Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CANCER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 203-204).
◄  CANCELLI
CANCEREUX  ►

CANCER. s. m. Terme de Médecine. C’est une tumeur dure, inégale, raboteuse, ronde & immobile, de couleur cendrée, livide ou plombée, environnée de plusieurs veines apparentes & tortues, pleines d’un sang mélancolique & limoneux, qui ressemblent au poisson appelé cancer ou écrevisse. Cancer. Elle commence sans douleur, & paroît d’abord comme un pois chiche, ou une petite noisette ; mais elle croît assez vite, & dévient fort douloureuse. Les Cancers viennent aux parties glanduleuses & lâches, comme aux mammelles & aux émonctoires. En Grec καρκίνος, qui signifie aussi écrevisse. On appelle ainsi cette tumeur, parce qu’elle est à peu-près de la figure d’une écrevisse.

Ce mal vient principalement aux femmes, & surtout, dit Stolterfoth, à celles qui sont stériles, ou qui vivent dans le célibat. Les hommes en sont aussi attaqués, continue-t-il, & il y en a bien des exemples. La raison pour laquelle il s’attache plutôt aux mammelles, qu’aux autres parties du corps, vient de ce qu’étant pleines de glandes entre lesquelles il y a beaucoup de vaisseaux lymphatiques ou sanguineux, la moindre contusion, compression ou piqûre, peut faire extravaser ces liqueurs, qui s’aigrissent ensuite & forment le cancer. C’est de-là que les Maîtres de l’art disent que le cancer est aux glandes, ce que la carie est aux os, & la gangrène aux parties charnues. Le cancer vient cependant aussi en d’autres parties du corps molles & baveuses, & l’on a vu des cancers aux dents, au ventre, dans la partie intérieure du cou de la matrice, dans l’urètre, aux lèvres, aux narines, aux joues, à l’abdomen, aux cuisses, & même à l’épaule, comme Stolterfoth le prouve par différentes observations tirées des médecins. Le cancer se divise en cancer caché, occultus, & cancer ulcéré, ulceratus. Le premier vient, comme on l’a décrit ci-dessus. Voyez sur cela & sur toutes les circonstances, Etmuller, Chirurg. Medic. art. 4. & Carol. Musitanus Trutina Chirurgio-Physica, L. XI, c. 23. Le cancer ulcéré se connoît en ce qu’il est inégal, raboteux, plein de trous ; qu’il en sort une matière sordide, puante, gluante, & quelquefois jaune ; par la douleur insupportable qu’il cause au malade, en ce qu’il est noirâtre, horrible à voir, dur au toucher, quelquefois cependant mou ; en ce que les lèvres de l’ulcère sont grosses, enflées, rongées, rabattues en dehors ; que les veines voisines sont gonflées, variqueuses, noirâtres, & représentant en quelque sorte les pieds du cancer ; quelquefois les extrémités des veines & des petites artères sont rongées, & il en sort beaucoup de sang. Au cancer des mammelles les chairs voisines se consument tellement quelquefois, qu’on peut voir dans la cavité du thorax. Il cause une fièvre lente, un grand dégoût, & souvent des foiblesses ; quelquefois l’hydropisie suit, & enfin la mort. La cause prochaine de ce mal est un acide volatil trop corrosif, qui approche de la nature de l’arsenic, & qui se forme par le croupissement des humeurs, &c. Stolterfoth rapporte que lui & d’autres ont guéri ce mal avec du mercure, & par le moyen de la salivation. On trouve comment il s’y faut prendre dans Georg. Tromp, Disput. de Salivatione Mercuriali habita, Ienœ. Georg. Cour. Albin. Disp. habita Francof. 1689, Mich. Pantelius, De Mercurio & ejus usu medico, &c. Regiom. 1698. Etmul. Oper. tom. I. fol. 387 & seqq. & fol. 467. M. Alliot Médecin du Roi, a fait un fort bon Traité du cancer, imprimé à Paris en 1698.

Le cancer, quand il vient aux jambes s’appelle loup ; & quand il vient au visage, on l’appelle, noli me tangere. Le cancer ulcéré cause de très-grandes douleurs. Il y en a qui croient que le cancer ulcéré n’est autre chose qu’une multitude prodigieuse de petits vers qui dévorent, & qui consument peu à peu toute la chair de la partie. Dionis. Le cancer est d’un consentement unanime le plus horrible de tous les maux qui attaquent l’homme. On guérit le cancer par extirpation, quand il n’est point ouvert, & qu’il n’est encore qu’une tumeur de la grosseur d’une noix, ou tout au plus d’un petit œuf. L’amputation se fait quand le cancer occupe toute la mammelle, ou qu’il est ulcéré. Idem. Voyez Degori, dans le Trésor de la pratique de Médecine, où il rapporte, d’après différens Auteurs, quantité de remèdes pour le cancer.

CANCER de Galien. C’est un bandage à huit chefs, que Galien, Livre des Bandages, ch. 10. décrit pour bander la tête ; mais ceux qui s’en servent, ne le font qu’à six chefs. Voyez le Dictionnaire de M. Col de Villars.

Cancer, est aussi un des signes du Zodiaque, où quand le soleil est parvenu vers le 21 Juin, il est au Solstice d’Eté. C’est une constellation qui a 13 étoiles, selon Ptolomée, selon Kepler 17, & selon Bayer 35, qui sont de la nature de Mars & de la Lune : aussi le cancer est-il la maison de la Lune. Il a été ainsi nommé, à cause qu’il représente un cancre, ou écrevisse, ou que le soleil commence à reculer ou à retourner vers l’Equateur quand il y est arrivé, à la manière des écrevisses. On l’appelle aussi écrevisse, signe de l’écrevisse. Les Poëtes ont feint que c’est l’écreviffe que Junon envoya contre Hercule, lorsqu’il combattoit l’Hydre de Lerne. Hercule tua l’écrevisse, & Junon la transporta au ciel, & la mit au nombre des constellations. Le symbole du cancer est une figure composée de deux traits presque semblables au chiffre soixante neuf.

☞ TROPIQUE du Cancer. Voyez Tropique.