Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CANDIDAT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 205-206).
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CANDIDAT. s. m. Celui qui brigue quelque charge, qui aspire à entrer dans quelque corps. Candidatus.

☞ Les Candidats ou aspirans aux charges de la République Romaine étoient ainsi nommés de la Robe-Blanche qu’ils étoient obligés de porter pendant les deux années qu’ils postuloient. Cette robe, dit Plutarque, devoit être simple, sans aucun autre vêtement, afin qu’on ne les soupçonnât pas d’avoir de l’argent caché pour acheter les suffrages ; & afin qu’ils pussent plus aisément faire voir au peuple les cicatrices des plaies qu’ils avoient reçues pour la défense de la République.

☞ La première année, ils demandoient au Magistrat la permission de haranguer le peuple ou de le faire haranguer par quelqu’un de leurs amis. Ils déclaroient à la fin de ces harangues qu’ils désiroient obtenir telle charge, sous son bon plaisir, le priant d’avoir égard au mérite de leurs ancêtres & à leurs services personnels. Cela s’appeloit profiteri nomen suum apud populum, & cette année annus professionis, qui étoit toute employée à se faire des amis parmi les grands & parmi les peuples.

☞ Au commencement de la seconde année les Candidats se présentoient au Magistrat, avec la recommendation du peuple, conçue en ces termes : Rationem illius habe, & le prioient d’écrire leurs noms sur la liste des prétendans : ce qui s’appeloit edere nomen apud Prætorem aut Consulem, ou profiteri apud Magistratum.

☞ Le Magistrat, après avoir vu la requête du Candidat, avec la recommendation du peuple, assembloit le Conseil ordinaire des Sénateurs, qui examinoient les raisons qu’avoit le Candidat de demander telle charge, & s’informoient de sa vie & de ses mœurs. Après cet examen, le Magistrat lui permettoit sa poursuite en ces termes : Rationem habeho, renuntiabo, ou s’il le rejettoit, il répondoit rationem non habebo, non renuntiabo.

☞ Les Tribuns s’opposoient quelquefois à cette permission que donnoit le Magistrat de poursuivre la brigue, lorsque celui-ci ne paroissoit pas assez instruit des défauts ou des raisons d’exclusion du postulant.

☞ Le tems de l’élection arrivé, le Magistrat indiquoit l’assemblée par trois jours de marché consécutifs que ceux de la campagne, comme des villes municipales & des colonies qui avoient droit de suffrage pussent descendre à la ville. Le jour venu, les Candidats vêtus de blanc, se rendoient de grand matin, assistés de leurs amis, au mont Quirinal ou sur la colline des jardins, qui avoient vue sur le champ de Mars, pour être plus facilement apperçus par le peuple. Le Président de l’assemblée, après avoir dit haut le nom des prétendans, & exposé les motifs des uns & des autres, appeloit les Tribus aux suffrages, & celui qui en avoit le plus, étoit déclaré Magistrat.

☞ Le nouveau Magistrat remercioit rassemblée sur le champ, & montoit au Capitole, pour y faire sa prière aux Dieux. Cet ordre changea un peu sous les Empereurs. César ne laissa au peuple que le droit de nommer les Magistrats inférieurs, & se réserva celui de nommer au Consulat. Encore gêna-t-il beaucoup le peuple, dans l’élection des charges qu’il lui avoit accordées. Tibère, successeur d’Auguste, ôta le droit d’élection au peuple pour le donner au Sénat. Néron le rendit au peuple ; le Sénat s’en désista pour toujours, & se contenta de proclamer dans le champ de Mars ceux que le peuple avoit élus pour conserver par-là quelque chose de l’antiquité des Elections. Voyez au mot Brigue les autres particularités.

On a appelé aussi du tems de l’Empereur Gordien, & longtems après, Candidati, les soldats de la Garde de l’Empereur qui étoient choisis de toutes les Légions, & qui étoient fort considérés à la Cour. S. Augustin, Ausone & Claudien, en parlent. Dans la vie de S. Hilarion, ch 17, il est parlé d’un Candidat de l’Empereur Constance qui étoit possédé du démon, & que le S. délivra de la possession. Ammien, L.XXV, & Victor Tunnunensis, dans sa Chronica, font aussi mention des Candidats. Voyez encore les fastes de Sicile, Cedrenus, Rosweid. Onom. Cedrenus dit que ce fut Gordien le jeune qui les institua, aussi-bien que les Protecteurs & les Scholares. Les Scholares étoient choisis dans les troupes : c’étoient ceux qui savoient le mieux le métier de la guerre : les Candidats étoient tirés des Scholares ; c’étoient ceux qui étoient les plus vigoureux, & qui avoient l’air le plus martial & le plus propre à inspirer de la terreur, dit la Chronique d’Alexandrie. Les Protecteurs étoient un ordre mitoyen ; c’étoient proprement les Gardes-du-Corps. Henschenius, Act. SS. Fehr, tom, II, p. 18.

M. Fleury, Hist. Eccl, L. II, n. 17, prétend que les Gardes qui portoient ce nom, étoient ainsi nommés, à cause de l’habit blanc dont ils étoient vêtus. D’autres disent seulement, parce qu’ils portoient quelque chose de blanc sur eux, ou dans leur habit. C’est l’Empereur Gordien qui institua les Candidats, choisissant les plus grands & les mieux faits de ses Gardes, pour en faire une compagnie, qu’il appela les Candidats. Voyez Capitolin dans la vie de cet Empereur, ch. I & II, & les notes de Saumaise sur cet Historien.

Tertullien appelle ceux qui demandoient le baptême, Candidati Dei. On appeloit aussi Candidats de l’éternité, ceux dont les âmes n’étoient point encore dans le ciel. ☞ Dans le tems de la vacance de la couronne de Pologne, on appelle Candidats, les prétendans à la couronne.

On appelle aussi Candidats dans les Facultés de l’Université, ceux qui sont sur les bancs pour parvenir au Doctorat. Acad. Fr.

Ce nom se donne en Sorbonne à ceux qui aspirent au Baccalauréat ; même pendant le tems qu’ils soutiennent leur tentative, on ne les traite que de Candidats.

Quelle honte, bon Dieu ! Quel scandale au Parnasse,
De voir l’un de ses Candidats
Employer la plume d’Horace
A liquider un compte, & dresser des états ! Royaum.