Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CASSIER ou CANÉFICIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 306).
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CASSIER ou CANÉFICIER. Cassia purgatrix. Arbre qui porte la casse. Il croît de la hauteur de nos noyers : son écorce est plus fine & plus lisse. Le bois de son tronc est d’un rouge brun, ferme ; couvert d’un aubier pâle : ses feuilles sont arrondies à leur base, pointues à leur extrémité, larges de deux pouces sur quatre environ de longueur, d’un vert brun, rangées par paire sur une côte terminée par deux feuilles. Du même endroit que naît la côte qui soutient les feuilles, part aussi une branche chargée de fleurs jaunes portées sur des pédicules assez longs. Elles sont à cinq pétales, d’un beau jaune, arrondies, creusées en manière de cuilleron, inégales ; deux sont plus amples que les autres, & ont près d’un pouce de diamêtre. Elles sont toutes soutenues par un calice à cinq découpures ovales, longues de trois lignes sur deux & demi environ de largeur, creusées en cuilleron, d’un vert jaunâtre. De leur milieu s’élèvent dix étamines d’un jaune pâle, inégales : c’est-à-dire, dont les unes sont plus longues que les autres, & dont trois sont crochues, pendant que les sept autres sont droites. Elles sont chargées de sommets jaunes, & entourent un pistil qui est mince d’abord, crochu & verdâtre, & qui devient ensuite une gousse d’un pied & demi de long, d’un pouce environ d’épaisseur, composée de deux cosses minces, ligneuses, fort voûtées, & si fort unies ensemble qu’elles ne peuvent se séparer : il n’y reste pour trace de leur union qu’une raie & un rebord qui subsistent des deux côtés de la gousse. Elle est ligneuse, couverte d’une écorce fine, qui devient basanée ou couleur châtain, & est divisée en dedans en plusieurs cellules par des cloisons transversales & parallèles. Chaque cellule contient une semence arrondie, aplatie, dure & d’un châtain clair ; les parois de ces cellules sont revêtues d’une moëlle ou pulpe noire, douceâtre & sucrée. Le caneficier fleurit dans nos Îles Antilles aux mois d’Avril & de Mai ; pour lors il est dépouillé de ses feuilles. La gousse du cassier se nomme communément la casse, Siliqua cassia. Voyez ce mot.

Il y a un cassier ou caneficier du Brésil, qui est beaucoup plus gros que le précédent ; son écorce bien plus épaisse, se gerse, & est relevée de plusieurs veines qui parcourent toute sa surface ; les rebords qui marquent la jonction des deux cosses, forment un cordon considérable des deux côtés de la gousse. Elle est partagée de même en plusieurs cellules dans son intérieur. On croit cette casse moins purgative. Marcgrave la nomme Tapyracoaynana ; & Bauhin, cassia fistula Brasiliana.

Il y a des cassiers dans les Îles de l’Amérique. Ce sont de beaux & grands arbres, qui ont les feuilles presque semblables à celles de l’accacia, que nous avons en France ; mais deux fois plus grandes, plus pointues, plus fortes & plus écartées. Cet arbre fleurit gris-de-lin, ou couleur de fleur de pêcher, & non pas jaune comme celui du Levant. Ses tuyaux sont longs de deux pieds, & deux ou trois fois aussi gros que les autres. Quand il est dépouillé de ses feuilles (ce qui lui arrive tous les ans une fois,) il se couvre entièrement de grands bouquets de fleurs, longs d’un bon pied, en forme de panache, de couleur de fleurs de pêcher. Sur chaque bouquet il croît tout au plus un ou deux bâtons de casse. Ces bâtons ont la forme de ceux du Levant, mais ils sont longs de deux pieds, & presque gros comme le bras : l’écorce en est basanée, rude, & fort difficile à rompre. Les petites séparations qui sont dedans, sont aussi extrêmement dures ; de sorte qu’on a bien de la peine à les monder, & à en tirer la moëlle. Quand elle est récente, elle ressemble fort à celle du Levant, soit par sa couleur, qui est pourtant moins noire, soit par le goût, qui est un peu gras & douceâtre, à peu près comme les pruneaux ; soit par l’effet purgatif ; si ce n’est que causant des tranchées, elle ne purge pas si aisément. P. Du Tert.

On a aussi planté des grains de cassiers du Levant dans les Îles, qui y sont fort bien venus. Ils ne sont pas si hauts que les autres ; mais ils ont les feuilles plus longues & plus polies : ils fleurissent & se dépouillent comme eux ; ils portent un grand panache revêtu de plusieurs fleurs jaunes, assez ressemblantes à celle du pied d’alouette ; mais un peu plus grandes, d’une couleur qui a quelque rapport à celle de la giroflée jaune. Le bois de cassier est si cassant, qu’une branche grosse comme la jambe ne pourroit porter un homme sans risque de rompre. Id.

Cassier ou caneficier bâtard, c’est le terme par lequel on distingue dans les Îles d’Amérique certaine espèce de caneficier, dont les gousses ne sont point remplies de cette moëlle purgative. Cassia silvestris. Voyez Du Tertre, Rochefort, Plumier, Tournefort.