Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CALCHAQUIN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 165-166).
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CALCHAQUIN, INE. f. Nom d’un peuple de l’Amérique méridionale. Calchaquinus, a. Il y a dans l’Amérique méridionale deux vallées qui portent le nom des Calchaquins, & habitées toutes deux par un peuple de ce nom, soit que ce soit le même, divisé en deux parties, soit que ce soient deux peuples différens du même nom. La première vallée Calchaquine est située dans les Andes, montagnes qui bornent le Pérou & le Chili du côté du levant, & elle en est bornée presque des deux côtés. Elle s’étend 30 lieues du nord au septentrion, & n’a que fort peu de largeur. Elle aboutit d’un côté vers Saltée, & de l’autre vers Londres (Londinum) petites villes du Tucuman. On a cru avoir bien des raisons de dire que les Calchaquins, habitans de cette vallée, étoient originairement Juifs. Les principales sont que, lorsque les Espagnols arrivèrent chez ce peuple, ils trouvèrent bien des Calchaquins qui portoient les noms de David & de Salomon. Que les vieillards disoient qu’autrefois leurs ancêtres avoient la circoncision. Que quand un frere étoit mort sans enfans, son frere lui en donnoit en prenant sa veuve, comme chez les Juifs. Qu’ils portent une robe traînante jusqu’à terre, & liée d’une ceinture comme les Juifs. Que Joseph Acosta rapporte que bien des gens croyoient que les Américains étoient sortis des Juifs. Que toute la nation des Calchaquins, aussi-bien que la nation Juive, est très-superstitieuse, qu’ils adorent les arbres ornés de plumes ; de sorte que l’on peut dire d’eux, ce que l’on disoit de la Synagogue : Vous vous prosterniez sous tous les arbres feuillus. Qu’ils font des monumens à leurs ancêtres de monceaux de pierres qu’ils honorent. Quoiqu’il en soit, si ces peuples ont été Juifs, ils avoient beaucoup changé. Ils adoroient le soleil pour première divinité, & le tonnerre & l’éclair pour divinités secondaires. Ils avoient des Magiciens pour Médecins & pour Prêtres. Ces Magiciens vivoient dans des espèces de chapelles séparées des cabanes des autres : là ils consultoient le démon, ou faisoient semblant de le consulter. Toutes leurs cérémonies ou assemblées sont pleines des plus grandes fureurs, telles qu’on en peut attendra de gens toujours ivres ; jamais ils n’en sont plus transportés que dans les funérailles de leurs morts. Tous les parens & amis d’un malade courent à sa cabane, & y boivent tant que la maladie dure. Ils entourent le lit du malade d’une infinité de flèches, qu’ils fichent en terre, afin que la mort n’ose pas s’approcher. Quand le malade est mort, ils se lamentent en criant de toutes leurs forces. Ils placent le cadavre sur un siège, & mettent devant lui toutes sortes de mets & du vin, comme s’il devoit manger & boire ; ils allument des feux & jettent dedans, au lieu d’encens, je ne sais quels morceaux de bois ou branches d’arbres. Pour exciter la pitié des assistans, les hommes & les femmes montrent toutes les choses qui ont été à l’usage du mort. Pendant ce temps-là, d’autres en dansant & en sautillant, portent des viandes à la bouche du mort, comme s’il devoit les prendre, & les mangent eux-mêmes. Ces cérémonies insensées durent huit jours ; après quoi ils mettent le corps en terre, & avec lui, ses chiens, ses chevaux, tous ses meubles, & des habits que ses amis lui offrent. Ensuite ils brûlent la cabane du défunt, pour que la mort n’y revienne plus. Après un an de deuil, ils célèbrent l’anniversaire de la même manière ; & pour ne point faire de faute contre cet extravagant cérémonial, ils ont un maître des cérémonies. Ils croient que personne ne meurt de mort naturelle, mais toujours de mort violente : de-là soupçons, inimitiés, combats perpétuels entr’eux. Ils croient que les ames des morts se changent en astres, & en astres d’autant plus brillans, qu’ils ont été plus illustres pendant leur vie, ou par leur rang, ou par leurs actions. Ils ont des fêtes, & ces jours-là ils se couronnent de plumes de différentes couleurs. Ils ont des cheveux qui leur pendent jusqu’à la ceinture, qu’ils tressent, & qu’ils nouent comme des femmes. Ils portent des brassarts d’argent ou de cuivre, qui leur couvrent les bras jusqu’au coude, qui leur servent à tirer l’arc, & sont aussi pour eux un ornement. Les principaux de la nation ont un cercle d’argent ou de cuivre, ils y passent un diadème & s’en ceignent le front. Ils se détruisent eux-mêmes par de continuelles dissentions. Ce sont les femmes qui font la paix. Ces barbares accordent tout à un sexe qui les a alaités & nourris. Histoire Parag. Liv. 5, c. 23.

L’autre vallée des Calchaquins commence vers la ville de Sainte Foi, du côté qu’elle regarde le Paraguay ; elle s’étend jusqu’au fleuve de la Plata, & a en ce sens 100 lieues de long. Elle est habitée par les plus cruels de tous les hommes. Ibid. Liv. 4, c. 2.