Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CÉSAR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 384-385).
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CÉSAR. s. m. C’est un nom propre de famille Romaine, qui a établi l’Empire Romain. Cæsar. Jules César. Auguste César. Les douze Césars, ou les douze premiers Empereurs. Il est venu en usage dans la langue en ces phrases proverbiales : Il est brave comme un César. Il faut rendre à César ce qui appartient à César ; pour dire, il faut rendre à chacun le sien. Le P. Bouhours dit que cette phrase est un barbarisme autorisé par la tyrannie de l’usage.

☞ César, dit Ménage, au singulier ne signifie point Empereur : & il est bien probable que celui qui a traduit le premier ce passage, reddite quæ sunt Cæsaris, Cæsari, n’entendoit pas trop le françois. Il est du moins évident que ce premier traducteur a fait deux fautes dans un seul mot : l’une disant César pour Empereur ; l’autre disant à César. Car supposant que César signifie là Empereur, c’est un nom appellatif, qui demande un article ; & il faudroit dire rendez au César, ce qui est au César, comme nous dirions rendez au roi ce qui est au Roi, à César est aussi irrégulier, que le seroit à Roi, à Empereur. S’il s’agissoit de Jules César, comme César est un nom propre, qui se met sans article, à César seroit régulier : mais il s’agit de Tibère, qui régnoit alors. Cependant, ajouta-t-il, quelque irrégularité qu’il y ait dans cette phrase, il faut s’en servir sans scrupule ; l’usage qui a établi des solécismes, peut autoriser des barbarismes quand il lui plaît. Cette phrase a lieu dans le propre & dans le figuré.

☞ Il est vrai, dit M. Ménage, que par ces paroles notre Seigneur a voulu dire qu’il faut payer aux Souverains les tributs qui leur appartiennent : mais quoique ce soit là le sens des paroles de Notre-Seigneur, cela n’empêche point qu’il ne faille les traduire à la lettre, & César, en cet endroit, c’est Tibère, lequel s’appeloit César ; non pas, parce qu’il étoit Empereur ; mais parce que c’étoit son nom d’adoption. Tibère ayant été adopté par César Auguste, qui l’avoit été par Jules César, s’appela César dès le jour de son adoption. Il est vrai que tous les Empereurs Romains ont été ensuite appelés Césars : mais ce nom de famille qu’ils ont pris est toujours demeuré un nom de famille, comme celui de Ptolomée parmi les Rois d’Egypte. Rendez au César, ce qui est au César, dit Ménage, seroit donc une traduction ridicule ; & rendez à César, ce qui est à César est très-bien traduit. Il veut être César, ou rien ; c’est-à-dire, hazarder tout, pour être tout ou rien : c’étoit la devise de César Borgia, Duc de Valentinois.

Quelques anciens Grammairiens prétendent que le nom de César vient du mot latin cæsaries, chevelure : ainsi César voudroit dire la même chose que chevelu, & le premier qui ait porté ce nom ne l’auroit eu que parce qu’il avoit de beaux cheveux ; mais la plus commune opinion est que le nom de César vient à cæso matris utero, de ce qu’il fallut ouvrir le ventre de sa mère pour l’en faire sortir. Janus Bircherodius, dans son ouvrage sur l’Ordre de l’Eléphant, prétend que le nom de César vient de ce que celui qui le porta le premier, tua un Eléphant, en guerre, à cæso elephanto. Il appuie ce sentiment sur une médaille critique, sur laquelle on voit un Eléphant, avec ce mot, Cæsar.

César a long-temps signifié l’héritier désigné à l’Empire, comme aujourd’hui le Roi des Romains. Depuis Marc-Aurèle jusqu’à l’Empereur Valens, nul n’a été fait Auguste, qu’il n’eût auparavant été créé César. Spartien dit que Luce-Vère est le premier qui a été appelé César avant que d’être Empereur. Les Césars étoient adjoints à l’Empire ; Erant principes Imperii. Arbogaste tua Victor que Maxime son père avoit laissé dans les Gaules, après l’avoir créé César. Voyez Auguste.

Le César a été la seconde dignité, la seconde personne de l’Empire, jusqu’à Alexis Comnène. Cet Empereur érigea une nouvelle dignité en faveur de son frère Isaac Comnène, qu’il appela Sebastocrator, auquel il donna le pas sur le César, ainsi que nous l’apprennent Anne Comnène, sa fille, Alexiad. Lib. III, & Codin De Off. Constant. cap. 2. Voyez sur cet endroit les notes du P. Goar. Codin décrit la création du César, ses habits, sa couronne, ses droits, ses privilèges, &c. Pour détruire la pensée de celui qui a dit qu’on ne donnoit la couronne de laurier qu’aux Augustes, & jamais aux Césars, il n’y a qu’à voir le médaillon de Maxime Γ. ΙΟΥ ΜΑΞΙΜΟϹ ΚΑΙϹΑΡ, où il a la couronne de laurier, avec la qualité de César ; sans parler du bas Empire, où Crispus César est couronné de laurier. P. Jobert.

Le Cardinal Noris, De Lic. c. p. 43, prétend qu’on marquoit les années des Césars sur les médailles, & que celles de Constance Chlore & de plusieurs autres ensuite, sont marquées sur les médailles, quoiqu’ils ne fussent encore que Césars.

César, signifie aussi Empereur. Imperator. D’où vous vient cette audace, de parler publiquement pour soulever le peuple contre la religion des Césars ? Port-R.

Et les Rois à genoux venaient de toutes parts,
Adorer la grandeur du Trône des Césars. God.