Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CAPRICE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 242).

CAPRICE. s. m. Qualité opposée à la bonne société, qui fait qu’on s’écarte du goût des autres par inconstance ou changement subit de goût. Levitas, animi repentinus impetus. On le dit, quand au lieu de se conduire par la raison, on se laisse emporter à sa fantaisie, & à l’humeur dominante où l’on se trouve. Il faut laisser passer son caprice, sa fantaisie, sa mauvaise humeur. Je n’ai que faire d’essuyer tous ses caprices, ses fougues, ses boutades. Pour avoir toujours de l’espérance, il ne faut qu’avoir observé l’instabilité de la fortune, & le caprice des événemens, qui changent lorsqu’on y pense le moins. M. Scud. On me faisoit redouter les caprices de la multitude & de la légereté du public. La Bruy. Le caprice de notre humeur est encore plus bizarre que celui de la Fortune, Rochef. La prudence ne doit rien abandonner au caprice de la Fortune. Flech.

Je sais rendre aux Sultans de fidèles services ;
Mais je laisse au vulgaire adorer leurs caprices.

Racine.

Je veux bien que le sort ; par un heureux caprice,
Fasse de vos écrits prospérer la malice. Boil.


Que le peuple à son gré nous craigne, ou nous chérisse ;
Le sang nous met au trône, & non pas son caprice. Corn.

Le mot de caprice étoit nouveau du temps d’Henri Estienne, & lui sembloit fort étrange.

☞ Corneille a abusé de ce mot dans la Suite de son Menteur quand il a dit, je mis dans mon caprice. Cela ne peut signifier, dit Voltaire, je mis dans ma tête, dans ma fantaisie, dans mon imagination, dans mon esprit. On n’a point le caprice, comme on a une faculté de l’ame. On peut bien avoir un caprice dans son idée, mais on n’a point une idée dans son caprice.

Caprice se transporte élégamment par métaphore aux choses inanimées, & signifie irrégularité, variété, diversité dans les actions & les effets. Varietas, diversitas, abnormis ratio. En fait d’expériences, il ne faut pas se décourager aisément. Elles ont, pour ainsi dire, leurs caprices, que l’on surmonte avec le temps. Acad. des Sc. 1700. Hist. p. 136.

Caprice, fantaisie, se dit aussi par Métaphore, des pièces de Poësie, de Musique, d’Architecture & de Peinture, qui réussissent plutôt par la force du génie, que par l’observation des règles de l’art ; c’est pourquoi elles n’ont aucun nom certain. Subitus, fortuitus animi impetus. Ces sortes de compositions qui sortent des règles ordinaires, doivent être d’un goût singulier & nouveau. On les appelle fantaisies, caprices, parce que ceux qui les composent, se laissent aller à leur imagination. Saint Amant a intitulé quelques pièces Caprice. Les Caprices, ou postures de Calot Graveur. Caprices de Musique.

Caprice signifie quelquefois saillie d’esprit & d’imagination, & alors il se peut prendre en bonne part. Ce peintre, ce musicien a d’heureux caprices. Il y a des caprices si heureux, qu’ils valent mieux que le bon sens. S. Evr,

☞ Mais en général on entend par caprice, une composition bizarre, quoiqu’ingénieuse, qui est éloignée des préceptes de l’art.