Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CALENDRIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 171-172).
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CALENDRIER. s. m. Distribution du temps que les hommes ont ajustée à leurs usages ; table ou almanac qui contient l’ordre des jours, des semaines, des mois & des fêtes qui arrivent pendant l’année. Fasti, Calendarium. On se sert dans le Bréviaire du Calendrier Romain ou Grégorien. Le Pape Grégoire XIII a réformé le Calendrier la nuit du 4 d’Octobre ; & le lendemain, au lieu du 5, on compta le 15 du même mois de l’année 1582, en retranchant 13 jours qui s’étoient glissés de trop dans la supputation ordinaire, depuis le Concile de Nicée, tenu en 325. L’erreur venoit de ce que l’année solaire, ou Julienne, n’est pas de six heures entières au-delà des 365 jours. Il y a 11 minutes ; & ce qu’il y a de moins avoit produit un excès de 10 jours : en sorte que l’équinoxe de Mars, qui doit être au 21, étoit remonté jusqu’au onzième. Le Calendrier Romain doit sa première origine à Romulus. Il distribua le temps en certaines portions, pour l’usage du peuple qui s’étoit rassemblé sous sa conduite. Comme il connoissoit beaucoup mieux les affaires de la guerre, que les mouvemens astronomiques, il divisa l’année en dix mois, & la fit commencer au printemps, & au premier de Mars. Il s’imagina que le soleil parcouroit toutes les différentes saisons de l’année en 304 jours. Son Calendrier fut réformé sous le règne de Numa, lequel y ajouta deux autres mois, celui de Janvier & de Février, qu’il plaça avant le mois de Mars, ainsi son année étoit de 355 jours : & il la fit commencer au premier de Janvier. Cependant, à la manière des Grecs, il voulut encore faire une intercalation de 45 jours, qu’il partagea en deux, intercalant au bout de deux années un mois de 21 jours, & après deux autres années, un autre mois de 23 jours. On appela ce mois interposé, Mercedonius, ou Février intercalaire. Mais ces intercalations mal observées par les Pontifes, à qui Numa en avoit commis le soin, causèrent tant de désordre dans la constitution de l’année, que César, comme Souverain Pontife, travailla à y remédier. Il choisit Sofigenes, célèbre Astronome de son temps, lequel trouva que la dispensation des temps dans le Calendrier ne pouvoit jamais recevoir d’établissement certain & immuable, si l’on n’avoit égard au cours annuel du soleil. Ainsi comme la durée annuelle du cours du soleil est de 365 jours & 6 heures : il régla l’année à un pareil nombre de jours. Cette année de la correction du Calendrier fut une année de confusion, parce que pour absorber & consumer le grand nombre de jours (67) que l’on avoit ajoutés mal-à-propos, & qui apportoient de la confusion dans la supputation des temps, il fallut ajouter deux mois, outre le Mercedonius, qui se trouva par hazard dans la même année. Elle fut donc de 15 mois ou de 445 jours : cette réformation fut faite l’an de Rome 708 & 42 ou 43 ans avant la naissance de Jésus-Christ. Le Calendrier Romain, ou Julien, parce qu’il fut réformé par Jules César, est disposé par périodes quadriennales, dont les trois premières années, qu’il appeloit communes, sont de trois cens soixante-cinq jours ; & la quatrième bissextile de 366, à cause de 6 heures qui font un jour en 4 ans, ou un peu moins : car en 134 ans, il faut retrancher un jour intercalaire. C’est pourquoi le Pape Grégoire XIIIe ordonna que la 100e année de chaque siècle, seroit sans bissexte, excepté la 100e du IVe siècle, c’est-à-dire, qu’on fait un retranchement de trois jours bissextes dans l’espace de quatre siècles, à cause des onze minutes qui manquent aux six heures dont on compose la bissexte. M. Cassini démontre qu’au bout de 400 ans il y aura encore plus de deux jours de variation dans l’équinoxe. Les Grecs & les Protestans, excepté la Hollande, gardent encore l’ancien usage.

Outre le défaut du Calendrier Julien dont on a parlé, il y en avoit un autre dans le cycle-lunaire, en ce qu’il supposoit qu’au bout de dix-neuf ans, les lunaisons revenoient au même lieu, ce qui est faux : elles précédent d’une heure 27′ 31″ 55″′. Voyez Clarius.

M. Blondel a écrit l’Histoire du Calendrier Romain, son origine & ses changemens, & Clavius lui-même en a fait aussi un traité. Gassendi en a fait aussi un beau traité. On ne parle que de Clavius pour la réformation du Calendrier Romain. Cependant Ciaconius y travailla avec lui par l’ordre de Grégoire XIII. On a ouï dire à M. Huet que Scaliger ne se fit Huguenot que par chagrin de ce qu’on ne l’avoit pas employé à la réformation du Calendrier ; car il se trouva en ce temps-là à Rome, à la suite des jeunes Gentilshommes François, dont il avoit été Précepteur, & qui voyageoient pour lors. Tychobrahé a observé que si la réformation Grégorienne n’a pas été portée jusqu’à la dernière précision, c’est qu’il est impossible d’y arriver. On a donné le nom de Calendrier aux tables dressées pour marquer les jours de l’année, parce que le nom de Calendes se voyoit écrit en gros caractères à la tête de chaque mois. Le Calendrier Gélaléen, c’est la correction du Calendrier Persien, faite par ordre du Sultan Gélaleddin-Malekschah le Selgiucide, & ensuite par le Sultan Gélaleddin Mankbemi le Kovaresinien. D’Herbelot. Cette réforme fut faite l’an 467 de l’Egire 188 de Jesus— Christ. Voyez le même Auteur au mot Moctadi.

