Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CÉLIBAT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 348-349).
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CÉLIBAT, s. m. État d’un homme qui vit hors du mariage. Vita cœlebs, vulgò cœlibatus. La dure loi du célibat a trouvé de grandes résistances pour s’établir : le cœur ne s’y opposoit pas moins que l’esprit. Saint Evr. Les éloges que Tertullien a donnés à la chasteté firent trouver une plus grande perfection, & une plus grande pureté dans le célibat. Id. Dans le premier Concile de Nicée, Paphnuce s’opposa hautement à la loi que l’on y vouloit faire, pour obliger les Evêques & les Prêtres à garder le célibat. Du Pin. Cependant les grands applaudissemens qu’on donna au célibat, & les fortes raisons de ses partisans ne laissèrent pas de faire impression. Id. Et il fut ordonné à tous les Ministres sacrés, sans exception, de garder le célibat. Dans l’Occident les Conciles d’Elvire, d’Arles, d’Agde, de Tours, &c. ont reçu ce Décret, ou l’ont confirmé. Tant d’autorités font voir que la loi qui ordonne le célibat est sage. Les Prêtres qui se piquoient d’une sainteté plus exacte gardèrent le célibat, en sorte qu’à la fin du IV siècle, & depuis le Décret du Pape Sirice en 385, il y en avoir peu qui fussent mariés. Le Concile d’Orange en 441, ordonna la déposition de ceux qui ne s’abstenoient pas de leurs femmes. Grégoire VII, acheva presque de réduire les Ecclésiastiques à la loi du célibat. Dans le XIIe siècle le Pape Célestin envoya les Légats en Bohême pour soumettre les Ecclésiastiques au célibat. Ils refusèrent d’y consentir,& répondirent qu’ils ne souffriroient point un joug que ni eux, ni leurs pères, n’avoient pu porter : on les contraignit. Au Concile de Trente on proposa de rendre aux Ecclésiastiques la liberté du manage, & de les délivrer de la contrainte du célibat, c’étoit même un article de l’Interim de Charles-Quint. Mais le Pape refusa d’y consentir : & tous les Ecclésiastiques sont obligés de garder inviolablement le célibat, comme un état plus pur, & plus convenable à la sainteté de leur profession. Saint Evr. Les Hérétiques ont parlé contre le célibat d’une manière, si grossière, qu’elle est capable de faire rougir même les libertins.

M. Ferrand, dans sa Réponse à l’Apologie pour la reformation, montre que les Prêtres, les Diacres, & les Soudiacres, ont toujours été en obligation de garder le célibat ; que dans l’Eglise Gallicane, aux temps de Saint Loup & du Ier Concile de Mâcon, on obligeoit les Acolythes & les Exorcistes à la continence comme les Ordres supérieurs. L’Historien Socrate, Liv. V, c. 22, dit qu’en Thessalie on excommunioit un Clerc s’il habitoit avec sa femme, quoiqu’il l’eût épousée avant son ordination, & que la même coutume s’observoit en Macédoine & en Grèce ; qu’en Orient tous observoient volontairement cette règle. Saint Jérôme, plus ancien que Socrate, dit que les Eglises d’Orient, d’Egypte, & du Saint Siège Apostolique, c’est-à-dire, les trois grands Patriarchats, & presque toutes les Eglises du monde qui leur étoient soumises, prenoient pour Clercs des vierges ou des continents ; ou que, s’ils avoient des femmes, ils cessoient d’être leurs maris. S. Epiphane avant Saint Jérôme, quoique du même siècle, dit qu’un homme qui a été marié, ne l’eût-il été qu’une fois, n’est point reçu pour être Diacre, Prêtre, Evêque, ou Soudiacre du vivant de sa femme, s’il ne s’en abstient ; que s’il se pratique quelque chose de contraire en quelques endroits, cela est contraire à la règle de l’Eglise, quoique toléré par condescendance pour la foiblesse humaine. Ce qui montre qu’il y avoit une ancienne règle ou Canon qui ordonnoit le célibat aux Clercs. Le Président Savaron, dans ses Origines de la ville de Clermont en Auvergne, p. 46, remarque que le célibat étoit gardé par les Evêques dans le IIIe siècle. Voyez le Traité de Rarramne contre les Grecs, Liv. IV, c. 6, où il répond aux accusations des Grecs par rapport au célibat des Clercs.,

☞ Quoique la loi du Célibat pour les Evêques, les Prêtres & les Diacres soit fort ancienne, il est pourtant vrai que le Célibat n’est pas attaché de droit divin aux ordres sacrés, c’est-à-dire, qu’il n’y a point de loi divine qui défende d’ordonner Prêtres des personnes mariées, ni aux Prêtres de se marier. Dans l’ancien Testament il étoit permis aux Prêtres de se marier, même après avoir été élevés à cette dignité. Dans le nouveau Testament Jésus-Christ n’a fait aucune défense sur cette matière ; & si l’Apôtre Saint Paul dans ses Epitres à Timothée & à Tite, veut que les Evêques soient chastes & continens, ce n’est pas un commandement divin ; & puis ces passages de Saint Paul ne s’entendent point du Célibat, puisque l’Apôtre défend seulement aux Evêques d’avoir plusieurs femmes en même temps, ou successivement. Oportet Episcopum esse unius uxoris virum. Voyez M. Morin & M. l’Abbé de Saint Pierre sur le Célibat.

Scaliger tire ce mot du grec ϰοιτὴ, qui signifie lit, & λείπω qui signifie linquo, celui qui abandonne le lit nuptial, ou qui n’en a jamais voulu. D’autres disent que le mot de célibat vient de Cœli beatitudo.