Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CATARACTE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 316-317).

CATARACTE, s. f. Terme de Médecine & de Chirurgie. Une taie ou petite peau, qui nage dans l’humeur aqueuse, & qui se mettant au-devant de la prunelle de l’œil, empêche que la lumière y puisse entrer. Oculi suffusio. Elle se forme par la condensation des parties les plus visqueuses de l’humeur aqueuse, entre la tunique uvée & le cristallin. Quelques-uns croient que cette pellicule se détache du cristallin qui n’est qu’un composé de plusieurs petites pellicules appliquées les unes sur les autres.

Il y a deux sortes de cataractes, la véritable, & la fausse : la véritable vient d’une humeur amassée dans l’œil, coagulée & fixée dans cette partie dont elle ôte l’usage ; la fausse vient des vapeurs qui sont portées aux yeux par quelque accident, comme par une fièvre. La véritable cataracte a différens noms. Dans le commencement les malades voient comme des nuages, des poils d’étoffe, de petits points répandus sur les objets qu’ils regardent : la cataracte en cet état s’appelle imaginaire, parce qu’on ne l’apperçoit point encore dans les yeux de ceux à qui elle vient. Quand la suffusion augmente, la prunelle paroît de couleur de vert de mer, ou de vert sale, ou comme l’air rempli de nuages : alors la cataracte s’appelle eau, ou descente d’eau. Quand le mal est arrivé à son plus haut période, & que la matière est suffisamment coagulée, le malade ne voit plus, la prunelle n’est plus transparente, mais blanche, ou de quelqu’autre couleur ; & c’est ce qu’on appelle proprement cataracte. Voyez Degori, Trésor de la Pratique de Médecine.

Pour la cure de la cataracte, on a recours à l’opération, qui se fait en perçant avec une aiguille emmanchée, la conjonctive & la cornée : on pousse ensuite cette aiguille au-dessus de la cataracte, & on tâche de l’abaisser doucement, la tenant un peu de temps sujette. Willougby observe dans son Ornithologie que le fiel de perdrix est bon pour les cataractes.

☞ Contre cette théorie commune, M. Heister & plusieurs autres Savans Médecins & Chirurgiens prétendent que la cataracte n’est autre chose que le cristallin épaissi, & qui ayant perdu sa transparence, refuse le passage aux rayons, & les empêche de passer jusqu’à la rétine ; qu’ainsi quand on croit abaisser une petite membrane, c’est le cristallin même que l’on abaisse. La plus forte raison sur laquelle ils appuient cette hypothèse, c’est qu’après l’opération de la cataracte, on ne voit point sans loupe. Or, disent-ils, si l’on n’avoit abattu qu’une membrane étendue devant le cristallin, la loupe ne seroit pas plus nécessaire qu’auparavant ; au contraire, si l’on a abattu le cristallin il est évident qu’il faut une loupe à sa place pour donner aux rayons la direction qu’ils doivent avoir avant que d’arriver à la rétine.

☞ Mais M. Geisler fit voir dans un œil où l’on avoit fait l’opération de la cataracte, le cristallin sans aucune altération & dans sa place naturelle, & l’on trouva une membrane épaisse dans l’endroit où l’aiguille l’avoit poussée. On a vu plusieurs fois la même chose. La cataracte est dans une membrane distinguée du cristallin.

☞ D’ailleurs, il s’est trouvé des personnes qui, après l’opération de la cataracte, ont vu sans loupe ; &, si pour l’ordinaire, on en a besoin, c’est que, quoique la cataracte soit abattue, le vice qui l’a produite est encore dans l’humeur aqueuse : elle est toujours trop épaisse & trop trouble, & par conséquent elle ne laisse pas passer de rayons en allez grande quantité.

☞ Il arrive quelquefois qu’une personne qui a vu immédiatement après l’opération, est entièrement privée de la vue au bout de quelque temps, parce que la pointe de l’aiguille aura entamé la surface antérieure du cristallin, & aura ouvert la membrane dont il est enveloppé. Cette membrane ouverte, le cristallin se plisse & se ride, quoique cela n’arrive pas dans l’instant de la blessure où le cristallin, humecté par l’humeur aqueuse dans sa partie blessée, doit être quelque temps sans perdre sa configuration, du moins sensiblement.

