Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CALOMNIE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 180).
CALOMNIER  ►

CALOMNIE. s. f. Fausse accusation d’un crime, imputation atroce & mal fondée, contre l’honneur & la réputation d’autrui. Calumnia, falsa criminatio. Il n’y a rien de plus ordinaire & qu’on punisse moins que la calomnie. La calomnie est un crime d’autant plus détestable, qu’on ne peut jamais réparer le mal qu’elle fait. On ne doit point hasarder légèrement une calomnie capitale. Arn. Il n’y a point d’excuse pour un calomniateur qui produit sa calomnie avec méditation & avec réflexion. Toute la puissance de la calomnie qui avoit triomphé de Socrate, ne fut que foiblesse contre la pureté des mœurs de Caton. Le Mait. Les plus gens de bien se laissent quelquefois tromper par l’artifice de la calomnie. Maimb. La calomnie se glisse où n’entreroit pas le calomniateur : la louange marche en tortue, & la calomnie a des aîles : elle peut en un moment voler du grenier d’un Ecrivain envieux, jusqu’aux palais des Princes. Fuselier. Dans les Coutumes & vieux Titres on appeloit calomnie, l’action ou demande par laquelle on mettoit quelqu’un en Justice, soit au civil, soit au criminel ; & il se disoit même d’une légitime accusation. On l’a dit aussi de la peine, ou amende imposée pour une action mal intentée & sans fondement.

Ce mot est tiré du verbe calvo, qui signifie tromper, frustrer quelqu’un.

Les Athéniens avoient fait une Divinité de la calomnie. Apelles en fit un tableau. Sur la droite du tableau paroissoit la crédulité, qui avoit de longues oreilles. Elle tendoit de loin la main à la calomnie qui s’avançoit. Elle avoit près d’elle l’ignorance, sous la figure d’une femme aveugle, & de l’autre côté le soupçon représenté par un homme agité d’une inquiétude secrette. Vis-à-vis étoit la calomnie, représentée sous la figure d’une belle femme, & ornée de beaux atours, mais dont le visage étoit enflammé & sembloit respirer la colère & la rage. Elle tenoit un flambeau allumé de la main gauche, & de la droite elle traînoit par les cheveux un jeune homme, qui levoit les mains au ciel, & sembloit prendre le ciel à témoin. Elle étoit précédée d’un homme pâle, maigre, d’un visage hâve, d’un regard fixe, & semblable à un homme qui sort d’une longue maladie. Il représentoit l’envie. Derrière étoient deux femmes qui conduisoient la calomnie, & qui ajustoient ses ornemens. L’une étoit l’Embûche, & l’autre la Tromperie. Derrière suivoit le repentir vêtu d’habits noirs & déchirés, & qui tournant la tête en arrière, avec des yeux tout baignés de larmes, & un visage couvert de honte, sembloit recevoir la Vérité qui s’avançoit. ☞ Apelles fit présent de ce tableau à Ptolémée, Capitaine d’Alexandre, pour se venger de la calomnie d’un autre Peintre qui l’avoit accusé d’avoir eu part à la conspiration faite contre ce prince.