Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHÉRIF ou SHERIF

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 510).
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CHÉRIF ou SHERIF, s. m. signifie Prince chez les Arabes & les Maures. C’est celui qui doit succéder au Calife, de même que le Coadjuteur à l’Evêque. Princeps. Le Roi de Maroc se qualifie, le Grand Chérif, ou le Chérif des Chérifs ; c’est-à-dire, le premier & le plus puissant des successeurs de Mahomet. On appelle Chérifs les descendans de Mahomet. Le Mozambique étoit autrefois sous la domination des Sarrazins, & un Chérife Maure y commandoit. Bouh. Car le P. Bouhours écrit Chérife, mais sans nécessité.

C’est une erreur de la plûpart des Européens, que le Grand-Seigneur est Souverain de la Mecque & de Médine, & que les Chérifs qui y commandent ne sont que des Gouverneurs ou des Vassaux tributaires. Il est vrai que les Turcs ayant détruit l’Empire des Califes, & leurs ayant succédé par droit de conquête, le Sultan a aussi succédé à la dignité & à toute l’autorité des anciens Califes, premiers successeurs de Mahomet : mais il est vrai aussi que dans la décadence & la division de cet Empire, la race du prétendu Prophète s’est conservé la souveraineté & la possession de ces deux fameuses villes & du pays où elles sont situées, sans opposition des autres Princes Mahométans, & sans être dans la dépendance d’aucun ; au contraire, les plus puissans d’entre ces Princes ont pour les Chérifs, & pour les lieux qu’ils possèdent, une extrême vénération, leur envoyant souvent des offrandes & des présens considérables ; & dans les titres fastueux qu’ils se donnent, ils ne prennent que l’humble qualité de serviteurs des deux villes sacrées de la Mecque & de Médine, ce qui est particulièrement vrai à l’égard du Grand-Seigneur. Voyage de l’Ar. Heur. p. 142, 143.

Cette race des enfans du Prophète, pour parler comme les Orientaux, tire son origine de Fatime, fille de Mahomet, épouse d’Aly, laquelle eut deux fils, Hassan & Hussein, qui ont fondé deux grandes maisons dans le Mahométisme, & qui sont les peres de tous les Chérifs ou descendans de Mahomet qui sont aujourd’hui dans le monde. Id. p. 143, 144.

La Maison d’Hassan a été divisée en deux branches principales, dont la première est restée en Arabie, & a donné des Chérifs à la Mecque & à Médine ; la seconde est passée en Afrique, & a donné naissance aux Rois de Maroc & aux autres Chérifs qui sont en Afrique. La Maison d’Hussein, second fils de Fatime, sont, selon les Orientaux, les Rois de Perse d’aujourd’hui, & les autres Chérifs de l’Asie. Id. p. 144.

Quoique la branche aînée de la Maison de Hassan se soit multipliée en une infinité de Maisons ou de Familles différentes dans l’Arabie, il n’y a jamais eu que quatre principales Maisons qui ont regné à la Mecque & à Médine, qui sont celles de Beni-Cayder ou Kader, de Beni-Moussatani, autrement Beni-Hassan, de Beni-Hachem, & de Beni-Kitada. Le Chérif qui regne aujourd’hui à la Mecque est de cette dernière Maison, laquelle, à ce qu’on prétend, occupe la Principauté depuis plus de 500 ans ; & celui qui règne à Médine est de la Maison de Beni-Hachem, qui regnoit aussi à la Mecque avant celle de Beni-Kitada. Id. p. 144, 145.

La parenté qui est entre les Chérifs d’une même Maison, devient parmi eux un sujet de discorde. Quelquefois la division se met aussi entre les deux Chérifs régnans de la Mecque & de Médine. Alors le Grand-Seigneur, en qualité de Calife, ne manque guère de prendre connoissance de leurs différens, de parler aux Chérifs avec fermeté, & d’installer quelquefois par force un Chérif à la place d’un autre, mais qui doit toujours être de la Maison régnante, toute l’autorité du Sultan ne pouvant pas interrompre cet ordre établi. Id. p. 145, 146. Et cette hauteur de la part du Sultan, & la soumission de la part des Chérifs, ne détruisent pas pour cela leur souveraineté. Id.

Chérif. Monnoie d’or de Turquie, qui vaut à Marseille quatre livres dix sous. Nummulus aureus.