Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CENT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 360).
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☞ CENT. adj. numéral de t. g. & quelquefois substantif masculin. C’est le carré de dix, le produit de dix par dix ; un nombre qui contient dix fois dix, cinq fois vingt. Centum. C’est ce nombre qui commence la troisième colonne des chifres arabes, disposés en ordre d’Arithmétique. Il faut cent ans pour faire un siècle. Une compagnie de cent maîtres. Une Hydre à cent têtes. Cent hommes & cent femmes. Cent un, cent deux, cent trois. Cent un an, cent un chevaux. Cent mille. Cent millions. Au pluriel on dit & on écrit cents ou cens. Deux cens ans, deux cens hommes. Richelet écrit avec un t au pluriel, quand il suit une consonne, deux cens pistoles. Mais cette ortographe est mauvaise. Il faut une s au pluriel, parce qu’on la prononce nécessairement dans deux cens ans, deux cens hommes. Ainsi on ne doit pas moins écrire deux cens pistoles, quoique l’s ne s’y prononce pas, par la règle générale des pluriels. Quand on marque l’année courante depuis une époque, comme quand on dit l’an mil sept cent trente-deux depuis la naissance de J. C. Cent ne prend pas d’s, en cette occasion, quoique précédé de sept, parce que c’est un nombre absolu pour un nombre ordinal, & que l’on n’y parle que d’une année, comme s’il y avoit, l’an millième sept centième trente-deuxième. Restaut.

☞ Cent est aussi s. m. Un cent de pommes. Un cent de fagots. Un cent de marons. C’est en ce sens qu’on disoit dans la dernière édition de ce Dictionnaire, que cent étoit un terme numéral masculin. Mais on ne disoit pas un adjectif numéral seulement masculin. Ainsi la critique des Vocabulaires porte évidemment à faux, & fait dire à l’Editeur ce qu’il ne disoit point.

☞ On dit jouer un cent de piquet, jouer une partie de cent points au piquet.

Ce mot vient du latin centum, qui vient du grec κεντεῖν, pungere. À chaque cent on faisoit un point. Ce mot a été pris du celtique Cant. Pezron. Cant est-il celtique, & n’est-il point Roman ?

Cent, signifie un nombre grand, incertain, indéterminé. Je lui ai dit cent & cent fois. Sæpius. Cet homme a cent défauts, cent perfections. Multus, plurimus. Je remarquois en elle cent attraits. Voit. On fit encore cent réflexions dans lesquelles on s’empressa de rendre justice au mérite de ce savant homme. (M. Perrault) {{Mlle l’Héritier.

Cent en terme de commerce, sert à régler la proportion du profit de l’intérêt qu’on fait dans le négoce. On demande deux & demi pour cent pour remettre de l’argent en une telle ville. L’intérêt ordinaire de la place est de huit pour cent, ou le denier douze. Les Hollandois qui trafiquent aux Indes gagnent cent pour cent, c’est-à-dire, le double. Centesimum fructum afferre. Rapporter cent pour cent.

Cent est encore un terme de commerce, qui sert à exprimer certaine quantité des choses dont on trafique. Un cent de sel à Amsterdam, c’est-à-dire quatorze tonneaux.

Un cent de sel de Marenne, de brouage, de l’Île de Ré, &c. c’est-à-dire, vingt-huit muits ras, à vingt quatre boisseaux par muid.

Cent de bois. C’est la mésure des bois de charpente en œuvre de différentes longueurs & grosseurs. Cent fois la quantité de douze pieds de longs sur six pouces de gros, qui font cent pièces de bois, à quoi on les réduit pour les estimer.