Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CARAÏBE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 253).
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CARAÏBE. s. m. Nom de peuple. Les Caraïbes sont des sauvages de l’Amérique méridionale, qui ont possédé autrefois toutes les Antilles, & qui occupent encore les Îles de S. Vincent, de Bekia & la Dominique. C’est ce qui fait qu’on appelle aussi du nom de Caraïbes les Îles des Antilles, qu’on appelle encore Cannibales d’un autre nom que portent aussi ces peuples. Au reste nous disons Caraïbes en quatre syllables, & rarement Caribes. De la Borde a écrit une relation des mœurs, des coutumes & de la religion des Caraïbes. Le P. du Tertre en parle aussi dans son Histoire naturelle des Antilles. Tom. II, Traité VIIe & Lonvillers de Poincy dans son Histoire naturelle & morale des Iles des Antilles. Liv. II, chap. 9 & suiv. Le P. Du Tertre & Lonvillers, disent que les mots de Galibi & Caraïbe sont des noms que les Européens leur ont donnés, & que leur véritable nom étoit Callinago pour les hommes, & Callipona pour les femmes ; que les Insulaires Caraïbes étoient des Galibis de terre ferme, qui étoient venus conquérir ces Îles ; qu’ils avoient eu des Rois, & qu’il y avoit encore des Caraïbes descendus de ces Rois. Eux-mêmes ne s’appellent Caraïbes que quand ils sont ivres, ou quand ils sont parmi les Européens ; ceux des Îles se nomment Oubaobonon, c’est-à-dire, habitans des Îles ; & ceux de terre ferme Baloue-bonon, c’est-à-dire, habitans du continent. Lonvillers croit néanmoins qu’il est plus probable que ce nom ne leur a point été donné par les Espagnols, parce que 1°. Avant que les Espagnols & les Européens eussent mis le pied au Brésil, les Brasiliens nommoient Caraïbes les gens plus subtils & plus ingénieux que les autres, ainsi que Jean de Lery l’a remarqué dans son Histoire. 2°. Il est constant qu’il y a des Sauvages qui portent le nom de Caraïbes dans des quartiers du continent où les Espagnols n’ont jamais été ; car ceux qui demeurent dans ce continent méridional au-dessus du saut des plus célèbres rivières, s’appellent Caraïbes. Outre cela, il y a au continent septentrional une nation puissante, dit cet Auteur, composée de certaines familles qui se glorifient encore à présent d’être Caraïbes, & d’en avoir reçu le nom long-temps avant que l’Amérique fût découverte. Les Caraïbes des Îles s’en glorifient aussi. Les Caraïbes sont d’une grande ignorance & d’une grande simplicité. Quoiqu’ils n’aient point de temples, ni d’autels, ni presque de culte extérieur de religion, ils ont cependant un sentiment naturel de quelque Divinité, ou de quelque puissance supérieure & bienfaisante, qui réside aux cieux ; mais ils disent qu’elle se contente de jouir en repos des douceurs de sa propre félicité, sans s’offenser des mauvaises actions des hommes, & qu’elle est douée d’une si grande bonté, qu’elle ne tire aucune vengeance de ses ennemis : d’où vient qu’ils ne lui rendent ni honneur ni adoration. Ils reconnoissent aussi de bons & de mauvais esprits. Les bons esprits, dont ils font aussi des Dieux, sont en grand nombre ; & ils croient que chacun a le sien. Quoiqu’ils semblent n’avoir point de culte extérieur, comme on l’a dit, ils offrent cependant à leurs Dieux de la cassave & du ouïcou. Ils évoquent leurs faux Dieux, lorsqu’ils souhaitent leur présence ; mais cela se doit faire par le ministère de leurs Boyés, c’est-à-dire, de leurs Prêtres, ou plutôt de leurs Magiciens ; & chaque Boyé a son Dieu particulier qu’il évoque. Ils appellent l’esprit malin Maboya. Ils croient l’immortalité de l’ame, & qu’après la mort elle s’en va au ciel avec son icheiri, ou son chemiin, c’est-à-dire, avec son Dieu, qui l’y conduit pour y vivre en la compagnie des autres Dieux : & quand un d’entr’eux meurt, on tue ses esclaves, pour qu’ils aillent le servir dans l’autre vie. Voyez les Auteurs que l’on a cités ci-dessus.