Calendrier. Catalogue, fastes où les Eglises écrivoient autrefois les noms des Saints qui étoient honorés par-tout, & les Saints particuliers qu’elles honoroient, c’est-à-dire, leurs saints Evêques, leurs saints Martyrs, &c. On trouve encore aujourd’hui un très-ancien Calendrier de l’Eglise de Rome. C’est le plus ancien de ces Calendriers que nous ayons. Il fut dressé vers le milieu du IVe siècle sous le Pape Libere, selon Baillet, & selon M. Chastelain, sous le Pape Jules en 336. Le P. Gilles Boucher, Jésuite d’Arras, le publia l’an 1634 à Anvers, dans ses Commentaires sur le cycle paschal. Il venoit de M. de Peiresc. Poléméus Sylvius en fit un à Rome en 448, qu’il adressa à S. Eucher, Evêque de Lyon. Il comprenoit les fête, des Gentils & des Chrétiens, qui étoient encore en très-petit nombre. Bollandus en a donné le commencement, & a promis le reste en sa préface, adressée à l’Abbé de Liessies. Le Calendrier de l’Eglise de Carthage, dressé vers l’an 483, a été découvert par le P. Mabillon, qui en trouva à Cluni une copie rongée des vers, collée autour de la couverture de bois d’un Commentaire de S. Jérôme sur Isaïe, écrite en caractères romains du VIIe siècle ; elle a été depuis envoyée à Paris, où elle se conserve dans l’Abbaye de S. Germain des Prés. Ce Calendrier commence au 19e d’Avril, & finit au 16ee de Février. Le P. Mabillon l’a fait imprimer dans les Analectes avec des notes, & Dom Thierry sans notes dans ses Acta Martyrum sincera.

Le Calendrier de l’Eglise d’Ethiopie, & celui des Cophtes, a été dressé après l’an 760. Il commence au 29e jour d’Août, selon notre manière de compter ; c’est le premier jour de leur mois Thoth, & de leur année. Il marque à chaque jour ce qu’il y a de commun à chacune de ces églises, & ce qu’il y a de particulier à l’une & à l’autre. Job Ludolph l’a publié. Le Calendrier des Syriens, imprimé par Génébrard, est si imparfait, qu’on n’en peut presque rien tirer de sûr. Le Calendrier des Moscovites, donné par le Père Papebrock dans son Propilœum du mois de Mai, est presque entièrement semblable à celui des Grecs, donné par Génébrard, par plusieurs autres, & par le P. Papebrock lui-même dans le même Propylæum en vers hexamètres Grecs.

Le Calendrier qui se trouve au Xe Tome du Spicilége de Dom d’Achery, sous le nom d’année solaire, n’est qu’un ancien Calendrier de l’Eglise d’Arras. Le Calendrier publié en 1687 à Augsbourg par Beckius, sous le nom de Martyrologe de l’Eglise Germanique, n’est apparemment que l’ancien Calendrier d’Augsbourg, ou plutôt de Strasbourg, qui n’a été dressé, ou pour le moins écrit, que tout à la fin du Xe siècle, ou plutôt, puisque S. Ulrich mort en 975, & canonisé en 995, y est de la première main. Le Calendrier Mozarabique, dont on se sert encore dans cinq Eglises à Tolède, & dans une chapelle de l’église métropolitaine de la même ville ; l’Ambrosien de Milan, ceux des Eglises d’Angleterre, avant le schisme, n’ont que ce qui se voit dans ceux des autres Eglises d’Occident ; savoir, les Saints honorés par-tout, & ceux qui sont particuliers aux lieux pour lesquels ont été dressés ces Calendriers. Il y en a aussi de Cluny, de Sens & de Lisieux, & un du Bréviaire d’Aquilée, dit le Patriarchin. Celui-ci a été en usage à Côme jusqu’à S. Charles. Ce que Léo Allarius & le P. Fronteau de Sainte Geneviéve ont donné sous le nom de Calendrier, n’est qu’un ancien recueil d’Evangiles de la Messe. M. Chastelain parle de ces Calendriers dans l’avertissement de son Martyrologe plus en détail, & beaucoup plus exactement que M. Baillet dans le discours préliminaire de ses Vies des Saints.

Il ne faut pas confondre ces anciens Calendriers avec les Martyrologes. Car chaque église avoit son Calendrier particulier, au lieu que les Martyrologes regardent toute l’Eglise en général, & qu’ils renferment les Martyrs & les Confesseurs de toutes les églises ; en sorte que de tous les Calendriers on en a formé un Martyrologe, & ainsi les Martyrologes sont postérieurs aux Calendriers. C’est pourquoi l’Eglise de Rome n’a pas eu, non plus que les autres églises, un Martyrologe particulier. Aussi Usuard n’en a-t-il fait aucune mention, quoiqu’il ait parlé de tous ceux qui avoient composé des Martyrologes avant lui. Consultez la Dissertation de Henri de Valois touchant le Martyrologe Romain ; elle a été imprimée à la fin de ses notes sur l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe. Voyez aussi le P. Petau dans son savant ouvrage De Doctrina temporum, le Calendrier Romain par M. Blondel, &c.

On dit proverbialement, réformer le Calendrier, pour se moquer de ceux qui veulent trouver à redire à ce qui est bien fait.