Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CARROSSE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 286-287).
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CARROSSE. s. m. Voiture commode pour aller par la ville & à la campagne. Rheda, currus, petoritum, carpentum, essedum. C’est un vaisseau propre à tenir plusieurs personnes, suspendu avec de grosses courroies sur quatre moutons, posé sur un train à quatre roues. Ses parties sont le train, le bateau, l’impériale, les quenouilles, les fonds, les portières, les mantelets, les gouttières. Teissier, dans ses Eloges des Hommes ilustres, remarque que du temps de François I, il n’y avoit à Paris que deux carrosses, celui de la Reine, & celui de Diane, fille naturelle d’Henri II, & que le premier des Seigneurs de la Cour qui en eut un, fut Jean de Laval de Bois-Dauphin, qui, ne pouvant se tenir à cheval à cause de son excessive grosseur, fut contraint de se servir de cette voiture. Les Ducs & Pairs ont le privilége d’entrer en carrosse dans le Louvre ; & les Duchesses, de mettre des housses sur leurs carrosses.

Ménage dérive ce mot de carruca, ou carrucha, qui se trouve ainsi écrit dans les Pandectes de Florence. On trouve carroccium, pour un char de guerre, Acta SS. Maii, Tome VII, p. 39. D. Le mot carrosse vient de carrus, carrum. Schrieck fait venir le nom françois carrosse, & le mot latin carrum, de l’hébreu חרוץ, carots, plaustrum, chariot.

Un carrosse coupé, est un carrosse qui n’a qu’un fond sur le derrière, & qui n’a tout au plus sur le devant qu’un strapontin. Currus accisus. Un carrosse à glaces, c’est celui qui est garni de glaces. Laminis cristallinis instructus, ornatus. Un carrosse drapé, est un carrosse de deuil, garni de drap dehors & dedans. Pullatis intra extraque pannis opertus. L’attelage d’un carrosse s’entend de six chevaux avec un volontaire, pour servir à la place de quelqu’un des autres à qui il arriveroit quelque accident. Ce Prince a trois attelages de carosse. L’attelage ordinaire n’est que de deux chevaux.

D’où vient cet embaras, ces carrosses de file ?
Quel spectacle nouveau fait accourir la ville ? Vill.

On appelle un homme à carrosse, une Dame à carrosse, ceux qui se distinguent du peuple par l’équipage d’un carrosse qu’ils entretiennent, qui font rouler carrosse. La sottise de l’esprit humain est telle, qu’il n’y a rien qui ne lui serve à aggrandir l’idée qu’il a de lui-même ; & si l’on y prend garde, il s’estime davantage à cheval, ou en carrosse, qu’à pied. P. Royal.

Les carrosses de louage sont de deux sortes. Les carrosses de remise & les carrosses de places, appelés communément Fiacres. Ces derniers à Paris ne sont pas si propres que les carrosses de remise. On les appelle carrosses de places, parce qu’on les trouve sur les places publiques à Paris, où ils attendent qu’on les loue ; & les autres, carrosses de remise, parce qu’ils ne sont point fut les places. Pour le nom de Fiacre, il vient du nom de celui qui a établi ces carrosses, & les a le premier fournis au public à Paris, & qui se nommoit Fiacre.

☞ Il y a aussi des carrosses publics pour aller d’une ville à une autre. Voyez Voiture publique.

Les Historiens, & sur-tout ceux d’Italie, ont appelé carrosse, le principal étendard d’une armée, qui étoit attaché à un arbre gros comme un grand mât, avec des cables, sur un chariot couvert d’écarlate, & tiré par quatre paires de bœufs caparaçonnés & couverts de satin blanc avec une croix rouge sur le milieu. Il avoit au haut une croix d’or fort brillante, & l’étendard étoit blanc chargé d’une croix rouge. Personne n’osoit prendre la fuite, tant qu’ils subsistoit debout. Il étoit à la garde d’un Capitaine, avec huit Trompettes & huit soldats d’élite, & il y avoit un Aumônier qui disoit tous les jours la Messe auprès. Les Auteurs en attribuent l’invention à Héribert, Archevêque de Milan vers l’an 1124. L’Empereur Othon IV, avoit un semblable carrosse. Plusieurs autres Princes en ont eu aussi, comme les Rois de Hongrie, & même les Sarrazins.

On appelle proverbialement un cheval de carrosse, un homme sans esprit, grossier & brutal.