Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHÉTIF

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 512-513).
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CHÉTIF, IVE. Qui est de peu de valeur : il se dit des personnes & des choses. Vilis, miser, macilentus, informis. Cet homme est bien chétif, maigre, mal fait, misérable. Il a fait un présent bien chétif, qui n’est d’aucune considération. Cet habit, cette étoffe est bien chétive.

Il vint des partis d’importance,
La belle les trouva trop chétifs de moitié.

La Font.

Combien de temps faut-il ? Un temps proportionné à notre durée vaine & chétive. Pascal.

Il vient de l’italien cattivo, selon Pasquier. Mais Ménage tient que ce mot vient de captivus, & prouve que chétif signifioit autrefois captif : ce qui est d’autant plus vraisemblable, qu’on a dit chétif-votson pour captivité. Autrefois on disoit chaitis. Borel le fait venir de captivus, aussi-bien que Ménage ; & il remarque que chaitim se dit en gascon pour chaitis, & que ces mots signifient misérable. Chaitis n’est plus en usage ; chétif se dit encore, mais rarement.

☞ Corneille a employé ce mot très-heureusement dans Pompée, dans ce vers où il est parlé des cendres de ce grand homme.

Dans quelque urne chétive en ramasser les cendres.

☞ Le mot de chétive ne passeroit pas aujourd’hui. Il me paroît qu’il fait ici un très-bel effet, par l’opposition d’une fin si déplorable, à la grandeur passée de Pompée. Voltaire condamne l’usage qu’a fait Corneille de ce mot dans la même pièce. D’une flamme pieuse autant comme chétive, cela n’est, dit-il, ni françois ni noble. Ce mot chétive a été heureusement employé au second acte. Le même terme peut faire un bon & un mauvais effet, selon la place où il est. Une urne chétive qui contient la cendre du grand Pompée, présente à l’esprit un contracte attendrissant. Mais une flamme n’est point chétive. Dans ce vers, l’expression autant comme est un barbarisme. Il faut dire autant que.

☞ Le mot chétif, dit M. l’Abbé Girard, commence à vieillir : il n’est pas néanmoins tout-à-fait suranné, & il se trouve encore des places où il figure assez bien. Il le compare ensuite avec méchant, dans ce qu’il a de synonyme, c’est-à-dire, autant que ce dernier marque une certaine incapacité à être avantageusement placé ou mis en usage. Sous ce point de vue, l’inutilité ou le peu de valeur rendent une chose chétive. Les défauts & la perte de son mérite la rendent mauvaise. Un chétif sujet, est celui qui n’étant propre à rien, ne peut rendre aucun service dans la République. Un mauvais sujet est celui qui, se laissant aller à un penchant vicieux, ne veut pas travailler au bien ; qui est chétif, est méprisable, & devient le rebut de tout le monde ; qui est mauvais, est condamnable, & s’attire la haine des honnêtes gens.

☞ En fait de choses d’usage, le terme de chétif enchérit sur celui de mauvais. Ce qui est usé, mais qui peut encore servir au besoin, est mauvais. Ce qui ne peut plus servir, & ne sauroit mis honnêtement, est chétif. Un mauvais habit n’est pas toujours la marque du peu de bien. Il y a quelquefois sous un chétif haillon plus d’orgueil, que sous l’or & sous la pourpre.