☞ D’après toutes ces observations, il paroît vraisemblable de dire que ce qu’on appelle cataracte, est quelquefois une véritable membrane formée par les parties hétérogènes introduites dans l’humeur aqueuse, & quelquefois le glaucome, ou le cristallin obscurci qu’on abat quelquefois l’un & quelquefois l’autre. Car après l’opération on voit quelquefois sans loupe, comme auparavant. Verroit-on de la sorte, si le cristallin, qui rapproche les rayons, étoit déplacé ? Souvent après l’opération, on ne voit que de gros caractères, & avec une forte loupe. Si l’on n’avoit tiré qu’un rideau de devant le cristallin, & s’il étoit demeuré à sa place, sans être obscurci, ne verroit-on pas mieux ?

La cataracte s’appeloit autrefois coulisse ; & quand elle venoit à s’endurcir, maille ou bourgeon ; si elle n’arrivoit qu’à un des yeux, vairon ou bigarré : mais tous ces termes ne sont plus en usage. En grec ὑπόχυμα (hupochuma).

Cataractes, au pluriel, se dit d’une chute d’eau, qui tombe naturellement, d’une pluie extrêmement abondante. Cataracta, cataractes. Dieu ouvrit les cataractes des cieux, quand il envoya le déluge.

Ce mot de cataractes, vient du grec καταράσσω (katarassô), cum impetu decido. Le mot cataracte se trouve, en ce sens, dans le procès de la vie de saint Thomas d’Aquin, fait en 1319, ch. 2 ; & Act. SS. Mart. Tom. II, 97, A. & 244, F. &c.

On appelle aussi cataractes du Nil, deux lieux où le Nil fait des chûtes, & tombe sur des rochers escarpés. Ptolémée, Strabon & Pline en font mention. Voyez Nil. Les cataractes du Nil se nommoient autrefois catadupes dans la basse latinité. ☞ On appelle généralement cataracte, la chûte, le saut d’une rivière qui se précipite de haut en bas. Strabon appelle cataracte, ce qu’on appelle aujourd’hui la cascade de Tivoli. Catadupe, signifie la même chose que cataracte.

La cataracte du Parana, est la plus belle & la plus surprenante qui soit au monde. Nous en parlerons au mot Parana.

Jean Herbinius a fait des Dissertations sur les cataractes du monde. Dissertationes de admirandis mundi cataractis supra & subterraneis, Amstel. 1684 ou 85, & il entend par cataractes, les mouvemens violens des élémens. C’est donner à ce nom une signification bien étendue & bien nouvelle.

On appelle cataractes, les portes grillées & treillissées, & même les herses ou sarrasines qu’on fait tomber par des coulisses, en cas de besoin. Porta cataracta. On l’a dit aussi des guichets & portes treilliifées des prisons, qui ont fait appeler un Geolier Cataractarius. Voyez Cataractaire.

Cataracte, s. f. Oiseau marin, si semblable au mouchet, qu’à peine l’en peut-on distinguer. Cataractes, Oppien l’a décrit d’une manière fort détaillée. Ses ailes & son dos sont diversifiés de tanné, de blanc & de jaune, mêlés ensemble. La cataracte est toute blanche par-dessous, avec des taches brunes ; elle donne sur sa proie comme l’épervier, & pour la prendre, elle se sert de son bec, qui est long & gros à proportion de son corps, robuste, pointu & un peu courbé. La couleur en est noire ; son cou est longuet ; sa tête médiocrement grosse. Ses ailes finissent à l’extrémité de sa queue, qui est noire & longue d’environ trois pouces. Ses cuisses sont couvertes de plumes jusques sur les jambes, qui sont, ainsi que les pieds & leurs membranes, de couleur cendrée. Ses ongles sont noirs, crochus & petits. Cet oiseau ne se plaît que dans les lieux maritimes. Oppien rapporte des choses fort singulières de sa manière de faire son nid, & de faire éclorre ses petits, &c. mais apparemment fabuleuses. La chair de la cataracte est d’un très mauvais goût, parce qu’elle sent fort la sauvagine.