Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CENTENIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 362).
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CENTENIER. s. m. Chef qui commandoit à cent hommes chez les Romains. Centurio. Jésus-Christ guérit le serviteur du Centenier. Je n’ai pas, Seigneur, une foi aussi vive que celle de l’humble Centenier, qui lui fit tout d’un coup obtenir l’effet de ses prières ; je m’unirai à vos Apôtres, afin de vous demander avec eux l’augmentation de la mienne. Mad. de la Vall. M. de Harlay de Chanvallon, dans sa Traduction de Tacite, Vigenère, dans son Tite-Live & son César ; M. de la Mare, dans son Traité de la Police ; & d’autres, l’ont dit souvent. Dans cette sédition fut tué un Centenier nommé Lucilius. Harlay. Tous les autres Centeniers se cachèrent. Id. La solde de l’homme de pied légionnaire, selon Polybe, ne fut premièrement que de deux oboles par jour. Le Centenier avoit le double. Vigen. César trouva à dire neuf cent soixante de ses soldats, & quelques trente Centeniers. Id. ☞ M. de Cordemoi s’est aussi servi de ce mot. Malgré toutes ces autorités, le mot de Centenier est particulièrement consacré au style de l’Ecriture & aux matières de dévotion ; & dans l’usage ordinaire, on dit plutôt Centurion, que Centenier.

Centenier a aussi été un Officier de nos Rois sous la première race. Les Comtes n’avoient eu d’abord que l’administration de la Justice, mais depuis on leur accorda celle des armes. Ils n’avoient l’une & l’autre que dans une seule ville ; & cette ville étoit toujours considérable : car on mettoit des Vicaires ou Viguiers dans les autres villes ; & ces Vicaires étoient fournis aux Comtes, comme les Centeniers, qu’on mettoit dans les bourgs, pour tout un petit pays. Cordem. Il paroît que c’étoient les Francs qui avoient apporté cet usage dans les Gaules ; car les Goths, les Germains & les Lombards l’avoient. Il en est parlé dans les Loix des Visigots, Liv. II, Tit. II, L. 26, & Liv. IX, Tit. II, Liv. 1. Les Capitulaires de Charlemagne, & de Louis le Débonnaire, la Loi de Charlemagne qui se trouve dans les Loix des Lombards. Liv. II, Tit. LII ; Liv. 3 ; & dans ses Capitulaires Liv. III, c. 79, décrivent, la Juridiction du Centenier. Grégoire de Tours en parle aussi, Liv. IX, Hist. Fr. c. 5. Voyez Hoffman Spelman, & les notes d’Otton sur B. Rhenan. Rerum Germ. Lib. II, p. 261. Voyez aussi le Traité de la Police de M. de la Mare, Liv. I, Tit. V c. 1. Les Centeniers étoient des Juges distribués dans les villages. Chorier, Liv. X, p. 664. Le Centenier ne pouvoit condamner à mort. Le Gendre. On les appeloit aussi Centénarions, Centenariones. Ils ne jugeoient que des affaires de peu de conséquence, & Walafridus Strabo dit qu’on peut les comparer aux Prêtres qui gouvernent les Eglises où il y a des fonts baptismaux ; c’est-à-dire, aux Curés, & aux moindres Prêtres. Outre les Auteurs cités, on peut voir le Glossaire Salique de Chifflet, & les Gloses de M. Pithou.

☞ Les Comtes assembloient les hommes libres, & les menoient à la guerre. Ils avoient sous eux des Officiers qu’ils appeloient Vicaires ; & comme tous les hommes libres étoient divisés en centaines, qui formoient ce qu’on appelle un Bourg, les Comtes avoient sous eux des Officiers qu’on appeloit Centeniers, qui menoient les hommes libres du Bourg ou leurs centaines à la guerre. Montesq.

☞ Encore aujourd’hui, en parlant de la Milice des bourgs & villes du Royaume ; on appelle Centenier, un Officier qui commande cent hommes.