Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CESSION
CESSION. Il f. Acte par lequel un homme transmet à un autre le droit qui lui appartenoit. Cessio juris sui, vel suo jure. Il a fait cession & transport d’une telle dette. On ne le dit guère que des obligations, rentes ou dettes mobiliaires, qui consistent en la tradition d’un écrit. A l’égard des meubles, offices, ou des héritages & immeubles, le transport qu’on fait de la propriété s’appelle vente, échange, donation. Cession est un terme générique, dont les espèces sont le transport, l’abandonnement de biens, la subrogation, & la cession en Justice.
Cession est aussi un abandonnement qu’on fait de tous ses biens en Justice, ou volontairement à ses créanciers, pour éviter la contrainte par corps. Bonorum cessio. On ne peut faire cession qu’en vertu des Lettres du Prince, qu’on appelle bénéfice de cession. La cession est une mort civile. On n’y est point reçu pour dettes de deniers royaux, de mineurs, de dépôts, ou cautionnement en Justice, ni quand il y a stellionat ou crime ; ni pour moisson de grains, ni pour vente du poisson salé, &c. Le bénéfice de cession n’est accordé qu’à ceux qui étant tombés en pauvreté, remettent de bonne foi leurs biens à leurs créanciers. Les étrangers non naturalisés ne sont point reçus à cession, ni le fermier contre le propriétaire, ni le principal obligé contre la caution, ni ceux qui ont obtenu des remises, & fait des contrats d’atermoiement. La cession emporte note d’infamie, & oblige à porter un bonnet vert ; autrement on est déchu de la grâce : ce qui a eu lieu d’abord dans la Coutume de Laval, pour signifier que celui qui avoit fait cession de biens étoit devenu pauvre par sa folie. A Lucques le cessionnaire porte un chapeau ou un bonnet orangé. Les Docteurs d’Italie disent que celui qui faisoit abandonnement de biens, étoit tenu de fraper trois fois du cul sur une pierre en présence du Juge. Autrefois on faisoit la cérémonie de faire quitter la ceinture & les clefs en Justice à ceux qui faisoient cession, parce que les Anciens portoient à leur ceinture les principaux instrumens qui leur servoient à gagner du bien, comme un homme de robe son écritoire, le Marchand sa gibecière ou escarcelle, & le Gendarme son épée, &c. Elle doit être faite en personne, tête nue & sans ceinture. La forme des cessions chez les Romains & les vieux Gaulois étoit telle ; celui qui la faisoit ayant amassé dans sa main gauche de la poussière des quatre coins de sa maison, se plantoit sur le seuil de la porte, dont il tenoit le poteau avec la main droite, & jetoit la poussière qu’il avoir amassée par dessus ses épaules : puis se dépouillant tout nu en chemise, ayant quitté sa ceinture & ses houssaux, il sautoit avec un bâton par-dessus une haie, donnant à entendre par-là à ses parens & à ses créanciers, qu’il n’avoit plus rien au monde, & que quand il sautoit, tout son bien étoit en l’air. La cession se faisoit ainsi en matière criminelle : mais en matière civile, il mettoit seulement une houssine d’aune, ou bien un fétu, ou une paille rompue sur le seuil de la porte, pour marquer qu’il abandonnoit ses biens : ce que l’on appeloit Chrenecruda per durpillum & festucam, Cession par le seuil & par le fétu. Il en est parlé dans la Loi Salique au titre Chrenecruda. Voyez une autre ancienne formule de cession au mot de Scandale. Le P. Ruinart, dans l’Appendix de Grégoire de Tours p. 1331, a donné trois anciennes formules de Cession. Voyez Banqueroute & Abandonnement.