Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CÉRÉALES

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 372-373).

CÉRÉALES. adj. f. pl. pris substantivement. Terme de Mythologie. Cerealia. Fêtes de Cérès, en l’honneur de Cérès. Elles furent instituées par Triptolème d’Eleusis dans l’Attique, & fils de Celéus, Roi d’Eleusis & de Mehaline, en reconnoissance de ce que Cérès, qui passa pour avoir été sa nourrice, lui avoit appris l’art de cultiver le blé, & d’en faire du pain. Ainsi ces fêtes prirent naissance dans la Grèce. Il y en avoit deux à Athènes ; les unes se nommoient Eleusinies, & les autres Thesmophories. voyez à ces mots ce qu’il y a de particulier à chacune. Ce qui convenoit à toutes les deux, & en général aux céréales, c’est qu’on les célébroit avec beaucoup de religion & de pureté, jusques-là qu’on s’abstenoit de vin & de tout commerce avec les femmes pendant ce temps-là. On y honoroit non-seulement Cérès, mais encore Iacchus & Liber, c’est-à-dire, Bacchus : les victimes qu’on immoloit étoient des porcs, à cause du dégât qu’ils font aux biens de la terre ; & enfin il n’y paroissoit point de vin. Plaute, du moins, semble le dite, Aulul. Act. II. Scen. 7. & Macrobe, Saturn. L. III, ch. 11, dit expressément qu’il étoit défendu d’offrir du vin à Cérès en quelque sacrifice que ce fût. Cependant Caton dans les derniers mots du c. 134, De re rustica, dit le contraire, & Macrobe, à l’endroit que j’ai cité, excuse Virgile d’avoir fait offrir du vin à Cérès. Lambin dit qu’il ne faut entendre Plaute que des Céréales des Grecs, & non pas des Romains. Un Auteur récent, réfute Lambin, en disant que Plante étoit Grec ; & il ne fait pas attention que Plaute ne parle pas de son chef, qu’il fait parler un de ses personnages, & que sa Comédie est Grecque, ou que la scene étoit en Grèce, comme il paroît par les seuls noms des personnages qui sont tous Grecs. Pour Macrobe, il dit qu’à la vérité on ne lui offroit point de vin, vinum ; mais du vin doux, mulsum ; & que le sacrifice que l’on faisoit à cette Déesse & à Hercule le vingt-unième de Décembre étoit d’une truie pleine de pains, & de vin doux, & c’est ce que Virgile entend par miti Baccho. Voyez Saumaise sur Solin, p. 750, & les Auteurs cités ci-dessus.

Les Céréales passèrent des Grecs aux Romains qui les célébroient pendant huit jours, depuis le douzième d’Avril jusqu’au dix-neuvième inclusivement. C’étoient les Dames seules qui les célébroient en habit blanc ; les hommes vêtus aussi de blanc n’en étoient que les spectateurs ; ils s’abstenoient aussi de vin & de tout commerce avec les femmes. Les Romains crurent devoir honorer par-là une Divinité qui s’étoit distinguée par sa chasteté. On ne mangeoit que le soir après le soleil couché, parce que Cérès, malgré la fatigue du voyage, n’avoir pris de nourriture que le soir, lorsqu’elle cherchoit sa fille. Il y avoit aussi durant le jour des combats à cheval, qui furent changés dans la suite en combats de Gladiateurs ; ce qui fut regardé comme une chose de mauvaise augure pour la République ; le peuple avoit part à la fête par les largesses qu’on lui faisoit de pois, de noix, & d’autres choses semblables. Les Ediles présidoient aux Céréales, comme on le voit par cette médaille de Memmius. C. MEMMIUS, C. F. QUIRINUS MEMMIUS ÆD. CEREALIA PRIMUS FECIT. Il falloit au moins être nommé Edile pour présider à cette cérémonie, comme il paroît par les témoignages de Cicéron tirés d’un de ses Discours contre Verrès. Cependant il est arrivé une fois que le Dictateur ou le Général de la Cavalerie, par un Senatusconsulte, présida aux Céréales. Cette fête duroit huit jours, & se célébroit au Cirque, à commencer le lendemain du jour qu’avoient fini les jeux du Cirque. Après la bataille de Cannes, la désolation fut si grande à Rome, qu’il ne se trouva point de femmes qui pussent célébrer cette fête, parce qu’il n’y en avoit point qui ne fût en deuil ; la fête fut omise cette année-là, mais le Sénat ordonna qu’on quitteroit le deuil pour quelque temps, pour célébrer les autres fêtes. On y célébroit la douleur de Cérès après la perte de sa fille Proserpine. On y portoit en procession les statues des Dieux. On dit aussi qu’on y portoit un œuf, apparemment comme la figure du Monde, qui renferme, comme l’œuf, une force vitale qu’il communique aux semences ; ou, selon quelques-uns, mais avec moins d’apparence, pour représenter l’œuf dont Castor & Pollux étoient nés. Ces jeux se faisoient dans le Cirque, comme Ovide le marque, Fast. L. IV, v. 391 ; & l’on y faisoit des courses & des combats à cheval. Les victimes étoient deux truies, l’une dorée, & l’autre argentée, dit Festus ; c’est-à-dire, l’une couverte d’ornemens dorés, & l’autre d’ornemens argentés. Tout ceci est recueilli d’Alexand. ab Alex. Genial. dier. L. VI. c. 19. Rhodig. L. XXVII, c. 37. Rosin. Antiq. rom. L. V, c. 12. Scalig. Poetic. L. I, ch. 32. Festus, Tite-Live, Arnobe, Ovide, Cicéron, &c.