Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CALE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 168).
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CALE. s. f. Terme de Marine. C’est le lieu le plus bas du vaisseau, la partie qui entre dans l’eau sous le franc tillac, & qui est dans un bâtiment de mer, ce qu’est la cave dans un bâtiment de terre. Elle s’étend de poupe en proue. Infimum navis tabulatum. ☞ Cette partie du vaisseau est divisée en plusieurs autres parties, où l’on renferme les poudres, le biscuit, les voiles, les cables, les futailles, &c. Ces différentes cales s’appellent joûtes ou fosses, & prennent leur dénomination des choses qu’elles renferment. Joûte au pain, joûte aux poudres, cale à l’eau, fosse aux cables, &c. Quand on combat, on enferme les Esclaves, les gens suspects, sous le tillac, à fond de cale.

Cale est aussi l’action par laquelle on plonge quelqu’un dans l’eau. Immersio. Ce fut autrefois un passe-temps dont usoient les Goths par forme d’exercice, comme ledit Olaüs Magnus ; mais ç’a été un supplice chez les Celtes & les François. Les Allemands l’ont pratiqué contre les infâmes & les fainéans, au rapport de Tacite. A Marseille & à Bourdeaux les hommes & les femmes, de mauvaise vie sont condamnés à la cale, ou à être baignés : & pour cela on les enferme nus en chemise dans une cage de fer amarrée à la vergue ou au palan d’une chaloupe, & calée plusieurs fois dans la rivière. On en fait autant à Toulouse aux blasphémateurs : & à Marseille, c’est aussi un supplice, ou plutôt un châtiment de gens de mer. On les attache à une corde, & on les jette dans la mer du haut de la vergue du grand mât : ce qui se fait une ou plusieurs fois suivant la qualité de la faute. Quelquefois on leur attache un boulet de canon aux pieds, pour rendre la chute plus rapide, & le supplice plus rude. On appelle la cale sèche, lorsque le patient est suspendu à une corde racourcie qui ne descend qu’à cinq ou six pieds de la surface de la mer ou de la terre : c’est une espèce d’estrapade. Ce châtiment est rendu public par un coup de canon qu’on tire, pour avertir ceux de l’escadre ou de la flotte d’en être spectateurs.

La grande cale, ou la cale par-dessous la quille, est une sorte de supplice en usage parmi les Hollandois. On attache le coupable à une corde par le milieu du corps, puis on le jette à la mer ; alors quelques matelots des plus forts, qui sont de l’autre côté du vaisseau, tirent promptement la corde qui est passée par-dessous la quille, & font ainsi passer sous le vaisseau le coupable qui est attaché à la même corde. La grande cale est un supplice rude & dangereux.

Du Cange dit qu’on a appelé cela dans la basse Latinité accabussare, & qu’il vient du mot gascon cabussa, signifiant faire la culbute, se jeter la tête la première.

Cale est aussi un abri ou rade qu’on trouve sur la côte derrière quelque terrain éminent, qui peut mettre de petits bâtimens à couvert des vents & des flots. Apricæ sauces, promontorium. On l’appelle autrement calangue. Ce mot n’est en usage que sur la Méditerranée.

Cale est aussi une espèce de talus sur le bord de la mer, en sorte qu’on y monte facilement, pour tirer les vaisseaux à terre quand il est question de les radouber. Acclivitas, declivitas.

Cale se dit encore d’un plomb qui fert à la pêche de la morue, pour faire enfoncer l’hameçon au fond de l’eau. Bolis.

Cale est aussi une espèce de coiffure de femme, un bonnet plat par en haut, qui vient couvrir les oreilles, & est échancré par-devant avec une petite bordure de velours. Toutes les Servantes de Brie portent des cales. Calantica.

Cale est aussi un bonnet d’homme fait en rond & plat, qui couvre seulement le haut de la tête. Pileus. Tous les Clercs portoient autrefois la cale, & ils le font encore aujourd’hui à la chambre des Comptes. Les Bédeaux, les Pâtissiers, les petits Laquais, quelques garçons de métiers portent des cales. Voiture avoit aimé depuis le sceptre jusqu’à la houlette, & depuis la couronne jusqu’à la cale. Saras.

Borel dérive ce mot d’écaille, aussi-bien que celui de calotte.

Cale, chez les Artisans, est une pièce de bois ou d’autre matière, en forme de petit coin, qu’on met entre deux pierres, ou deux pièces de bois, pour les serrer & presser. Assula.

☞ On appelle plus communément cale, un morceau de bois plat, ou d’autre matière, qu’on met sous une table ou sous quelqu’autre chose, pour la mettre de niveau.

☞ Les Vocabulistes disent élégamment, morceau de bois plat qu’on place dessous une pierre, une poutre, &c.