Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CABIRES

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 130-131).
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CABIRES. Terme de l’ancienne Théologie des Païens, qui signifie, selon son étymologie qui est Phénicienne, puissans Dieux. C’étoit le nom qu’on donnoit aux Dieux des Samothraciens. Ils étoient aussi adorés en quelques lieux de la Grèce, comme à Lemnos & à Thebes, où l’on célébroit les Cabiries en leur honneur. Sanchoniaton dit que les Phéniciens les honoroient aussi. Euseb. Præp. Lib. I. Diodore de Sicile dit, Liv. V, qu’ils passoient pour avoir trouvé l’usage du feu, & l’art de faire des ouvrages de fer. C’est pour cela que sur une médaille de Gordien III, & sur une de Furia Sabinia Tranquillina, toutes deux de la ville de Carrhes, où les Cabires étoient adorés, il y a un Cabire sur une colonne, tenant de la main droite un marteau. Vaillant, Num. Imper.p. 205 & 223,& Hérodote remarque dans son III Liv., que les Cabires étoient représentés semblables à Vulcain. Une inscription grecque qui est à Venise les appelle grands Dieux & Dioscoures, qui est un nom affecté à Castor & à Pollux, comme si ces Dieux avoient été du nombre des Cabires. Elle porte,

ΓΑΙΟΣ ΓΑΙΥ
ΑΧΑΡΝΕΥΣ ΙΕ
ΡΕΥΣ ΓΕΝΟΜΕ
ΝΟΣ ΘΕΟΝ ΜΕ
ΓΑΛΟΝ ΔΙΟΣ
ΚΟΡΩΝ ΚΑΒΕΙΡΩΝ

Vossius a parlé des Cabires dans son Liv. II des Idol, c. 31, p. 235, 236. C. 53, p. 302, & C. 57, p. 311.

De Méziriac, dans son Commentaire sur l’Epître de Didon à Enée, après avoir rapporté sur ce sujet un long passage de Varron, pris de Servius, ajoute ces paroles : on peut tirer de ce passage avec Scaliger, que ces Dieux Samothraciens, qui étoient nommés puissans, sont les mêmes qu’on appeloit Cabires, d’autant que Caber, en langue Phénicienne ou Syriaque, signifie puissant. Nonnus, Liv. XIV, des Dionysiaques, fait mention de deux Cabires. nommés Aleon & Eurymédon, & dit qu’ils étoient fils de Vulcain & d’une Nymphe Thracienne, appelée Cabire ou Cabre. Il fait néanmoins dans ses Livres XXVII, XXIX & XXX, cette Nymphe mere des Cabires.

De Méziriac rapporte encore au même endroit cette remarque du Scholiaste d’Apollonius, sur le premier livre des Argonautes, touchant les Cabires. En l’Île de Samothrace on s’initie aux Cabires, & Mnaseas rapporte même leurs noms. Ils sont au nombre de quatre, savoir, Axierus, Axiocersa, Aciocersus : Axierus, c’est Cérès ; Axiocersa, c’est Proserpine ; Axiocersus, c’est Pluton. La quatrième qu’on ajoute, nommé Casmilus, c’est Mercure, au rapport de Dionysodorus. Athenée dit que Jason & Dardanus furent engendrés de Jupiter & d’Electra, & qu’il lui semble qu’ils furent appelés Cabires, dont le plus ancien, c’est Jupiter, le plus jeune, c’est Bacchus. Voilà ce que le Scholiaste d’Apollonius a remarqué touchant les Cabires, dont il est aussi parlé dans Strabon. Hésychius dit que ces Cabires, qui sont fils de Vulcain, étoient fort honorés dans l’Île de Lemnos. Hérodote, Liv. III, les fait aussi fils de Vulcain. Voyez de Méziriac, qui s’étend fort au long sur les Cabires. Bochart en parle presque de la même manière dans la seconde partie de sa Géographie sacrée, Liv. I, ch. 12, & selon sa méthode ordinaire, il remonte jusqu’à la langue Phénicienne, d’où les Grecs ont formé les noms des Dieux Cabires, en les accommodant au génie de leur langue.

Le mot de Cabires a un autre sens dans Origène contre Celse, où il se prend pour les anciens Persans. M. Hyde, qui a donné depuis peu une histoire de la Religion des anciens Persans, tirée de leurs écrits en leur langue, a remarqué que le mot de Cabires est Persan. Cabiri, dit-il, au ch. 29 de son ouvrage, sunt Gabri voce Persicâ aliquantulum detortâ. En effet, ceux qui ont donné des relations de la Perse nous apprennent qu’il reste encore aujourd’hui chez les Persans des descendans de ces anciens Gabres, ou Giavres, adorateurs du feu ; quelques-uns les appellent Gaures, ou plutôt Gavres. M. Hyde, qui en traite fort au long dans son histoire, prétend qu’ils ne rendent point au feu & au Soleil un véritable culte, mais seulement un culte civil, & qu’ainsi ils ne sont point idolâtres.