avec le pivot cannelé, qui en occupe le milieu, forment autant de loges. Je n’en ai pas vu la graine mûre.

Les feuilles de cette plante sont stiptiques. L’odeur des fleurs approche de celle du chèvrefeuille ; mais elle est plus forte, & porte à la tête. Le miel que les abeilles tirent de ces fleurs rend insensé. Voyez Dioscoride, L. II, c. 103. Pline, Hist. Nat. L. XXI, c. 13. Xénophon, à la fin du quatrième siècle, livre de l’Expédition des Grecs, ou de la Retraite des dix mille ; & Tournefort, ib. p. 348 & suivantes.