Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CAMILLE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 190-191).

CAMILLE. s. m. Nom d’homme. Camillus. Le Prince Camille, troisième fils de Louis de Lorraine, Comte d’Armagnac, & Grand Maréchal de Lorraine. Quand on parle des anciens Romains, on dit Camille, si l’on met ce nom seul : Camille s’exila lui-même pour prévenir sa condamnation. Mais si l’on y joint leurs noms, ou leurs prénoms, il faut retenir le nom Latin Camillus : Marcus Camillus défit les Falisques & les Veies. C’est ce Camille, qui retournant d’exil dans le temps qu’on pesoit aux Gaulois les deux cents livres d’or qu’on leur avoir promises pour les obliger à lever le siège de Rome, les prit au dépourvu, les chargea, & les obligea de se retirer avec perte. Ce même M. Furius Camillus triompha quatre fois, & fut cinq fois Dictateur.

Camille. s. f. est aussi un nom propre de femme. Camilla. La Camille de Virgile est une femme extraordinaire. Quand nous parlons des Italiennes qui portent ce nom, nous retenons le plus souvent la terminaison Latine & Italienne en a. La Segnora Camilla étoit sœur de Sixte V.

Camille. s. m. & f. est aussi le nom des jeunes garçons ou des jeunes filles qui servoient dans les choses secrètes, comme les noces & les sacrifices, & en particulier du jeune enfant qui servoit le Flamen Dialis, ou Prêtre de Jupiter.

Ce mot venoit de l’ancienne langue des Etruriens, à ce qu’il paroît, & se disoit pour Casmillus, comme on le peut conjecturer par le 543e vers du onzième Livre de l’Enéide de Virgile.

Nomine Casmillæ, Matrisque vocavit
Nomine Casmillæ, mutatâ parte, Camillam.

Ce nom dans cette ancienne langue signifioit Ministre. C’est pour cela que les Etruriens appeloient Mercure en leur langue Camille ; c’est-à-dire, Ministre des Dieux. Bochard, dans son Hierozoicon, L.II, c. 36, croit que ce mot étoit composé de deux mots Hébreux, ou Phéniciens, קסמי אל, Kosmé el, devins, ou Prêtres de Dieu. Car קסם signifie deviner. De Kosmé el, on fit Kosmel, & Casmil, & en ajoutant la terminaison Latine Casmillus. Le même Bochart, dans son Chanaan, L. I. c. 12, tire Casmillus de חדם hhadam, qui signifie ministrare, comme il paroît par l’Arabe hhadama, & de אל, El, Dieu. Vossius croit qu’on pourroit dériver Camillus, de Chemarim, qui se trouve au IVe L. des Rois, ch. XXIII, v. 5, & que l’on traduit Aruspices, Sacerdotes, Sacrificuli. Il doute cependant de la bonté de cette étymologie, parce que le mot Latin étoit originairement Casmillus ; & non pas Camillus. Voyez Varron, Lib. IV. De Ling. Lat. où il dit que les Samothraces usoient du même mot dans la même signification. Denys d’Halycarnasse dit aussi, L. II, que les Etruriens & les Pélagiens appeloient Cadoles ceux que les Romains se son temps nommoient Camilles. Macrob, Liv. III, Saturn. c. 8. Festus, au mot Flaminius, Servius sur le 557e vers du Livre XI, de l’Eneide, Vossius Etymol. & De Idolol. Lib, II, ch. 57, p. 312, Vigenere sur Tite-Live, p. 974. Dans une médaille de Caligula en grand bronze, qui d’un côté représente la piété assise, qui tient de la main droite une patère, dont elle semble verser quelques chose, avec l’inscription. C. caesar aug. Germanicus pm. tr. pot. & au revers un sacrifice devant un Temple. Divo aug. la petite figure qui est à gauche derrière le Prêtre semble être le Camille du Sacrifice.