Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHÂTELAIN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 482-483).
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CHÂTELAIN. s. m. C’étoit autrefois le Gouverneur d’un château, établi par les Ducs ou Comtes, dans les principales bourgades, tant pour les tenir dans l’obéissance, que pour y rendre la justice. Castellanus dinasta. Il semble que la principale fonction de cet Officier étoit la garde du château, d’où lui est venu le nom de Châtelain. Il étoit tenu par conséquent de le pourvoir de toutes sortes de munitions de guerre & de bouche, & d’y entretenir un certain nombre d’hommes, tel que le Seigneur ou son Bailli l’avoit réglé. Suivant quelques Ordonnances, il étoit obligé d’y faire sa résidence : quand les milices de la Châtellenie marchoient pour quelque expédition, c’étoit à lui de les commander, sous les ordres toutefois du Bailli. Il étoit aussi de son emploi de fournir des vivres à ceux que le Dauphin étoit tenu de défrayer en campagne. L’emploi du Châtelain exigeoit sur-tout de veiller à la conservation des biens du Seigneur, & de faire recueillir les fruits qui provenoient dans ses fonds pour les vendre à son profit, après en avoir réservé la quantité nécessaire pour la provision du château. Le même étoit chargé de la recette générale des droits seigneuriaux, pour lesquels il avoit un receveur, ou qu’il donnoit à ferme pour s’épargner l’embarras du détail. Il jouissoit, au moins en quelques lieux, du privilége qu’avoit le Bailli, de pouvoir en certains cas aliéner les fonds domaniaux, les échanger, ou les donner en emphitéose. Il pouvoit aussi donner l’investiture des fonds qu’il avoit inféodés, & en recevoir l’hommage au nom du Seigneur. Pr. de Valbonnet, Mém. pour l’Hist. du Dauph. Disc. V, c. 3. Les fonctions militaires attachées à ces offices les faisoient rechercher des principaux de la noblesse, qui s’en trouvoient honorés. Id. Dans la suite, les Châtelains usurpèrent la propriété & la Seigneurie de leur Juridiction. Maintenant il ne signifie plus que le Seigneur d’une terre, qui a un degré d’élévation au dessus d’une Seigneurie ordinaire. Le Seigneur Châtelain ne peut porter ses armoiries qu’en écusson, & non en carré ou bannière, comme sont les Comtes, Vicomtes & Barons, qui ont droit de bannière, de haute Justice, de fourches patibulaires à quatre piliers. Le Châtelain a droit d’avoir maison forte ; c’est-à-dire, munie de fossés & pont-levis, sans permission du Roi : il peut même empêcher que l’on ne bâtisse une maison forte dans l’étendue de sa Châtellenie. Autrefois pour être Châtelain, il falloit avoir un château & forteresse, Seigneurie & Juridiction ; & pour faire la Châtellenie, il falloit qu’il y eût une Abbaye ou Prieuré conventuel, four banal, &c.

De Châtelain, pris pour Seigneur d’un château, on disoit autrefois Châtelaine, pour, Dame d’un Château.

Châtelain, est aussi un Juge, ou Officier, qui rend justice dans l’étendue de la terre d’un Seigneur Châtellain. Castellanus Judex. En Auvergne, en Dauphiné, en Poitou, les Châtelains des villes sont aussi des Officiers exerçans la Justice.

Châtelains Royaux, qu’on appelle autrement Prévôts, sont des Juges qui sont dans le premier degré de la Justice Royale. Ils connoisent en première instance des différens des particuliers, tant en matière civile que criminelle, excepté des causes dont la connoissance est réservée aux Baillis. Ils connoissent aussi des appellations des hauts Justiciers ; & leurs appellations s’interjettent par devant les Baillis & Sénéchaux.

Châtelains Seigneuriaux, sont ceux qui sont établis dans les terres des Seigneurs particuliers.