Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CAILLE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 156-157).
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CAILLE, s. f. Oiseau de plumage grivelé, qui se tient dans les bleds. Cortunix. M. Huet prétend que cet oiseau a pris son som de ce que les couleurs de son plumage représentent des écailles. C’est un oiseau de passage assez petit, & bon à manger. Il est de chaude complexion, d’où l’on a fait le proverbe, chaud comme une caille. On dit que les cailles mangent de l’ellébore, & de la ciguë, sans en être empoisonnées. S. Basile en rapporte la raison, & dit que ces oiseaux ayant les conduits de la gorge fort étroits, les alimens qu’ils prennent ne peuvent descendre que lentement, & qu’ainsi ils se trouvent notablement altérés, avant qu’ils soient dans l’estomac. Willoughby dit que la chair des cailles, est bonne contre la jaunisse, & leur sang souverain contre la dyssenterie. Servius, III. Æneid dit qu’Astérie fut changée en caille. De Rochef. Les cailles d’Italie mangent une sorte de graine qui ôte la délicatesse du goût, & rend leur chair tilleuse. Id.

Ménage, après Scaliger, croit que ce nom lui a été donné à cause de son chant, qui semble en prononcer la première syllabe. Ce mot vient apparemment de l’Italien Quaglia, qui s’est formé, aussi-bien que celui-ci, de Quaquila ou Quisquila, qui se trouvent dans la basse Latinité pour exprimer cet oiseau, & qui sont des mots faits sur le chant des cailles.

Quoiqu’il soit étonnant, comme Pline l’a remarqué Liv. X, ch. 23, qu’un oiseau si pesant, & qui s’éleve à peine de terre, dans les lieux de séjour, puisse passer la mer, & que quelques-uns aient mieux aimé croire que les cailles ne changeoient point de pays, mais se retiroient en des lieux écartés, & à l’abri pendant l’hiver, & qu’elles y vivoient de leurs plumes, ou de leur propre graisse, & de leur propre substance, le fait est cependant certain. Belon, de la Nature des Ois. Liv. 5, ch. 20, assure qu’il s’est trouvé deux fois sur mer au temps que les cailles passent, une fois en Automne lorsqu’elles s’en retournent, & une fois au Printemps, quand elles reviennent ; & que toutes les deux fois il avoit vu plusieurs cailles se reposer sur le vaisseau. Pline dit Liv. X, ch. 23, qu’elles s’abaissent quelquefois en si grand nombre sur les voiles, que par leur poids, elle ont fait couler à fond des barques & d’autres petits bâtimens. L’on remarque aussi qu’elles se reposent dans les Îles qu’elles rencontrent en mer, sur leur route. Aldrob. Ornithol. Liv. XII, ch. 22. Voyez de la Mare, Traité de la Police, Liv. V, tom. XXIII, ch. 2.

Les cailles arrivent à la fin d’Avril & au commencement de Mai, & s’en retournent à la fin de l’Eté. Lorsqu’elles ont le vent contraire, on dit qu’elles se chargent de sable qu’elles avalent, & qu’elles prennent de petits cailloux à leurs pieds, afin de se rendre plus pesantes, de crainte que le vent ne les emporte. Elles font volontiers leur passage quand le vent de Nord souffle, & elles appréhendent le vent de Midi, qui est chargeant, & les fait périr en mer quand il les surprend, à cause de sa moiteur, qui mouille & appesantit leurs aîles. Belon dit qu’elles ne vont point en troupe quand elles font leur passage, mais qu’elles partent la nuit deux à deux, bien qu’en même temps. La mangeaille des cailles est le millet & le blé.

La caille se plait dans les blés verts : elle y fait aussi sa demeure lorsqu’ils sont murs ; & dans leurs chaumes, quand ils sont coupés. Elles deviennent quelquefois si grasses, qu’elles ne peuvent s’en retourner, & servent de pâture pour l’ordinaire aux oiseaux de proie.

Il n’y a point d’oiseau qui multiplie davantage. Elles font jusqu’à seize œufs au mois de mai. Les femelles qui viennent à éclore en ce temps, s’apparient au mois d’Août, & font jusqu’à dix œufs. Dans les pays où elles retournent, elles font aussi deux pontes ; tellement qu’elles couvent quatre fois par an. Elles conduisent leurs cailleteaux par la campagne, & les retirent sous leurs aîles à la manière des poules.

Les Arabes disent que l’Iémen, ou Arabie-heureuse, a une espèce de cailles que l’on ne voit point ailleurs ; ils les appellent salova, & ils croient que celles que Dieu envoya aux Israélites pour les nourrir dans le désert, furent poussées par un vent du Midi de l’Iémen jusqu’à leur camp. Ils écrivent que ces cailles n’ont point d’os, & qu’elles se mangent toutes entières. D’Herb. Le nom salova, est le même que l’Hébreu שלו, selav, & au pluriel שלוים, salvim, qui est celui que l’Ecriture donne aux oiseaux que Dieu envoya aux Israëlites. M. D’Herbelot, au mot Salva, dit que Houssain Vaez, Comm. de l’Alcoran, remarque la même chose : il ajoute que c’est un oiseau particulier de l’Iémen, qui est plus gros qu’un moineau, & plus petit qu’un pigeon, qui n’a ni nerfs, ni os, ni veines, & dont le chant est fort agréable. Cela ressemble fort à nos becfigues. Quant à ce que disent les Arabes, qu’il n’a ni os, ni nerfs, ni veines, c’est une de ces expressions & hyperboles qui leur sont si communes, aussi-bien qu’à tous les Orientaux, & qui signifie seulement que cet oiseau est fort gras, que ses os, nerfs, &c. sont petits & tendres, & qu’on mange l’oiseau tout entier, comme en effet le becfigue, l’ortolan, &c. se peuvent manger tout entiers. Voyez ce que l’Antiquité a dit des cailles dans Vossius, De Idolol. L. III, c. 86, 88, 93.

Les Phéniciens offroient à Hercule des Cailles en sacrifice, & disoient que cette coutume venoit de ce que ce héros ayant été tué par Typhon, Iolaüs lui rendit la vie avec l’odeur d’une Caille. Fable fondée sur ce que dit Bochard, qu’Hercule étoit sujet au mal caduc, & qu’on le faisoit revenir en lui faisant sentir une Caille, dont l’odeur, au rapport de Galien, est un remède utile à ce mal.

☞ On appelle roi des cailles, un oiseau que l’on prétend servir de guide aux cailles, quand elles passent d’une région dans une autre. Sa chair est très-délicate, & l’on dit proverbialement que c’est un morceau de roi. Son plumage est grivelé comme celui de la Caille.