Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CEILAN ou CEYLAN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 342-343).
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CEILAN ou CEYLAN. Le P. Bouhours écrit toujours ainsi. Ceilanus, Ceilania, Taprobana. Île de l’Océan oriental, située au levant méridional de la presqu’île de l’Inde, deçà le Gange, entre le 121e degré de longitude, & entre le 6e & le 10e de latitude au nord, dit Maty. Mais selon les Observations du P. Noël, Jésuite, cette longitude est fausse de plus de 20 degrés. Car, selon lui, Trinquemale, ville à l’orient de l’Île de Ceilan, diffère du méridien de Paris, qui est au 20e degré, de 81d 8′ 15″, & par conséquent cette ville de Ceilan, & la côte orientale de l’Île est au 101e degré 15 secondes. Elle n’est séparée du Continent de la côte de Coromandel, & de celle de la pêcherie, que par le détroit de Chilao, ou de Manar, qui est fort étroit, & si peu profond, que quelques Auteurs écrivent que les éléphans le passent à gué. Elle est pleine de montagnes fort hautes, principalement vers le milieu. On y voit en plusieurs endroits plusieurs forêts si épaisses, qu’elles sont impraticables. Le reste du pays, qui est bien cultivé, est fort fertile en toutes sortes de fruits, figues, raisins, grenades, oranges, limons, citrons, sucre, tabac, & principalement en riz & en canelle, dont il y a des bois entiers. On y trouve aussi du gingembre & du cardamome. L’Huillier, dans son Voyage des Indes, dit qu’on y cueille aussi le girofle, la noix muscade & du poivre, que l’odeur du girofle est si forte, qu’elle le fait sentir dans toute l’île, & même à quelque distance en mer. Mandeslo, plus croyable, dit que c’est la canelle qui porte son odeur bien avant dans la mer. Il y a aussi beaucoup d’aréca, dont les habitans font un grand commerce. On y trouve des pierres précieuses, & l’on y pêche des perles. La pêche s’en fait depuis l’onzième Mars jusqu’au vingtième d’Avril. L’Île de Ceilan nourrir des bœufs, des brebis, & surtout une grande quantité d’éléphans sauvages & domestiques, qui ne font pas si grands que ceux que l’on rire de la terre ferme, mais qui ont, dit-on, plus de courage & de docilité. Les Hollandois les vendent aux Maures & aux Persans, & en tirent un grand profit. Schoten dit qu’il y a des satyres, dont nous passerons au mot Satyre. Il y a aussi un nombre prodigieux de singes & de guenons très-incommodes, & qui désolent tout le pays.

En 1505, les Portugais, sous la conduite de Laurent Almeida, abordèrent en cette Île. En 1517, ils eurent permission de faire des retranchemens autour de l’endroit où ils s’étoient postés. Ces retranchemens se changèrent bientôt en forteresses. C’est ainsi que Colombo fut bâtie. En 1597, le Roi de l’Île étant mort sans enfans, déclara le Roi de Portugal son héritier. En 1623, le Roi de Gandy ou Candy, leur fit la guerre ; mais ayant été défait & vaincu, il fut obligé en 1632, d’accepter sa paix, à condition de payer tous les ans un tribut de deux éléphans. En 1639, son fils recommença la guerre. Les Hollandois allèrent à son secours. La guerre dura jusqu’en 1644, que l’on fit une trêve de huit ans. La guerre ayant recommencé en 1655, les Hollandois chassèrent les Portugais, & ils sont maintenant les seuls qui y commercent.

Avant que les Hollandois fussent dans cette Île, on la divisoit en cinq Royaumes principaux ; ceux de Trinquemale, de Baticalo & de Jala, ou Yale, vers le Levant ; & ceux de Ceitavaca & de Candex, vers le couchant. Aujourd’hui on ne la divise qu’en trois parties principales. Presque toutes les côtes appartiennent aux Hollandois. On y joint les Îles de Jaffanapatan, de Manar & de Calpentin. C’est la première partie, dont la principale contrée est le Canneland, ou pays de la canelle, & la ville capitale Colombo. La seconde partie est le Royaume de Candea vers le midi ; & la troisième le pays de Wanny au nord.

On croit que l’Île de Céïlan est la Taprobane des Grecs & des Romains. Les Romains la nomment Tiranisin, c’est-à-dire, Terre de délices, & ils croient que ç’a été le lieu du Paradis Terrestre. Il y a une fort haute montagne, à laquelle quelques-uns donnent sept lieues de haut, & d’autres seulement deux, que l’on nomme le Pic d’Adam, parce que tous les Habitans disent qu’Adam y a été enterré. Quelques Auteurs prétendent que Céïlan est l’Ophir de Salomon. Les Historiens de l’Ile de Céïlan sont Mandeslo, Voyage des Indes, Liv. II ; Jean Ribeyro, Histoire de l’île de Céïlan ; Robert Knok, Relation du Voyage de l’île Céïlan ; Gauthier Schouten dans son Voyage aux Indes Orientales. Voyez aussi le VIe Recueil des Lettres édifiantes & curieuses, pag. 79.

Wicqfort, dans sa Traduction de Mandeslo, dit Ceylon ou Zeylon, mais mal ; l’usage est de dire en notre langue Céïlan. Maty le fait tantôt masculin, & tantôt féminin, disant le Céïlan Hollandois, & la Céïlan Hollandoise. Ni l’un ni l’autre n’est autorisé par l’usage. On ne dit guère Céïlan seul, on y joint le nom île. L’île de Céïlan est grande, est fertile, est abondante en canelle, & non pas, Céïlan est grand, ou grande, fertile, &c. Les Arabes l’appellent Serandib & d’Herbelot a remarqué que les Géographes Orientaux, en parlant de cette île, ne font aucune mention de l’arbre de canelle, qui ne croît que dans cette Île, soit, dit-il, qu’il ne s’y trouvât pas encore de leur temps, & qu’il y ait été transporté d’ailleurs, comme de la Chine ; ce qui a fait donner à cet arbre le nom de Dar Tchin en orient, mot qui signifie Bois de la Chine ; ou qu’il faille entendre cet arbre, sous le nom de Nargil, dont ils parlent.